LE CYCLE DU DÉSASTRE DE LA GRÈCE S’ACHÈVE par Maria Negreponti-Delivanis 20.12.2015
LE CYCLE DU DÉSASTRE DE LA GRÈCE S ’ACHÈVE
par Maria Negreponti-Delivanis 20.12.2015
Introduction
Pendant le laps de
temps qui s’est écoulé entre le 12 décembre 2014 (date de la journée-conférence
sur la dette et la survie de la Grèce organisée par la Fondation Delivanis )
et aujourd’hui, le 20 décembre 2014 – une avalanche d’événements à couper le
souffle s’est produite. Si aucune force ne vient s’y opposer, c’est bien le
cycle du désastre de notre pays qui s’achève, et cela pour des dizaines
d’années.
Comme le 11
septembre 2014 est sorti mon nouveau livre intitulé L’assassinat économique de la Grèce et le dernier recours: la drachme,
publié par les éditions L’Harmattan, où l’on peut trouver nombre d’informations
concernant la Grèce, et que le
présent Cahier du CEDIMES contient de multiples contributions de Français et de Grecs
aux échanges de paroles sur la Grèce, je ne vais m’intéresser, dans le présent
article, qu’aux événements plus récents qui, si aucune réaction ne vient
s’interposer, posent la pierre tombale de nos espoirs.
Profitant de l’occasion, je voudrais remercier le
directeur du CEDIMES, le professeur Claude Albagli , à qui nous devons l’idée de
consacrer ce numéro des Cahiers du CEDIMES aux problèmes épineux de l’économie
grecque, et le professeur Gérard Lafay, qui s’est proposé spontanément d’en
prendre en charge l’édition, en assurant ainsi la qualité.
Les récents aspects
du drame vécu par la Grèce dont il sera question dans cet ouvrage concernent
exclusivement ce nouveau visage dévoilé par la troïka et que jusqu’ici, nous ne
connaissions pas vraiment. Un visage dénué de toute pitié mais qui pratique un
chantage ostentatoire, qui abaisse sans aucune compassion le gouvernement, et
qui augmente les doses et la durée des mesures d’appauvrissement du peuple
grec, parfaitement indifférent à leurs conséquences tragiques. La situation économique du pays est bien
pire qu’elle ne l’était en 2009, alors on se demande à quoi ont bien pu servir
les sacrifices cruels de ces cinq dernières années imposés à la population.
Il faut, bien sûr, reconnaître
que l’occasion à cette nouvelle recrudescence des mesures qui dépassent en
sauvagerie les précédentes, a été donnée au gouvernement grec. Aussi incroyable que cela paraisse, il
semble que les dirigeants grecs aient été victimes d’histoires qu’eux-mêmes ont
fabriquées et qui se répètent sans cesse ces derniers temps, concernant des success stories, la viabilité de la dette,
la croissance rapide, la fin des mémorandums et la sortie de la Grèce sur les
marchés.
Bien qu’il n’y ait
rien de vrai dans cette campagne de triomphe inacceptable et superficielle,
étant donné que l’économie grecque et la société ont été complètement détruites
par les mémorandums, et qui plus est pour des dizaines et des dizaines
d’années, le fait est que même les dignitaires étrangers rabâchaient ces
histoires. Or, dans le cas de ces
derniers, c’est évidemment dans le dualisme du contenu de la
« stabilisation économique » que l’explication devra être cherchée. Autrement
dit, les déclarations sans cesse répétées à propos du rétablissement de la
« stabilité » n’ont pas trait aux grandeurs de l’économie grecque réelle, comme le PIB, le
volume de l’emploi, le rythme de développement et de croissance, le taux des
investissements – publics et privés –, la demande active, les importations et
les exportations. Le naufrage général des grandeurs de base, sans exception, de
l’économie grecque qui, naturellement, entraîne l’appauvrissement cumulatif et
de longue durée de la population, n’inquiète pas plus qu’il n’intéresse les émissaires
de la troïka et leurs chefs. Par contre, cette « stabilisation » leur
permet à eux tous de pomper à tous les niveaux et pour longtemps encore
les richesses publiques et privées du pays :
réductions répétées des salaires et des pensions, impôts qui dépassent déjà les
revenus dont ils proviennent, démantèlement progressif de l’État-providence, de
la santé publique et de l’enseignement public, dislocation de l’administration
publique, retour violent du marché du travail à un environnement moyennageux,
excédents primaires inhumainement élevés en vue d’assurer presque gratuitement
et sans résistances une main-d’œuvre asservie. Exigence d’un excédent primaire annuel
énorme avec des sacrifices innombrables pesant sur le niveau de vie des Grecs,
de toute évidence pas pour aller dans le sens d’une croissance du pays, mais
pour aller tel quel dans les poches des créanciers. Destruction sauvage de
l’unique branche encore rentable, le tourisme, avec une TVA doublée dans les
services touristiques. Impatience effrénée des émissaires de la troïka et de
leurs chefs qui veulent que la Grèce soit bradée dans les plus brefs délais, à
un prix dérisoire comparé à sa valeur objective. Pratiquement une île grecque
pour le prix d’un appartement à Londres.
Bien que la destruction de la Grèce par les plans
d’austérité est indéniable et se passe de preuves, il suffit de recourir aux
chiffres froids pour voir que lorsque les responsables politiques Grecs alléguaient
le contraire, ils satisfaisaient parfaitement la part obscure des instigateurs
des mémorandums. Et ceci parce que l’utilisation de la
Grèce comme animal de laboratoire était l’ultime espoir des fervents
néolibéraux qui veulent prouver le bien-fondé de leurs idées en général vouées
à l’échec. À cause de ce fanatisme,
l’économie grecque de 2014 se retrouve au niveau qu’elle avait en 1980, et
l’ensemble de l’Europe, après six ans de développement anémique, se voit déjà menacé
par l’épouvantail de la
déflation. Je voudrais ajouter aussi à ce point que tous les
gouvernants Grecs, lorsqu’ils se montraient convaincus que la destruction
totale du pays est une success story,
reconnaissaient aussi indirectement que « les mémorandums étaient
bénéfiques à la Grèce »… que ceux ont amené des « réformes » qui
devaient absolument être faites (y compris manifestement celle qui consistait à
abandonner à la loi de la jungle le marché du travail). Et aussi
incroyable que cela puisse paraître, tant du côté de la Grèce que de celui du
reste de l’Europe, l’excédent primaire, aussi indiscernable que contesté, a été
accueilli triomphalement, et volontairement oubliée sa composition sanguinaire
que sont les milliers de suicides, d’avortements, d’enfants évanouissant de
faim à l’école, etc. Et pourtant, oui, le triomphe était bien là.
On peut donc affirmer que les relations entre le
gouvernement grec et la troïka étaient chaleureuses, tandis que les deux
parties exécutaient d’une manière absolument parfaite leur rôle : d’un
côté, les nôtres assuraient celui de la sujétion et de l’obéissance à tout,
libres de toute inquiétude et préoccupations, et de l’autre, les émissaires de
la troïka celui des conquérants, qui concédaient pourtant une place
particulière aux dignitaires Grecs. C’est ainsi que la réalisation des
promesses qu’ils avaient fait aboutissait à une admiration réciproque et même à
une autosatisfaction pour le travail accompli qui « plaît tant à
Dieu ».
II. Les erreurs des gouvernements grecs
Or, cette relation
idyllique entre le gouvernement grec et la troïka a été gravement ébranlée à la
fin du mois de novembre 2014, lorsque le côté grec osa annoncer de façon
officielle des décisions visant à combattre la dette, sans avoir au préalable
pris soin d’en demander l’autorisation aux émissaires de la troïka. Cette
initiative avait naturellement été motivée par la conviction que
« l’économie grecque se porte à merveille ». Et ce fut alors la preuve, effrayante, que la troïka avait une conception
toute différente de la réalité grecque. En effet, lorsque la troïka comprit
que le gouvernement non seulement s’en prenait sérieusement au contenu des
histoires qu’elle laissait systématiquement s’ébruiter, mais qu’en plus il s’en
servait pour prendre des décisions concernant des changements radicaux du statu quo de la Grèce, c’est-à-dire de sa
condition générale d’asservissement à la dette, elle est devenue folle de rage.
Le cadre sur lequel il semble que nos dirigeants se soient basés (naïvement,
comme cela s’est avéré), autour d’une supposée reconnaissance de leurs
sacrifices, autour d’une supposée admiration de leurs « prouesses »,
autour d’une supposée maturation de la troïka, du besoin d’un allègement sur le
long terme de la dette, tout cela a été renversé en une nuit. La troïka était
furieuse, et c’est ainsi que les sous-fifres avec le soutien absolu de leurs
grands chefs ne daignèrent pas, pendant plusieurs jours, répondre aux vassaux qui avaient osé relever la tête face
à leurs suzerains, se délectant ainsi de leur terreur. Et, lorsque les
émissaires de la troïka décidèrent enfin de rompre cet outrageant silence, leur
réponse fut un mitraillage assourdissant de nouveaux diktats, absurdes,
exténuants et sanguinaires, à la place des déclarations du Premier ministre
grec disant que… « le plus difficile est passé », que la Grèce jouit
de l’admiration des étrangers car… « le rythme de croissance du pays est
plus rapide que celui des autres » ! Les émissaires de la troïka ne sont manifestement pas satisfaits des
indicibles sacrifices demandés à la population, de son appauvrissement abyssal,
de la destruction totale de l’économie et de la société. Ils
voulaient encore du sang, ils voulaient une soumission encore plus grande, ils
voulaient que le pays soit vendu à un rythme encore plus rapide. Et, bien sûr,
il était hors de question de sortir des mémorandums, hors de question que le
pays mis à mal pense s’éloigner du FMI, qu’il s’imagine refuser de prendre de
nouvelles mesures, plus douloureuses que les précédentes, plus efficaces pour la
réalisation de la « solution finale ».
Il va de soi que je
ne me situe pas du côté de la troïka qui hélas exécute les directives de
« nos partenaires européens », lesquels je crains qu’ils ont décidé de
laisser la Grèce en dehors de la liste des économies européennes indépendantes
pour très longtemps. Tandis que je rédige ce texte, il serait insensé de ma
part d’ignorer certains aspects importants qui expliquent comment nous sommes
arrivés à ce point ultime du discrédit international complet et de ne pas interpréter
les raisons de l’enhardissement de la troïka.
Α) La première
erreur
Il est maintenant «
trop tard pour pleurer » et bien trop tard pour penser à notre « dignité
nationale » blessée. Et ceci car on ne peut pas exiger de nos créanciers qu’ils
nous prennent en compte lorsque notre propre gouvernement, depuis plus de cinq
ans, n’a pas osé émettre un seul NON aux avilissements répétés, n’a pas eu le
courage de réfuter ‒ malgré les nombreux arguments dont nous disposions ‒ les
mesures criminelles qui nous étaient imposées. Par contre, c’est presque à
genoux que les nôtres se sont accordés, pas simplement à exécuter tous les aspects
paranoïaques et criminels et toute cette barbarie contenue dans les plans
misérables du mémorandum, mais ils ont aussi affiché un zèle démesuré, faisant
surgir un certain nombre de conséquences tragiques : notons, entre autres,
l’enthousiasme face à l’excédent primaire sanguinaire, atteint par le biais
d’un PIB effondré. Même si ce programme,
dont la conception est malsaine et l’application inhumaine, n’avait dès le
début aucune chance de réussir, les responsables politiques grecs n’ont pas
hésité à (voir ci-dessous de 1 à 6) :
1.
Se tourner contre l’ensemble des
travailleurs, qu’ils ont brutalement privé du droit à une vie digne. Aussi bien
matériellement, en imposant un niveau des salaires avilissants, que
qualitativement, en tolérant un environnement de travail détérioré, et des
conditions de travail serviles dans le secteur privé tout autant que public.
2.
Nos « hommes » n’ont pas
hésité non plus à accepter de procéder à des milliers de licenciements
« gratuits » de fonctionnaires publics, non parce que le secteur
public grec était trop grand, puisque l’ensemble des études sur ce sujet le
classe dans la moyenne européenne, mais parce que les émissaires de la troïka
se trouvent être fortement allergiques à tout ce qui sent le public. Et comme choisir
quels employés devaient être licenciés était difficile et absurde, c’est une attaque
généralisée contre l’ensemble des travailleurs du public qui a été fabriquée, lesquels
ont été accusés d’être… tire-au-flanc, corrompus, incapables, etc. Un État
donc, incapable de protéger ne serait-ce que de façon élémentaire ses citoyens.
Un État qui s’est identifié, sans aucune résistance, à ses oppresseurs. Et
finalement… la montagne a accouché d’une souris puisque les efforts désespérés
faits pour prouver ces accusations ont permis de dénicher… à peine 15 (quinze)
employés de la fonction publique. Or, les organes exécutifs grecs des diktats
de la troïka ne se rendent pas compte que la mise au pilori du secteur public
d’un pays revient à honnir leur propre patrie !
3.
Ils n’ont pas hésité à épuiser complètement et sans hésitation la
classe la plus basse, les bas-salaires et les petites retraites qui n’ont
littéralement pas de quoi vivre et se tournent par milliers vers les ordures
pour trouver à manger. À faire disparaître ensuite la classe moyenne, en
imposant des impôts d’une nature peu orthodoxe, plus élevés que le revenu.
L’entreprise, bien sûr, n’aura été qu’un
coup d’épée dans l’eau, puisque les recettes de l’État sont à peu près au
même niveau que celui de 2009, pour un revenu, par contre, ayant baissé de plus
de 30 %. Et nos dirigeants, au lieu de s’opposer aux
inspirations absurdes de la troïka qui a désorganisé le pays, et au lieu
d’essayer de démontrer la nature paranoïaque et criminelle des mesures qu’elle
leur impose, le cœur léger, se sont efforcés de convaincre la population que
« les mesures sont pour son bien », que « c’est la seule
solution », que « la lumière commence à luire au fond du
tunnel ».
Peut-être parce qu’ils avaient signé ces
mesures honteuses ? Peut-être parce qu’ils croyaient vraiment à leur
efficacité, malgré l’avalanche de réactions qu’ils avaient provoquées
à l’étranger ? Ou simplement pour rester le plus longtemps possible
au pouvoir quel qu’en soit
le prix ? Cependant, au lieu d’une « sortie des mémorandums », c’est déjà un mémorandum à durée indéterminée qui arrive. Il s’agit plus exactement d’un mémorandum qui – même désigné sous une autre appellation – continuera jusqu’à ce que 75 % de notre dette soit remboursés. Étant donné que la dette grecque est non viable (en dépit du fait que certains Grecs et étrangers se montrent furieux et… s’acharnent à la sauver), si la viabilité de la dette est la résultante d’un désir similaire, le contrôle oppressant des créditeurs et l’exigence de nouvelles mesures meurtrières ne vont certainement pas finir de sitôt. Selon une stratégie invariable, cette fois encore les responsables politiques affirment à la population qu’il n’y aura pas de « nouvelles mesures douloureuses ». Or, selon une stratégie invariable, il est évident qu’il y en aura d’autres, qui se succèderont les unes après les autres. Les créanciers, pour justifier ce nouveau déluge de mesures, soutiennent que « selon leurs estimations le trou financier pour 2015 est de 2 425 milliards d’euros, dont 1 773 milliards concernent le budget et 652 milliards le système de la sécurité sociale. Il est possible que la troïka ait fait des erreurs d’estimations, et ce ne serait pas la première fois. Habitués du reste à ne jamais être contredits mais plutôt à être acquiescés tacitement, ils se sont montrés fâchés contre le Ministre Grec de l’économie qui… s’est risqué à faire remarquer que « leurs estimations sont erronées ».
le prix ? Cependant, au lieu d’une « sortie des mémorandums », c’est déjà un mémorandum à durée indéterminée qui arrive. Il s’agit plus exactement d’un mémorandum qui – même désigné sous une autre appellation – continuera jusqu’à ce que 75 % de notre dette soit remboursés. Étant donné que la dette grecque est non viable (en dépit du fait que certains Grecs et étrangers se montrent furieux et… s’acharnent à la sauver), si la viabilité de la dette est la résultante d’un désir similaire, le contrôle oppressant des créditeurs et l’exigence de nouvelles mesures meurtrières ne vont certainement pas finir de sitôt. Selon une stratégie invariable, cette fois encore les responsables politiques affirment à la population qu’il n’y aura pas de « nouvelles mesures douloureuses ». Or, selon une stratégie invariable, il est évident qu’il y en aura d’autres, qui se succèderont les unes après les autres. Les créanciers, pour justifier ce nouveau déluge de mesures, soutiennent que « selon leurs estimations le trou financier pour 2015 est de 2 425 milliards d’euros, dont 1 773 milliards concernent le budget et 652 milliards le système de la sécurité sociale. Il est possible que la troïka ait fait des erreurs d’estimations, et ce ne serait pas la première fois. Habitués du reste à ne jamais être contredits mais plutôt à être acquiescés tacitement, ils se sont montrés fâchés contre le Ministre Grec de l’économie qui… s’est risqué à faire remarquer que « leurs estimations sont erronées ».
Voici, donc, ce qui
va nous tomber dessus comme… « non mesures » selon notre
gouvernement, alors que le pays est littéralement ravagé par les effets des
mesures précédentes, et avec 82 % de la population déclarant être confrontés à
une difficulté financière » :
• retrait de la
réduction de 30 % de la cotisation de
solidarité annoncé par le Premier ministre lui-même, et qu’il est déjà forcé de
« reprendre » ;
• nouvelle taxe sur les produits de luxe,
augmentation des taxes sur les cigarettes et l’alcool à partir du 1er
janvier 2015 ;
• augmentation de
la TVA pour les hôtels, de 6,5 % à 13 % (ce qui va faire disparaître le seul
secteur encore debout, le tourisme) ;
• gel des retraites
jusqu’en 2017, qui ont déjà subi une baisse de 40 % ;
• coupe dans les retraites
complémentaires ;
• changements
importants dans le système de la sécurité sociale avec l’augmentation du nombre
minimum des points qui donnent droit à la retraite, retenue d’un pourcentage de
plus de 25 % sur les salaires et retraites de plus de 1500 euros en cas de
dettes envers l’État, mais aussi retraite à 360 euros pour ceux qui ont cotisé
20 ans.
• suppression de
toutes les exonérations fiscales.
4.
Ils n’ont pas hésité renoncer à
tout sérieux élémentaire, afin de soutenir l’« orthodoxie » des mesures
et leurs… « résultats favorables ». Nombre de cas témoignent, en ces
cinq dures années, de l’existence d’une sorte d’accord tacite entre le
gouvernement et la troïka concernant l’annonce de réussites là où on ne
constate que des échecs. Je vais relater l’exemple le plus représentatif et le
plus récent d’altération volontaire de la réalité. Il s’agit
précisément du problème de la « viabilité » ou « non
viabilité » de la dette grecque. Je sais, bien évidemment, qu’annoncer la
vérité, dans ce cas précis, revient presque à trahir ce qu’il y a de plus
sacré. On nous assure (le plus sérieusement du monde et sans que soit émis la
moindre réserve) que la dette de la Grèce est… viable. Les créanciers savent parfaitement
qu’une dette égale à 177 % du PIB ne peut en aucun cas être considérée comme
viable, mais ils gardent le silence, car s’ils reconnaissent la réalité, ils
devront aussi automatiquement admettre le besoin de l’alléger et de la restructurer
pour la rendre viable ! Il n’est pas besoin d’avoir de sérieuses
connaissances en économie pour comprendre que la dette grecque, pour atteindre
en 2020 (comme l’a fixé le FMI) 120 % du PIB (qui est l’indice de viabilité
d’une dette), exige exhaustivement un rythme annuel de croissance pour la
période 2015-2024 égal à 4,5 % au moins. Alors, peut-on sérieusement affirmer
que la Grèce, dont la partie la plus importante de sa base productive a été
détruite, viendra à bout de cette épreuve, qui plus est au sein d’une Europe
déjà minée par la dévaluation ? D’où viendra ce miracle inouï ?
Peut-être des investissements étrangers « massifs » qui, dans le cas
de la Grèce, consistent en l’acquisition pour trois fois rien de l’ensemble des
richesses et des sources de richesses impitoyablement bradées ? Et pourtant,
les mythes perdurent.
5.
Ils n’ont pas hésité à chercher et
promouvoir les soi-disant réussites d’un plan dont l’instigateur lui-même,
Olivier Blanchard, a été contraint d’avouer que c’était une erreur. Une erreur
manifeste, puisque le plan, avec une exactitude mathématique, n’a fait qu’alimenter
et augmenter la dette plus rapidement que le PIB. Le seul espoir de viabilité de la dette de la Grèce serait une augmentation
accélérée de l’économie emmurée par le plan d’austérité démesurément néolibéral
et asphyxiant dicté par la troïka.
6.
Ils n’ont pas hésité à se niveler
avec la troïka au point que la Grèce a voté l’abstention lors du vote d’un
texte proposé par les 77 économies émergentes et la Chine, le 9 septembre 2014
en séance plénière des Nations unies. Il s’agissait de créer un mécanisme de
restructuration des dettes publiques d’économies en faillite. Le projet a reçu
121 voix pour, 11 contre et 41 abstentions. La Grèce n’a pas eu le courage de
voter en faveur d’un texte qui la concernait en tout premier lieu et qui aurait
pu la sauver à temps !
B) La deuxième erreur
Et je passe à la
deuxième erreur meurtrière de nos dirigeants commise pendant ces cinq
difficiles années. Ceci, naturellement, est en lien direct avec la précédente qui
réside dans l’attitude globalement servile de nos responsables politiques. Il
s’agit de l’absence totale de
pourparlers et l’obsolescence de nos nombreux et très sérieux
arguments. Très sommairement, je relate les réparations de guerre allemandes,
qui auraient dû être réclamées dès le début de la crise de la dette, et qui
devraient être au centre de nos pourparlers avec les créanciers, le caractère
clairement onéreux et odieux de notre dette, les nombreux actes
anticonstitutionnels qui l’entourent, le contenu gravement erroné du supposé
plan de stabilisation de la troïka dont l’échec a été annoncé publiquement même
par le chef macroéconomiste du FMI Olivier
Blanchard et qui en Grèce a causé une crise humanitaire, le caractère hautement
malsain du fonctionnement de l’euro qui se retourne essentiellement contre le
sud de l’Europe etc., etc.
III. L’aggravation de la crise grecque a un fort caractère
antidémocratique
La nouvelle crise
en Grèce présente de nombreux aspects opaques autant que difficiles à
comprendre. À la perspective des prochaines élections, une panique
incontrôlable s’est emparée du gouvernement et des créanciers, et il est clair
que dans le pays et à l’étranger, ils unissent leurs forces pour les écarter
par tous les moyens. Le danger dont ils se sentent menacés semble si terrifiant
qu’il justifie l’adoption d’une série de plans catégoriquement hostiles à la
tenue d’élections libres et à la démocratie. Il s’agit d’une forme grossière
d’intervention que l’on peut interpréter plus largement comme la suppression
des élections libres, l’emploi de la terreur à l’encontre des électeurs, de la tentative
brutale de changer leurs préférences telles qu’enregistrées dans les fréquents
sondages, et plus que tout, la diabolisation du principal parti de l’opposition
pour l’empêcher d’accéder au pouvoir. C’est
une entreprise avant tout violente de trucage du résultat des élections,
trucage qui aurait dû normalement soulever une vague de réactions, à commencer par
celle du gouvernement, et occasionner l’intervention de la Justice.
Or , le gouvernement
non seulement ne semble pas gêné par ces interventions extérieures
inadmissibles et extrêmement humiliantes qui suppriment toute trace
d’indépendance nationale, mais en plus il approuve les voix extérieures qui veulent
imposer (bien évidemment, pas pour la première fois) des « dirigeants
implantés ». Avec une franche satisfaction qui annihile chaque Grec, nos
dignitaires rabâchent et dépassent les crises honteuses des étrangers par
rapport à qui nous donne ou ne nous donne pas le droit de voter, résumant bien
sûr et forcément, que si nous n’obéissons pas, « les prouesses de ces
dernières cinq années et plus allaient partir en fumée ». J’ai beau
chercher ces « prouesses » dans l’infini cimetière qu’est devenue la
Grèce, je ne les trouve pas et ceci, pour la simple raison que de prouesses, il
n’y en a pas ! Cela va de
soi et n ’est un secret pour personne que nos créanciers en
appellent constamment à la nécessité des « réformes » sans pour
autant en déterminer le contenu, qu’ils nous félicitent pour celles qui ont été
réalisées mais toujours insuffisantes et qu’ils nous encouragent à continuer.
De leur côté, ils ont toutes les raisons d’être contents que lesdites
« réformes » aient été faites et aussi de désirer qu’elles soient
approfondies. Il s’agit de changements dramatiques, notamment dans le domaine
du marché du travail, qui ont énormément appauvri une part écrasante de la population. Dans une
économie qui a perdu 30 % de son PIB, dont la dette qui s’élevait à 120 % du
PIB, donc viable, a atteint 177 % du PIB et est donc naturellement non viable,
dont le revenu est retourné à son niveau de 1980, dont la quasi-totalité des
travailleurs sont asservis et appauvris et dont la classe moyenne est en train
d’être détruite, il faut un sacré courage pour parler de
« prouesses ». En dépit de cette douloureuse réalité, le
Premier ministre a récemment déclaré, entre autres choses, qu’il faudra que les
élections soient évitées pour ne pas anéantir les « réformes
courageuses » et faire marche arrière.
Mais essayons de
décrypter cet état de septicémie avancée, qui apparaît comme une nouvelle crise
et qui vient s’ajouter à la situation chronique sans issue du pays. Tout d’abord, il est clair que le
gouvernement et les créanciers s’efforcent bec et ongles d’éviter les élections.
Je trouve donc inquiétant que la plupart de ce que soutient le Premier ministre
et son état-major, non seulement ne correspond tout simplement pas à la réalité,
mais en plus est très souvent contradictoire et, pire encore, est dénuée de
toute continuité et conséquence. Les réactions enflammées du gouvernement sont,
comme il convient, focalisées sur les élections, avec l’argument béton que
« l’écrasante majorité de la population ne veut pas des élections » comme
le montrent les sondages de ces derniers mois. Cette observation est juste,
mais une autre l’est également, qui provient de la même source, à savoir les
sondages, d’où il ressort que la majorité toujours de la population ne veut pas
de l’actuel gouvernement. L’idéal donc, pour les dignitaires grecs et étrangers
semble être la suppression du droit de vote à tous les Grecs, du moins tant que
le Syriza (parti de la gauche) se présente comme
le successeur certain au pouvoir. Partenaires
européens et gouvernement s’emploient systématiquement à terroriser la
population, décrivant à longueur de journée en le noircissant ce que l’avenir
nous réserve si le Syriza vient à prendre la tête du gouvernement : les
banques vont se vider de leurs comptes, les investisseurs potentiels partir à
toutes jambes, il n’y aura pas d’argent pour payer les salaires et les
retraites, il n’y aura pas de liquidités dans l’économie, les déboires de
Chypre vont se répéter, les banques vont fermer et les gens auront faim, nous
serons virés de la zone euro, c’est le fameux Grexit. Dans cette course de
relais, le témoin du terrorisme exercé sur la population passe d’un dignitaire
à l’autre, en Grèce ou à l’étranger, et à ce qu’il semble, ils se sont
distribués entre eux la matière des allocutions de sorte à éviter autant que
possible les recouvrements. En vue de cette inacceptable entreprise de
détournement des préférences politiques des citoyens, ce qui m’inquiète
sérieusement, c’est si le niveau intellectuel de ces derniers est si bas que le
lavage de cerveau ‒ pourtant tristement naïf et simpliste ‒ y trouve un terrain
fertile. Et malheureusement, je crains que la réponse vers laquelle je tends
est qu’au cas où les menaces, bien qu’infondées, se répètent sans aucune trêve,
et si en même temps, les dignitaires étrangers se mobilisent pour les envoyer
par volées, alors oui, il est possible que même les plus « futés » se
laissent prendre au piège.
Bien que l’intérêt
du gouvernement et des centres étrangers européens convergent vers cette
campagne méprisable de chantage à la terreur et à la désorientation de
l’opinion publique en Grèce, leurs objectifs ne sont pas les mêmes. Le gouvernement adopte ces méthodes
antidémocratiques tout simplement pour ne pas perdre le pouvoir, tandis que
pour nos partenaires, le prix de la victoire est la prise de possession de la
Grèce tout entière.
Cette imbrication
logique semble néanmoins être rompue par une question à laquelle il est
difficile de répondre, et qui est la suivante : Puisque ce que veulent les dirigeants grecs et de l’étranger, c’est empêcher
les élections, pourquoi alors les avoir provoquées ? Car, même si
c’est un détail qui se perd dans l’imbroglio de la nouvelle crise, la réalité
est que les élections n’ont pas été provoquées par le Syriza, mais par un
conflit subit et injustifié, du moins en apparence, entre le gouvernement et la troïka. Injustifié
en ce sens que les relations entre le gouvernement et troïka étaient tout à
fait harmonieuses tout au long de ces cinq années tragiques, tandis que toutes
les inspirations inhumaines et barbares des créanciers consistaient en des
diktats non négociables imposés à nos dirigeants. C’est bien ce conflit, même
s’il est de velours, qui a entraîné, comme cela s’est avéré, les élections. La raison de la rupture de cette relation
idyllique entre le gouvernement et la troïka sont les nouvelles mesures, plus
sauvages et plus douloureuses que toutes les précédentes que nos créanciers ont
subitement décidé d’enclencher. Le gouvernement a pris conscience qu’il lui
serait impossible de faire passer par l’Assemblée ces nouvelles mesures
sanguinaires. Plus précisément, parce que le gouvernement avait annoncé à
maintes reprises la supposée fin des mesures douloureuses et des mémorandums,
et avait promis des allègements qu’il doit maintenant oublier. Ainsi a-t-il estimé que la seule façon de
faire passer ces mesures était des élections anticipées, mais seulement comme
une menace, puisque ces dernières devaient coûte que coûte être évitées, grâce
à l’élection du Président de la République. C ’est la raison pour laquelle il fallait adopter des
moyens drastiques et délibérés, manifestement dans l’idée que « la fin
justifie les moyens ». Dans cette logique, même le président de la
Commission s’est mobilisé, n’hésitant pas à nous faire savoir ses préférences
concernant les personnalités qu’il désire voir gouverner la colonie-Hellas. Et
il a ajouté, comme ça tout simplement, que son désir est de continuer d’être en
relation avec ses amis et non avec des « partis politiques
extrémistes » ! Et même le gouverneur de la Banque de Grèce et ex-Ministre des
finances s’est mobilisé, procédant à une allocution de la catastrophe au cas où
le Président de la République n’était pas élu.
Le poids des calomnies et avilissements auxquels est soumise
la population est devenu insupportable, puisque tous les moyens sont bons pour faire
savoir à cette dernière que si elle vote en fonction de ses préférences politiques,
les conséquences pour son pays seront catastrophiques. Et c’est pour cela qu’elle
ne doit pas déclarer ses préférences, mais accepter sans se plaindre celles qui
lui seront imposées par ceux, Grecs et étrangers, qui « savent mieux
qu’elle » ce dont elle a besoin. Je pense avec frayeur que finalement ce
syndrome de Napoléon, qui a récemment été imputé à madame Merkel, n’affecte pas
qu’elle.
Pour être élu, le
Président de la République doit obtenir des députés, comme on le sait, 180 voix
favorables lesquelles n’existent pas, mais d’indescriptibles pressions sont
actuellement exercées pour les trouver. « Ils devront rendre compte de
leurs crimes s’ils ne votent pas… même devant Saint Pierre »… laissent
entendre nos responsables politiques.
À l’heure où sont écrites ces lignes (18.12.2014),
l’issue de ce nouveau drame est incertaine et il semble peu probable qu’en
dépit des pressions et du chantage, l’Assemblée parvienne à élire le président.
Néanmoins, je pense ces derniers jours que le Syriza, en tant que principal
parti d’opposition, mais aussi d’autres partis de l’opposition tels que le KKE (parti
communiste), l’ANEL (parti conservateur anti-mémorandums), la DIMAR (parti de
gauche issu du Syriza) etc., devraient s’engager
dans une condamnation internationale rigoureuse, en présentant toutes les
preuves accablantes de ces faits intolérables et indiscutablement antidémocratiques.
Une condamnation de ce type pourrait, compte tenu de la flagrance des
pressions, jouer en faveur de la
Grèce. Et puis, si l’opposition tout entière décidait de n’assister
à aucun des trois votes pour l’élection du président de la République, parce qu’elle
jugerait non seulement que le processus relève de la farce mais peut également donner lieu à de possibles poursuites pénales,
cela constituerait un événement impressionnant, avec de nombreuses retombées
positives. Une telle démarche permettrait probablement
de réveiller nos partenaires européens, et les pousserait peut-être enfin à se
demander où va le rêve européen, vu tous ces faits intolérables, et ce qu’ils
devraient faire sans perdre de temps pour éviter qu’il ne meure. Autrement, je suis convaincue que si elle
ne retrouve pas immédiatement son droit à un régime digne de la part aussi bien
de ceux qui la gouvernent que de ses partenaires et créanciers, la Grèce ne
peut survivre. L’heure est donc venue de nous unir, indépendamment des partis
politiques, et de crier haut et fort que nous ne sommes la colonie de personne,
et que nous rembourserons notre dette lorsque celle-ci cessera d’être
insupportable et odieuse. D’exiger des termes humainement supportables et non
plus sanguinaires comme c’est actuellement le cas.
Conclusion
Depuis le début de l’époque des mémorandums, il était on
ne peut plus clair que la Grèce devait chercher secours en dehors de la zone
euro. J’ai soutenu cette position dès 2010 dans de
nombreux articles, introductions à des congrès internationaux et des livres
relatifs à la dette. La
résolution du conflit avec la troïka (et les créanciers) était et continue
d’être le dernier espoir de sauver le pays, bien que son efficacité se soit
entre-temps fortement atténuée, compte tenu du fait que son asservissement
constant autorise ses créanciers à prendre toutes les mesures nécessaires
(parmi lesquelles la subordination de n’importe quel différend au droit
anglais) de sorte à limiter au maximum le danger d’un tel conflit pour eux. Et
déjà, s’agissant de l’opinion publique grecque sur la question de la sortie de
la zone euro, tout montre que l’efficacité de la campagne d’intimidation menée
par les dirigeants Grecs et étrangers brandissant la menace des monstres
apocalyptiques qui sont supposés suivre le retour à la monnaie nationale s’est
considérablement réduite. En effet, en vue de l’impasse dans laquelle se trouve
le pays et sa disparition consécutive à l’intransigeance de la troïka et aux
nouvelles mesures sanguinaires, de plus en plus de Grecs parlent du conflit
comme étant la seule solution pour le pays. Bien sûr, il faut déterminer le
contenu de ce conflit. Tout comme au début de la crise, il se passe maintenant
exactement la même chose, à savoir que le conflit devra résider dans une
condamnation de tous les contrats, de toutes les promesses faites par les
précédents gouvernements, de tous les mémorandums et leur contenu. Les ruines
de l’économie grecque témoigneront hélas en faveur de la Grèce. La question ne
sera pas le non-paiement de la
dette. La dette doit assurément être payée, mais elle le sera
dans des termes qui soient humains, qui ne détruisent pas l’économie et la
société pour des décennies. La dette doit être payée par le biais de la
croissance et non par la
contraction. Les créanciers, qui pour la plupart sont des
États et non des privés, prendront ce que nous leur devons, disons au bout de
30-40 ans, chose qui devra être mise au cœur des négociations en tenant compte
de la crise humanitaire provoquée par le refus des créanciers de prolonger le
délai de paiement. Ce que signifie une dette honteuse, qui remonte à la façon
dont la dette a été créée (si celle-ci a profité à certaines classes
privilégiées et pas à l’ensemble de la population, si elle est due pour une
grande part à des activités illégales, dessous-de-table etc., si elle a été
gonflée par des taux d’intérêt exagérés qui dépassaient la dette principale, si
d’autres économies en ont profité à long terme en la provoquant et en
l’entretenant, et ainsi de suite), avec quoi elle peut être calculée, si cela
est possible, quelle a été la contribution probable de l’application d’un
système supranational à sa création et tant d’autres aspects. La Grèce dispose
d’arguments solides et nombreux pour se libérer du carcan de la troïka et
s’acquitter de sa dette sur la
durée. La récente réaction, dans le sud de l’Europe, contre
l’austérité mais aussi contre les effets négatifs du maintien de la monnaie
unique, rend service à la
Grèce. Ce conflit, néanmoins, avec tout ce qu’il induit et ses dangers, devra être géré par un nouveau
gouvernement qui n’aura pas accepté les mémorandums destructeurs et que l’on
attend pour sortir de l’impasse.
Pour finir, je
voudrais souligner le fait que je ne représente ni n’appartiens à aucun parti
politique. Je crois cependant qu’un changement de gouvernement immédiat est nécessaire,
qui garantisse une négociation et non l’acceptation sans discussions de plans et mesures
exterminatrices du pays. J’ajoute également que le problème de la Grèce est un véritable
nœud gordien, et c’est la raison pour laquelle il ne m’est pas possible de
verser dans la certitude que la négociation s’accomplira avec le nouveau
gouvernement. Si ce n’est pas le cas, alors, le seul espoir de la Grèce réside dans
un changement radical de politique de l’UE et de la zone euro, la question
restant à savoir quand et s’il se produira jamais.
Introduction
Pendant le laps de
temps qui s’est écoulé entre le 12 décembre 2014 (date de la journée-conférence
sur la dette et la survie de la Grèce organisée par la Fondation Delivanis )
et aujourd’hui, le 20 décembre 2014 – une avalanche d’événements à couper le
souffle s’est produite. Si aucune force ne vient s’y opposer, c’est bien le
cycle du désastre de notre pays qui s’achève, et cela pour des dizaines
d’années.
Comme le 11
septembre 2014 est sorti mon nouveau livre intitulé L’assassinat économique de la Grèce et le dernier recours: la drachme,
publié par les éditions L’Harmattan, où l’on peut trouver nombre d’informations
concernant la Grèce, et que le
présent Cahier du CEDIMES contient de multiples contributions de Français et de Grecs
aux échanges de paroles sur la Grèce, je ne vais m’intéresser, dans le présent
article, qu’aux événements plus récents qui, si aucune réaction ne vient
s’interposer, posent la pierre tombale de nos espoirs.
Profitant de l’occasion, je voudrais remercier le
directeur du CEDIMES, le professeur Claude Albagli , à qui nous devons l’idée de
consacrer ce numéro des Cahiers du CEDIMES aux problèmes épineux de l’économie
grecque, et le professeur Gérard Lafay, qui s’est proposé spontanément d’en
prendre en charge l’édition, en assurant ainsi la qualité.
Les récents aspects
du drame vécu par la Grèce dont il sera question dans cet ouvrage concernent
exclusivement ce nouveau visage dévoilé par la troïka et que jusqu’ici, nous ne
connaissions pas vraiment. Un visage dénué de toute pitié mais qui pratique un
chantage ostentatoire, qui abaisse sans aucune compassion le gouvernement, et
qui augmente les doses et la durée des mesures d’appauvrissement du peuple
grec, parfaitement indifférent à leurs conséquences tragiques. La situation économique du pays est bien
pire qu’elle ne l’était en 2009, alors on se demande à quoi ont bien pu servir
les sacrifices cruels de ces cinq dernières années imposés à la population.
Il faut, bien sûr, reconnaître
que l’occasion à cette nouvelle recrudescence des mesures qui dépassent en
sauvagerie les précédentes, a été donnée au gouvernement grec. Aussi incroyable que cela paraisse, il
semble que les dirigeants grecs aient été victimes d’histoires qu’eux-mêmes ont
fabriquées et qui se répètent sans cesse ces derniers temps, concernant des success stories, la viabilité de la dette,
la croissance rapide, la fin des mémorandums et la sortie de la Grèce sur les
marchés.
Bien qu’il n’y ait
rien de vrai dans cette campagne de triomphe inacceptable et superficielle,
étant donné que l’économie grecque et la société ont été complètement détruites
par les mémorandums, et qui plus est pour des dizaines et des dizaines
d’années, le fait est que même les dignitaires étrangers rabâchaient ces
histoires. Or, dans le cas de ces
derniers, c’est évidemment dans le dualisme du contenu de la
« stabilisation économique » que l’explication devra être cherchée. Autrement
dit, les déclarations sans cesse répétées à propos du rétablissement de la
« stabilité » n’ont pas trait aux grandeurs de l’économie grecque réelle, comme le PIB, le
volume de l’emploi, le rythme de développement et de croissance, le taux des
investissements – publics et privés –, la demande active, les importations et
les exportations. Le naufrage général des grandeurs de base, sans exception, de
l’économie grecque qui, naturellement, entraîne l’appauvrissement cumulatif et
de longue durée de la population, n’inquiète pas plus qu’il n’intéresse les émissaires
de la troïka et leurs chefs. Par contre, cette « stabilisation » leur
permet à eux tous de pomper à tous les niveaux et pour longtemps encore
les richesses publiques et privées du pays :
réductions répétées des salaires et des pensions, impôts qui dépassent déjà les
revenus dont ils proviennent, démantèlement progressif de l’État-providence, de
la santé publique et de l’enseignement public, dislocation de l’administration
publique, retour violent du marché du travail à un environnement moyennageux,
excédents primaires inhumainement élevés en vue d’assurer presque gratuitement
et sans résistances une main-d’œuvre asservie. Exigence d’un excédent primaire annuel
énorme avec des sacrifices innombrables pesant sur le niveau de vie des Grecs,
de toute évidence pas pour aller dans le sens d’une croissance du pays, mais
pour aller tel quel dans les poches des créanciers. Destruction sauvage de
l’unique branche encore rentable, le tourisme, avec une TVA doublée dans les
services touristiques. Impatience effrénée des émissaires de la troïka et de
leurs chefs qui veulent que la Grèce soit bradée dans les plus brefs délais, à
un prix dérisoire comparé à sa valeur objective. Pratiquement une île grecque
pour le prix d’un appartement à Londres.
Bien que la destruction de la Grèce par les plans
d’austérité est indéniable et se passe de preuves, il suffit de recourir aux
chiffres froids pour voir que lorsque les responsables politiques Grecs alléguaient
le contraire, ils satisfaisaient parfaitement la part obscure des instigateurs
des mémorandums. Et ceci parce que l’utilisation de la
Grèce comme animal de laboratoire était l’ultime espoir des fervents
néolibéraux qui veulent prouver le bien-fondé de leurs idées en général vouées
à l’échec. À cause de ce fanatisme,
l’économie grecque de 2014 se retrouve au niveau qu’elle avait en 1980, et
l’ensemble de l’Europe, après six ans de développement anémique, se voit déjà menacé
par l’épouvantail de la
déflation. Je voudrais ajouter aussi à ce point que tous les
gouvernants Grecs, lorsqu’ils se montraient convaincus que la destruction
totale du pays est une success story,
reconnaissaient aussi indirectement que « les mémorandums étaient
bénéfiques à la Grèce »… que ceux ont amené des « réformes » qui
devaient absolument être faites (y compris manifestement celle qui consistait à
abandonner à la loi de la jungle le marché du travail). Et aussi
incroyable que cela puisse paraître, tant du côté de la Grèce que de celui du
reste de l’Europe, l’excédent primaire, aussi indiscernable que contesté, a été
accueilli triomphalement, et volontairement oubliée sa composition sanguinaire
que sont les milliers de suicides, d’avortements, d’enfants évanouissant de
faim à l’école, etc. Et pourtant, oui, le triomphe était bien là.
On peut donc affirmer que les relations entre le
gouvernement grec et la troïka étaient chaleureuses, tandis que les deux
parties exécutaient d’une manière absolument parfaite leur rôle : d’un
côté, les nôtres assuraient celui de la sujétion et de l’obéissance à tout,
libres de toute inquiétude et préoccupations, et de l’autre, les émissaires de
la troïka celui des conquérants, qui concédaient pourtant une place
particulière aux dignitaires Grecs. C’est ainsi que la réalisation des
promesses qu’ils avaient fait aboutissait à une admiration réciproque et même à
une autosatisfaction pour le travail accompli qui « plaît tant à
Dieu ».
II. Les erreurs des gouvernements grecs
Or, cette relation
idyllique entre le gouvernement grec et la troïka a été gravement ébranlée à la
fin du mois de novembre 2014, lorsque le côté grec osa annoncer de façon
officielle des décisions visant à combattre la dette, sans avoir au préalable
pris soin d’en demander l’autorisation aux émissaires de la troïka. Cette
initiative avait naturellement été motivée par la conviction que
« l’économie grecque se porte à merveille ». Et ce fut alors la preuve, effrayante, que la troïka avait une conception
toute différente de la réalité grecque. En effet, lorsque la troïka comprit
que le gouvernement non seulement s’en prenait sérieusement au contenu des
histoires qu’elle laissait systématiquement s’ébruiter, mais qu’en plus il s’en
servait pour prendre des décisions concernant des changements radicaux du statu quo de la Grèce, c’est-à-dire de sa
condition générale d’asservissement à la dette, elle est devenue folle de rage.
Le cadre sur lequel il semble que nos dirigeants se soient basés (naïvement,
comme cela s’est avéré), autour d’une supposée reconnaissance de leurs
sacrifices, autour d’une supposée admiration de leurs « prouesses »,
autour d’une supposée maturation de la troïka, du besoin d’un allègement sur le
long terme de la dette, tout cela a été renversé en une nuit. La troïka était
furieuse, et c’est ainsi que les sous-fifres avec le soutien absolu de leurs
grands chefs ne daignèrent pas, pendant plusieurs jours, répondre aux vassaux qui avaient osé relever la tête face
à leurs suzerains, se délectant ainsi de leur terreur. Et, lorsque les
émissaires de la troïka décidèrent enfin de rompre cet outrageant silence, leur
réponse fut un mitraillage assourdissant de nouveaux diktats, absurdes,
exténuants et sanguinaires, à la place des déclarations du Premier ministre
grec disant que… « le plus difficile est passé », que la Grèce jouit
de l’admiration des étrangers car… « le rythme de croissance du pays est
plus rapide que celui des autres » ! Les émissaires de la troïka ne sont manifestement pas satisfaits des
indicibles sacrifices demandés à la population, de son appauvrissement abyssal,
de la destruction totale de l’économie et de la société. Ils
voulaient encore du sang, ils voulaient une soumission encore plus grande, ils
voulaient que le pays soit vendu à un rythme encore plus rapide. Et, bien sûr,
il était hors de question de sortir des mémorandums, hors de question que le
pays mis à mal pense s’éloigner du FMI, qu’il s’imagine refuser de prendre de
nouvelles mesures, plus douloureuses que les précédentes, plus efficaces pour la
réalisation de la « solution finale ».
Il va de soi que je
ne me situe pas du côté de la troïka qui hélas exécute les directives de
« nos partenaires européens », lesquels je crains qu’ils ont décidé de
laisser la Grèce en dehors de la liste des économies européennes indépendantes
pour très longtemps. Tandis que je rédige ce texte, il serait insensé de ma
part d’ignorer certains aspects importants qui expliquent comment nous sommes
arrivés à ce point ultime du discrédit international complet et de ne pas interpréter
les raisons de l’enhardissement de la troïka.
Α) La première
erreur
Il est maintenant «
trop tard pour pleurer » et bien trop tard pour penser à notre « dignité
nationale » blessée. Et ceci car on ne peut pas exiger de nos créanciers qu’ils
nous prennent en compte lorsque notre propre gouvernement, depuis plus de cinq
ans, n’a pas osé émettre un seul NON aux avilissements répétés, n’a pas eu le
courage de réfuter ‒ malgré les nombreux arguments dont nous disposions ‒ les
mesures criminelles qui nous étaient imposées. Par contre, c’est presque à
genoux que les nôtres se sont accordés, pas simplement à exécuter tous les aspects
paranoïaques et criminels et toute cette barbarie contenue dans les plans
misérables du mémorandum, mais ils ont aussi affiché un zèle démesuré, faisant
surgir un certain nombre de conséquences tragiques : notons, entre autres,
l’enthousiasme face à l’excédent primaire sanguinaire, atteint par le biais
d’un PIB effondré. Même si ce programme,
dont la conception est malsaine et l’application inhumaine, n’avait dès le
début aucune chance de réussir, les responsables politiques grecs n’ont pas
hésité à (voir ci-dessous de 1 à 6) :
1.
Se tourner contre l’ensemble des
travailleurs, qu’ils ont brutalement privé du droit à une vie digne. Aussi bien
matériellement, en imposant un niveau des salaires avilissants, que
qualitativement, en tolérant un environnement de travail détérioré, et des
conditions de travail serviles dans le secteur privé tout autant que public.
2.
Nos « hommes » n’ont pas
hésité non plus à accepter de procéder à des milliers de licenciements
« gratuits » de fonctionnaires publics, non parce que le secteur
public grec était trop grand, puisque l’ensemble des études sur ce sujet le
classe dans la moyenne européenne, mais parce que les émissaires de la troïka
se trouvent être fortement allergiques à tout ce qui sent le public. Et comme choisir
quels employés devaient être licenciés était difficile et absurde, c’est une attaque
généralisée contre l’ensemble des travailleurs du public qui a été fabriquée, lesquels
ont été accusés d’être… tire-au-flanc, corrompus, incapables, etc. Un État
donc, incapable de protéger ne serait-ce que de façon élémentaire ses citoyens.
Un État qui s’est identifié, sans aucune résistance, à ses oppresseurs. Et
finalement… la montagne a accouché d’une souris puisque les efforts désespérés
faits pour prouver ces accusations ont permis de dénicher… à peine 15 (quinze)
employés de la fonction publique. Or, les organes exécutifs grecs des diktats
de la troïka ne se rendent pas compte que la mise au pilori du secteur public
d’un pays revient à honnir leur propre patrie !
3.
Ils n’ont pas hésité à épuiser complètement et sans hésitation la
classe la plus basse, les bas-salaires et les petites retraites qui n’ont
littéralement pas de quoi vivre et se tournent par milliers vers les ordures
pour trouver à manger. À faire disparaître ensuite la classe moyenne, en
imposant des impôts d’une nature peu orthodoxe, plus élevés que le revenu.
L’entreprise, bien sûr, n’aura été qu’un
coup d’épée dans l’eau, puisque les recettes de l’État sont à peu près au
même niveau que celui de 2009, pour un revenu, par contre, ayant baissé de plus
de 30 %. Et nos dirigeants, au lieu de s’opposer aux
inspirations absurdes de la troïka qui a désorganisé le pays, et au lieu
d’essayer de démontrer la nature paranoïaque et criminelle des mesures qu’elle
leur impose, le cœur léger, se sont efforcés de convaincre la population que
« les mesures sont pour son bien », que « c’est la seule
solution », que « la lumière commence à luire au fond du
tunnel ».
Peut-être parce qu’ils avaient signé ces
mesures honteuses ? Peut-être parce qu’ils croyaient vraiment à leur
efficacité, malgré l’avalanche de réactions qu’ils avaient provoquées
à l’étranger ? Ou simplement pour rester le plus longtemps possible
au pouvoir quel qu’en soit
le prix ? Cependant, au lieu d’une « sortie des mémorandums », c’est déjà un mémorandum à durée indéterminée qui arrive. Il s’agit plus exactement d’un mémorandum qui – même désigné sous une autre appellation – continuera jusqu’à ce que 75 % de notre dette soit remboursés. Étant donné que la dette grecque est non viable (en dépit du fait que certains Grecs et étrangers se montrent furieux et… s’acharnent à la sauver), si la viabilité de la dette est la résultante d’un désir similaire, le contrôle oppressant des créditeurs et l’exigence de nouvelles mesures meurtrières ne vont certainement pas finir de sitôt. Selon une stratégie invariable, cette fois encore les responsables politiques affirment à la population qu’il n’y aura pas de « nouvelles mesures douloureuses ». Or, selon une stratégie invariable, il est évident qu’il y en aura d’autres, qui se succèderont les unes après les autres. Les créanciers, pour justifier ce nouveau déluge de mesures, soutiennent que « selon leurs estimations le trou financier pour 2015 est de 2 425 milliards d’euros, dont 1 773 milliards concernent le budget et 652 milliards le système de la sécurité sociale. Il est possible que la troïka ait fait des erreurs d’estimations, et ce ne serait pas la première fois. Habitués du reste à ne jamais être contredits mais plutôt à être acquiescés tacitement, ils se sont montrés fâchés contre le Ministre Grec de l’économie qui… s’est risqué à faire remarquer que « leurs estimations sont erronées ».
le prix ? Cependant, au lieu d’une « sortie des mémorandums », c’est déjà un mémorandum à durée indéterminée qui arrive. Il s’agit plus exactement d’un mémorandum qui – même désigné sous une autre appellation – continuera jusqu’à ce que 75 % de notre dette soit remboursés. Étant donné que la dette grecque est non viable (en dépit du fait que certains Grecs et étrangers se montrent furieux et… s’acharnent à la sauver), si la viabilité de la dette est la résultante d’un désir similaire, le contrôle oppressant des créditeurs et l’exigence de nouvelles mesures meurtrières ne vont certainement pas finir de sitôt. Selon une stratégie invariable, cette fois encore les responsables politiques affirment à la population qu’il n’y aura pas de « nouvelles mesures douloureuses ». Or, selon une stratégie invariable, il est évident qu’il y en aura d’autres, qui se succèderont les unes après les autres. Les créanciers, pour justifier ce nouveau déluge de mesures, soutiennent que « selon leurs estimations le trou financier pour 2015 est de 2 425 milliards d’euros, dont 1 773 milliards concernent le budget et 652 milliards le système de la sécurité sociale. Il est possible que la troïka ait fait des erreurs d’estimations, et ce ne serait pas la première fois. Habitués du reste à ne jamais être contredits mais plutôt à être acquiescés tacitement, ils se sont montrés fâchés contre le Ministre Grec de l’économie qui… s’est risqué à faire remarquer que « leurs estimations sont erronées ».
Voici, donc, ce qui
va nous tomber dessus comme… « non mesures » selon notre
gouvernement, alors que le pays est littéralement ravagé par les effets des
mesures précédentes, et avec 82 % de la population déclarant être confrontés à
une difficulté financière » :
• retrait de la
réduction de 30 % de la cotisation de
solidarité annoncé par le Premier ministre lui-même, et qu’il est déjà forcé de
« reprendre » ;
• nouvelle taxe sur les produits de luxe,
augmentation des taxes sur les cigarettes et l’alcool à partir du 1er
janvier 2015 ;
• augmentation de
la TVA pour les hôtels, de 6,5 % à 13 % (ce qui va faire disparaître le seul
secteur encore debout, le tourisme) ;
• gel des retraites
jusqu’en 2017, qui ont déjà subi une baisse de 40 % ;
• coupe dans les retraites
complémentaires ;
• changements
importants dans le système de la sécurité sociale avec l’augmentation du nombre
minimum des points qui donnent droit à la retraite, retenue d’un pourcentage de
plus de 25 % sur les salaires et retraites de plus de 1500 euros en cas de
dettes envers l’État, mais aussi retraite à 360 euros pour ceux qui ont cotisé
20 ans.
• suppression de
toutes les exonérations fiscales.
4.
Ils n’ont pas hésité renoncer à
tout sérieux élémentaire, afin de soutenir l’« orthodoxie » des mesures
et leurs… « résultats favorables ». Nombre de cas témoignent, en ces
cinq dures années, de l’existence d’une sorte d’accord tacite entre le
gouvernement et la troïka concernant l’annonce de réussites là où on ne
constate que des échecs. Je vais relater l’exemple le plus représentatif et le
plus récent d’altération volontaire de la réalité. Il s’agit
précisément du problème de la « viabilité » ou « non
viabilité » de la dette grecque. Je sais, bien évidemment, qu’annoncer la
vérité, dans ce cas précis, revient presque à trahir ce qu’il y a de plus
sacré. On nous assure (le plus sérieusement du monde et sans que soit émis la
moindre réserve) que la dette de la Grèce est… viable. Les créanciers savent parfaitement
qu’une dette égale à 177 % du PIB ne peut en aucun cas être considérée comme
viable, mais ils gardent le silence, car s’ils reconnaissent la réalité, ils
devront aussi automatiquement admettre le besoin de l’alléger et de la restructurer
pour la rendre viable ! Il n’est pas besoin d’avoir de sérieuses
connaissances en économie pour comprendre que la dette grecque, pour atteindre
en 2020 (comme l’a fixé le FMI) 120 % du PIB (qui est l’indice de viabilité
d’une dette), exige exhaustivement un rythme annuel de croissance pour la
période 2015-2024 égal à 4,5 % au moins. Alors, peut-on sérieusement affirmer
que la Grèce, dont la partie la plus importante de sa base productive a été
détruite, viendra à bout de cette épreuve, qui plus est au sein d’une Europe
déjà minée par la dévaluation ? D’où viendra ce miracle inouï ?
Peut-être des investissements étrangers « massifs » qui, dans le cas
de la Grèce, consistent en l’acquisition pour trois fois rien de l’ensemble des
richesses et des sources de richesses impitoyablement bradées ? Et pourtant,
les mythes perdurent.
5.
Ils n’ont pas hésité à chercher et
promouvoir les soi-disant réussites d’un plan dont l’instigateur lui-même,
Olivier Blanchard, a été contraint d’avouer que c’était une erreur. Une erreur
manifeste, puisque le plan, avec une exactitude mathématique, n’a fait qu’alimenter
et augmenter la dette plus rapidement que le PIB. Le seul espoir de viabilité de la dette de la Grèce serait une augmentation
accélérée de l’économie emmurée par le plan d’austérité démesurément néolibéral
et asphyxiant dicté par la troïka.
6.
Ils n’ont pas hésité à se niveler
avec la troïka au point que la Grèce a voté l’abstention lors du vote d’un
texte proposé par les 77 économies émergentes et la Chine, le 9 septembre 2014
en séance plénière des Nations unies. Il s’agissait de créer un mécanisme de
restructuration des dettes publiques d’économies en faillite. Le projet a reçu
121 voix pour, 11 contre et 41 abstentions. La Grèce n’a pas eu le courage de
voter en faveur d’un texte qui la concernait en tout premier lieu et qui aurait
pu la sauver à temps !
B) La deuxième erreur
Et je passe à la
deuxième erreur meurtrière de nos dirigeants commise pendant ces cinq
difficiles années. Ceci, naturellement, est en lien direct avec la précédente qui
réside dans l’attitude globalement servile de nos responsables politiques. Il
s’agit de l’absence totale de
pourparlers et l’obsolescence de nos nombreux et très sérieux
arguments. Très sommairement, je relate les réparations de guerre allemandes,
qui auraient dû être réclamées dès le début de la crise de la dette, et qui
devraient être au centre de nos pourparlers avec les créanciers, le caractère
clairement onéreux et odieux de notre dette, les nombreux actes
anticonstitutionnels qui l’entourent, le contenu gravement erroné du supposé
plan de stabilisation de la troïka dont l’échec a été annoncé publiquement même
par le chef macroéconomiste du FMI Olivier
Blanchard et qui en Grèce a causé une crise humanitaire, le caractère hautement
malsain du fonctionnement de l’euro qui se retourne essentiellement contre le
sud de l’Europe etc., etc.
III. L’aggravation de la crise grecque a un fort caractère
antidémocratique
La nouvelle crise
en Grèce présente de nombreux aspects opaques autant que difficiles à
comprendre. À la perspective des prochaines élections, une panique
incontrôlable s’est emparée du gouvernement et des créanciers, et il est clair
que dans le pays et à l’étranger, ils unissent leurs forces pour les écarter
par tous les moyens. Le danger dont ils se sentent menacés semble si terrifiant
qu’il justifie l’adoption d’une série de plans catégoriquement hostiles à la
tenue d’élections libres et à la démocratie. Il s’agit d’une forme grossière
d’intervention que l’on peut interpréter plus largement comme la suppression
des élections libres, l’emploi de la terreur à l’encontre des électeurs, de la tentative
brutale de changer leurs préférences telles qu’enregistrées dans les fréquents
sondages, et plus que tout, la diabolisation du principal parti de l’opposition
pour l’empêcher d’accéder au pouvoir. C’est
une entreprise avant tout violente de trucage du résultat des élections,
trucage qui aurait dû normalement soulever une vague de réactions, à commencer par
celle du gouvernement, et occasionner l’intervention de la Justice.
Or , le gouvernement
non seulement ne semble pas gêné par ces interventions extérieures
inadmissibles et extrêmement humiliantes qui suppriment toute trace
d’indépendance nationale, mais en plus il approuve les voix extérieures qui veulent
imposer (bien évidemment, pas pour la première fois) des « dirigeants
implantés ». Avec une franche satisfaction qui annihile chaque Grec, nos
dignitaires rabâchent et dépassent les crises honteuses des étrangers par
rapport à qui nous donne ou ne nous donne pas le droit de voter, résumant bien
sûr et forcément, que si nous n’obéissons pas, « les prouesses de ces
dernières cinq années et plus allaient partir en fumée ». J’ai beau
chercher ces « prouesses » dans l’infini cimetière qu’est devenue la
Grèce, je ne les trouve pas et ceci, pour la simple raison que de prouesses, il
n’y en a pas ! Cela va de
soi et n ’est un secret pour personne que nos créanciers en
appellent constamment à la nécessité des « réformes » sans pour
autant en déterminer le contenu, qu’ils nous félicitent pour celles qui ont été
réalisées mais toujours insuffisantes et qu’ils nous encouragent à continuer.
De leur côté, ils ont toutes les raisons d’être contents que lesdites
« réformes » aient été faites et aussi de désirer qu’elles soient
approfondies. Il s’agit de changements dramatiques, notamment dans le domaine
du marché du travail, qui ont énormément appauvri une part écrasante de la population. Dans une
économie qui a perdu 30 % de son PIB, dont la dette qui s’élevait à 120 % du
PIB, donc viable, a atteint 177 % du PIB et est donc naturellement non viable,
dont le revenu est retourné à son niveau de 1980, dont la quasi-totalité des
travailleurs sont asservis et appauvris et dont la classe moyenne est en train
d’être détruite, il faut un sacré courage pour parler de
« prouesses ». En dépit de cette douloureuse réalité, le
Premier ministre a récemment déclaré, entre autres choses, qu’il faudra que les
élections soient évitées pour ne pas anéantir les « réformes
courageuses » et faire marche arrière.
Mais essayons de
décrypter cet état de septicémie avancée, qui apparaît comme une nouvelle crise
et qui vient s’ajouter à la situation chronique sans issue du pays. Tout d’abord, il est clair que le
gouvernement et les créanciers s’efforcent bec et ongles d’éviter les élections.
Je trouve donc inquiétant que la plupart de ce que soutient le Premier ministre
et son état-major, non seulement ne correspond tout simplement pas à la réalité,
mais en plus est très souvent contradictoire et, pire encore, est dénuée de
toute continuité et conséquence. Les réactions enflammées du gouvernement sont,
comme il convient, focalisées sur les élections, avec l’argument béton que
« l’écrasante majorité de la population ne veut pas des élections » comme
le montrent les sondages de ces derniers mois. Cette observation est juste,
mais une autre l’est également, qui provient de la même source, à savoir les
sondages, d’où il ressort que la majorité toujours de la population ne veut pas
de l’actuel gouvernement. L’idéal donc, pour les dignitaires grecs et étrangers
semble être la suppression du droit de vote à tous les Grecs, du moins tant que
le Syriza (parti de la gauche) se présente comme
le successeur certain au pouvoir. Partenaires
européens et gouvernement s’emploient systématiquement à terroriser la
population, décrivant à longueur de journée en le noircissant ce que l’avenir
nous réserve si le Syriza vient à prendre la tête du gouvernement : les
banques vont se vider de leurs comptes, les investisseurs potentiels partir à
toutes jambes, il n’y aura pas d’argent pour payer les salaires et les
retraites, il n’y aura pas de liquidités dans l’économie, les déboires de
Chypre vont se répéter, les banques vont fermer et les gens auront faim, nous
serons virés de la zone euro, c’est le fameux Grexit. Dans cette course de
relais, le témoin du terrorisme exercé sur la population passe d’un dignitaire
à l’autre, en Grèce ou à l’étranger, et à ce qu’il semble, ils se sont
distribués entre eux la matière des allocutions de sorte à éviter autant que
possible les recouvrements. En vue de cette inacceptable entreprise de
détournement des préférences politiques des citoyens, ce qui m’inquiète
sérieusement, c’est si le niveau intellectuel de ces derniers est si bas que le
lavage de cerveau ‒ pourtant tristement naïf et simpliste ‒ y trouve un terrain
fertile. Et malheureusement, je crains que la réponse vers laquelle je tends
est qu’au cas où les menaces, bien qu’infondées, se répètent sans aucune trêve,
et si en même temps, les dignitaires étrangers se mobilisent pour les envoyer
par volées, alors oui, il est possible que même les plus « futés » se
laissent prendre au piège.
Bien que l’intérêt
du gouvernement et des centres étrangers européens convergent vers cette
campagne méprisable de chantage à la terreur et à la désorientation de
l’opinion publique en Grèce, leurs objectifs ne sont pas les mêmes. Le gouvernement adopte ces méthodes
antidémocratiques tout simplement pour ne pas perdre le pouvoir, tandis que
pour nos partenaires, le prix de la victoire est la prise de possession de la
Grèce tout entière.
Cette imbrication
logique semble néanmoins être rompue par une question à laquelle il est
difficile de répondre, et qui est la suivante : Puisque ce que veulent les dirigeants grecs et de l’étranger, c’est empêcher
les élections, pourquoi alors les avoir provoquées ? Car, même si
c’est un détail qui se perd dans l’imbroglio de la nouvelle crise, la réalité
est que les élections n’ont pas été provoquées par le Syriza, mais par un
conflit subit et injustifié, du moins en apparence, entre le gouvernement et la troïka. Injustifié
en ce sens que les relations entre le gouvernement et troïka étaient tout à
fait harmonieuses tout au long de ces cinq années tragiques, tandis que toutes
les inspirations inhumaines et barbares des créanciers consistaient en des
diktats non négociables imposés à nos dirigeants. C’est bien ce conflit, même
s’il est de velours, qui a entraîné, comme cela s’est avéré, les élections. La raison de la rupture de cette relation
idyllique entre le gouvernement et la troïka sont les nouvelles mesures, plus
sauvages et plus douloureuses que toutes les précédentes que nos créanciers ont
subitement décidé d’enclencher. Le gouvernement a pris conscience qu’il lui
serait impossible de faire passer par l’Assemblée ces nouvelles mesures
sanguinaires. Plus précisément, parce que le gouvernement avait annoncé à
maintes reprises la supposée fin des mesures douloureuses et des mémorandums,
et avait promis des allègements qu’il doit maintenant oublier. Ainsi a-t-il estimé que la seule façon de
faire passer ces mesures était des élections anticipées, mais seulement comme
une menace, puisque ces dernières devaient coûte que coûte être évitées, grâce
à l’élection du Président de la République. C ’est la raison pour laquelle il fallait adopter des
moyens drastiques et délibérés, manifestement dans l’idée que « la fin
justifie les moyens ». Dans cette logique, même le président de la
Commission s’est mobilisé, n’hésitant pas à nous faire savoir ses préférences
concernant les personnalités qu’il désire voir gouverner la colonie-Hellas. Et
il a ajouté, comme ça tout simplement, que son désir est de continuer d’être en
relation avec ses amis et non avec des « partis politiques
extrémistes » ! Et même le gouverneur de la Banque de Grèce et ex-Ministre des
finances s’est mobilisé, procédant à une allocution de la catastrophe au cas où
le Président de la République n’était pas élu.
Le poids des calomnies et avilissements auxquels est soumise
la population est devenu insupportable, puisque tous les moyens sont bons pour faire
savoir à cette dernière que si elle vote en fonction de ses préférences politiques,
les conséquences pour son pays seront catastrophiques. Et c’est pour cela qu’elle
ne doit pas déclarer ses préférences, mais accepter sans se plaindre celles qui
lui seront imposées par ceux, Grecs et étrangers, qui « savent mieux
qu’elle » ce dont elle a besoin. Je pense avec frayeur que finalement ce
syndrome de Napoléon, qui a récemment été imputé à madame Merkel, n’affecte pas
qu’elle.
Pour être élu, le
Président de la République doit obtenir des députés, comme on le sait, 180 voix
favorables lesquelles n’existent pas, mais d’indescriptibles pressions sont
actuellement exercées pour les trouver. « Ils devront rendre compte de
leurs crimes s’ils ne votent pas… même devant Saint Pierre »… laissent
entendre nos responsables politiques.
À l’heure où sont écrites ces lignes (18.12.2014),
l’issue de ce nouveau drame est incertaine et il semble peu probable qu’en
dépit des pressions et du chantage, l’Assemblée parvienne à élire le président.
Néanmoins, je pense ces derniers jours que le Syriza, en tant que principal
parti d’opposition, mais aussi d’autres partis de l’opposition tels que le KKE (parti
communiste), l’ANEL (parti conservateur anti-mémorandums), la DIMAR (parti de
gauche issu du Syriza) etc., devraient s’engager
dans une condamnation internationale rigoureuse, en présentant toutes les
preuves accablantes de ces faits intolérables et indiscutablement antidémocratiques.
Une condamnation de ce type pourrait, compte tenu de la flagrance des
pressions, jouer en faveur de la
Grèce. Et puis, si l’opposition tout entière décidait de n’assister
à aucun des trois votes pour l’élection du président de la République, parce qu’elle
jugerait non seulement que le processus relève de la farce mais peut également donner lieu à de possibles poursuites pénales,
cela constituerait un événement impressionnant, avec de nombreuses retombées
positives. Une telle démarche permettrait probablement
de réveiller nos partenaires européens, et les pousserait peut-être enfin à se
demander où va le rêve européen, vu tous ces faits intolérables, et ce qu’ils
devraient faire sans perdre de temps pour éviter qu’il ne meure. Autrement, je suis convaincue que si elle
ne retrouve pas immédiatement son droit à un régime digne de la part aussi bien
de ceux qui la gouvernent que de ses partenaires et créanciers, la Grèce ne
peut survivre. L’heure est donc venue de nous unir, indépendamment des partis
politiques, et de crier haut et fort que nous ne sommes la colonie de personne,
et que nous rembourserons notre dette lorsque celle-ci cessera d’être
insupportable et odieuse. D’exiger des termes humainement supportables et non
plus sanguinaires comme c’est actuellement le cas.
Conclusion
Depuis le début de l’époque des mémorandums, il était on
ne peut plus clair que la Grèce devait chercher secours en dehors de la zone
euro. J’ai soutenu cette position dès 2010 dans de
nombreux articles, introductions à des congrès internationaux et des livres
relatifs à la dette. La
résolution du conflit avec la troïka (et les créanciers) était et continue
d’être le dernier espoir de sauver le pays, bien que son efficacité se soit
entre-temps fortement atténuée, compte tenu du fait que son asservissement
constant autorise ses créanciers à prendre toutes les mesures nécessaires
(parmi lesquelles la subordination de n’importe quel différend au droit
anglais) de sorte à limiter au maximum le danger d’un tel conflit pour eux. Et
déjà, s’agissant de l’opinion publique grecque sur la question de la sortie de
la zone euro, tout montre que l’efficacité de la campagne d’intimidation menée
par les dirigeants Grecs et étrangers brandissant la menace des monstres
apocalyptiques qui sont supposés suivre le retour à la monnaie nationale s’est
considérablement réduite. En effet, en vue de l’impasse dans laquelle se trouve
le pays et sa disparition consécutive à l’intransigeance de la troïka et aux
nouvelles mesures sanguinaires, de plus en plus de Grecs parlent du conflit
comme étant la seule solution pour le pays. Bien sûr, il faut déterminer le
contenu de ce conflit. Tout comme au début de la crise, il se passe maintenant
exactement la même chose, à savoir que le conflit devra résider dans une
condamnation de tous les contrats, de toutes les promesses faites par les
précédents gouvernements, de tous les mémorandums et leur contenu. Les ruines
de l’économie grecque témoigneront hélas en faveur de la Grèce. La question ne
sera pas le non-paiement de la
dette. La dette doit assurément être payée, mais elle le sera
dans des termes qui soient humains, qui ne détruisent pas l’économie et la
société pour des décennies. La dette doit être payée par le biais de la
croissance et non par la
contraction. Les créanciers, qui pour la plupart sont des
États et non des privés, prendront ce que nous leur devons, disons au bout de
30-40 ans, chose qui devra être mise au cœur des négociations en tenant compte
de la crise humanitaire provoquée par le refus des créanciers de prolonger le
délai de paiement. Ce que signifie une dette honteuse, qui remonte à la façon
dont la dette a été créée (si celle-ci a profité à certaines classes
privilégiées et pas à l’ensemble de la population, si elle est due pour une
grande part à des activités illégales, dessous-de-table etc., si elle a été
gonflée par des taux d’intérêt exagérés qui dépassaient la dette principale, si
d’autres économies en ont profité à long terme en la provoquant et en
l’entretenant, et ainsi de suite), avec quoi elle peut être calculée, si cela
est possible, quelle a été la contribution probable de l’application d’un
système supranational à sa création et tant d’autres aspects. La Grèce dispose
d’arguments solides et nombreux pour se libérer du carcan de la troïka et
s’acquitter de sa dette sur la
durée. La récente réaction, dans le sud de l’Europe, contre
l’austérité mais aussi contre les effets négatifs du maintien de la monnaie
unique, rend service à la
Grèce. Ce conflit, néanmoins, avec tout ce qu’il induit et ses dangers, devra être géré par un nouveau
gouvernement qui n’aura pas accepté les mémorandums destructeurs et que l’on
attend pour sortir de l’impasse.
Pour finir, je
voudrais souligner le fait que je ne représente ni n’appartiens à aucun parti
politique. Je crois cependant qu’un changement de gouvernement immédiat est nécessaire,
qui garantisse une négociation et non l’acceptation sans discussions de plans et mesures
exterminatrices du pays. J’ajoute également que le problème de la Grèce est un véritable
nœud gordien, et c’est la raison pour laquelle il ne m’est pas possible de
verser dans la certitude que la négociation s’accomplira avec le nouveau
gouvernement. Si ce n’est pas le cas, alors, le seul espoir de la Grèce réside dans
un changement radical de politique de l’UE et de la zone euro, la question
restant à savoir quand et s’il se produira jamais.
LE CYCLE DU DÉSASTRE DE LA GRÈCE S’ACHÈVE par Maria Negreponti-Delivanis 20.12.2015
Reviewed by Μαρία Νεγρεπόντη - Δελιβάνη
on
Νοεμβρίου 21, 2015
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