ÉLECTIONS FRANÇAISES par Maria Negreponti-Delivanis, 08.05.2017

ÉLECTIONS FRANÇAISES
par Maria Negreponti-Delivanis, 08.05.2017

La France fête l'élection d'Emmanuel Macron, 39 ans, qui est le plus jeune président de la République française, mais aussi le plus jeune président d'Europe. L'apparence soignée d'Emmanuel Macron attire facilement la sympathie, il a suivi des études sérieuses, sa carrière professionnelle et politique ne sont pas encore entachées de scandales, ou du moins nous n'en avons pas connaissance, et en plus il fait preuve d'une maîtrise de soi remarquable, même à des moments où un certain degré d'émotion paraît aussi inévitable que souhaitable. Il endosse la charge de gouverner un peuple doté d'un niveau culturel moyen élevé, fortement enclin à la critique et à l'analyse objectives des faits, respectueux de son histoire et de sa culture, ayant une nette préférence pour les solutions avant-gardistes tout au long de son histoire.
Il n'est pas dans mes intentions de critiquer les choix des Français qui résultent des élections présidentielles. Je me contenterai de souligner certaines manifestations difficilements explicables, qui invalident indirectement la liberté de choix des électeurs, et qui risquent de faire perdurer une situation non satisfaisante du passé, tant pour la France que pour l'Europe.

Ce qui a caractérisé les élections présidentielles:
1. La question n'était pas de promouvoir le meilleur candidat, mais dès le début d'évincer Marine Le Pen
Le message qui a dominé dès le premier tour et qui s'est fait plus impérieux au deuxième tour, était la diabolisation de la présidente du Front National, et tenter de la faire tomber à tout prix et par tous les moyens. La présidente du FN est apparue dans la quasi totalité des médias, et pas seulement français, comme la menace absolue qui devait être neutralisée par tous les moyens. En état de quasi panique, même les journaux orientés à gauche, sans donner davantage d'explications, ont tous trouvé normal d'avoir pour cible commune Marine Le Pen, qui devait disparaître "car fasciste et les convictions de son parti sont extrêmes et dangereuses".
Et il est vrai que le FN constitue la continuité du parti fondé par son père, Jean-Marie Le Pen, qui était effectivement fasciste et réprouvé à tout point de vue, atteignant des sommets quand il refusait l'existence de l'Holocauste. Mais sa successeur, Marine Le Pen, a pris soin, de manière constante et convaincante, de rejeter ces éléments inacceptables, et de les remplacer par d'autres qu'il est difficile, voire impossible, de considérer comme fascistes ou même d'extrême droite. Plus particulièrement, son programme social, favorable aux plus démunis socialement, ne diffère pas des lignes directrices de son équivalent à gauche, Jean-Luc Mélenchon, alors que dans son ensemble, son contenu relève des autres nouveaux partis politiques, qualifiés de populistes, qui ont conquis les États-Unis et qui montent rapidement en Europe. Ces partis, orientés à droite ou à gauche, et dont la montée a justement affaibli la distinction traditionnelle entre la gauche et la droite, se tournent contre le régime en vigueur, autrement dit le libéralisme et la mondialisation. Leurs lignes centrales sont le contrôle des frontières nationales afin de bloquer la libre circulation des immigrés clandestins et des terroristes, réduire la libéralisation incontrôlée des échanges (la mondialisation) système désormais généralement reconnu comme étant celui qui a créé peu de gagnants et une multitude de perdants, et l'importance essentielle qu'ils donnent à la croissance de l'économie nationale et à l'amélioration du niveau de vie des citoyens, grâce à la monnaie nationale. Un premier constat, concernant les élections présidentielles françaises, est que n'importe adversaire de Marine Le Pen aurait été élu, dans le seul but de l'exlure.
2. Le deuxième point caractéristique notoire des élections présidentielles françaises est qu'il a été jugé superflu de confronter et d'évaluer les programmes des deux candidats à la présidence avant le deuxième tour de l'élection.
Bien au contraire, le programme d'Emmanuel Macron a reçu sans aucun problème un blanc-seing de la part de l'ordre établi français et des électeurs lesquels, comme cela a été déclaré, appartiennent à la part la "mieux formée et la plus riche" des Français. Et c'est probablement le cas. Mais les autres, la part bien plus importante des électeurs qui a voté pour le FN, ou qui a voté blanc, ou qui ne s'est pas rendu aux urnes, à quelle catégorie néfaste appartient-elle? Aux fascistes? Aux incultes? Aux non-progressistes? Le peuple français s'est en fait divisé en deux, et c'est bien la conséquence la plus dangereuse et la plus douloureuse de ces élections présidentielles.
Mais, revenons pour un peu aux programmes du nouveau président élu Emmanuel Macron et de Marine Le Pen. Le programme du premier ne comporte, du moins d'après ce qui a été déclaré jusqu'à présent, absolument rien de nouveau. Il est dans la continuité de la situation actuelle, insistant sur la "voie européenne" et la "mondialisation". On pourrait ajouter que le caractère néolibéral de son contenu a est renforcé, surtout par la déclaration du futur nouveau président, relative à la nécessité de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires, mesure qui, comme on le sait, est au cœur des réformes néolibérales. Par conséquent, la "suite" n'est a priori pas favorable dans le cas de la France touchée par la stagnation économique, qui a un taux de chômage élevé et constant, qui a perdu une part importante de sa compétitivité, qui voit l'État-providence jusqu'à présent satisfaisant mis à mal, et qui subit souvent les incitations pas toujours aimables de l'Allemagne à des réformes nécessaires. Par contre, nombre d'éléments figurant dans le programme de Marine Le Pen ouvrent de nouveaux horizons, qui semblent arriver de l'avenir et sont progressivement adoptés par l'économie mondiale, puisqu'ils ont déjà été introduits dans la politique économique et étrangère des États-Unis. Entre parenthèses, ajoutons que tous les 70-80 ans, les deux systèmes existant au niveau mondial se succèdent en alternance, celui de la mondialisation et celui du protectionnisme. Et cela car leur mise en œuvre, particulièrement lorsqu'elle devient unilatérale et ne combine pas les deux, conduit peu à peu à des situations où ce sont les inconvénients et non les avantages qui l'emportent. La deuxième conclusion qui ressort de l'analyse ci-dessus est que les Français, contrairement à leur nature et à leur tradition, ont refusé de s'intéresser et d'évaluer les nouveaux éléments des changements qui arrivent, manifestement parce que ces changements figuraient dans le programme de la candidate qu'il fallait avant tout "éliminer". Bien que ces nouveaux éléments aient été sans rapport avec la distinction traditionnelle gauche, droite et extrême droite, et qu'ils n'aient rien à voir avec l'extrémisme, ils ont été jugés comme en faisant partie.
3. Le troisième élément caractéristique de ces élections présidentielles françaises, est le fait qu'Emmanuel Macron a reçu un accueil en rafale, de toute part, fort et pas vraiment discret, et que cela n'a posé aucun problème particulier à son élection.
Emmanuel Macron, presque inconnu jusque récemment du grand public français et international, sans parti politique ni entourage politique, s'est très vite imposé comme l'homme providentiel de la présidence française. Même Barak Obama s'est empressé de peser en faveur du nouveau président, indifférent au fait qu'ainsi, il pouvait influencer le résultat des élections. Il n'est pas dans mon intention, comme je l'ai d'ailleurs déclaré au début du présent article, de formuler une critique de la manière dont se déroulent les élections en France, ou de ternir l'identité d'Emmanuel Macron, mais ce sont les faits qui façonnent eux-mêmes la réalité. J'exprime par ailleurs mon étonnement de la façon dont les Français qui ont voté pour lui, et dont on ne peut penser qu'ils soient naïfs, n'ont pas cherché à comprendre les raisons profondes de ce soutien apporté au candidat à la présidence, soutien qui, comme on le sait, ne venait pas seulement de France mais du monde entier. Et je me demande aussi comment il est possible qu'ils ne se soient pas indignés du fait que des non Français aient l'audace de leur dire quoi voter. Acceptons donc le fait que le nouveau président de la France soit particulièrement charismatique, que ses qualités aient convaincu les Français qui ont voté pour lui qu'il rendra à leur pays son rayonnement perdu, tandis que les étrangers qui l'ont soutenu ont cru que sa présence renforcera la paix et la démocratie dans le monde, mais avant tout l'ordre économique international en vigueur. Quoi qu'il en soit, il est impossible d'évaluer avec exactitude la contribution des médias au résultat des élections.

 Conclusion
Les évolutions institutionnelles très importantes qui concernent ou ne concernent pas le nouveau président élu de la France, peuvent se résumer comme suit. La mondialisation dont la poursuite est déjà sérieusement compromise, notamment depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, a créé de très puissants intérêts investis surtout dans les milieux bancaires et financiers internationaux. Et de l'autre côté, il y a justement les effets de cette mondialisation combinée à une forme de néolibéralisme souvent extrême, qui ont été fortement douloureux pour les peuples du monde entier, surtout en Europe: chômage, précarité, baisse des salaires, recul de la démocratie, éclatement de la cohésion sociale, encouragement du profit, individualisme exagéré, exploitation du facteur                                      travail, montée de la criminalité, et plus que tout explosion des inégalités sous toutes leurs formes. Ces conséquences négatives qui pèsent sur la plupart sont à l'origine de la création et de la prolifération desdits "partis populistes". Les autres, très peu nombreux, qui perdent les privilèges très importants que durant 50 ans leur ont assuré le régime en place, se mobilisent et s'efforcent de renverser ces partis politiques si dangereux pour eux, utilisant de façon licite et illicite des moyens, parmi lesquels le ralliement du plus grand nombre possible de médias. La première représentation de ce conflit violent, entre le régime en place et le nouveau, a été suivi avec beaucoup d'intérêt par le monde entier lors de l'élection de Donald Trump. Toutes proportions gardées, la véhémence des accusations qui se sont abattues sur lui de toute part va dans le même sens que celle dont a fait l'objet Marine Le Pen.
C'est ainsi que les "populistes" sont accusés avec une facilité incroyable, d'être les ennemis de la démocratie, attardés et incultes, fascistes, extrêmement dangereux pour la société de leur pays, accusés aussi d'être au service d'intérêts de l'ombre. La préoccupation suprême des défenseurs du régime en place est, à n'en pas douter, d'implanter les leurs afin d'occuper des postes gouvernementaux surtout liés à l'économie, premiers ministres ou ministres, de sorte à assurer, sans trop de risques, la poursuite de la même politique qu'avant: "européenne", "néolibérale", "mondialiste". Des méthodes similaires ont été couronnées de succès dans le cas de la Grèce et dans d'autres pays, notamment en Europe du sud. Cette armée d'hommes politiques naissants est habituellement composée de cadres du système bancaire en général, qu'ils se doivent, cela va sans dire, de servir. L'expérience déjà riche et multilatérale de ces "hommes politiques implantés" est incontestable, évidemment, mais il n'est pas exclu que dans le cas des récentes élections, la France ne soit pas restée hors de leur champ d'action.  

   
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