ÉLECTIONS FRANÇAISES par Maria Negreponti-Delivanis, 08.05.2017
ÉLECTIONS
FRANÇAISES
par Maria
Negreponti-Delivanis, 08.05.2017
Il n'est pas dans mes intentions de critiquer les choix des Français qui
résultent des élections présidentielles. Je me contenterai de souligner
certaines manifestations difficilements explicables, qui invalident
indirectement la liberté de choix des électeurs, et qui risquent de faire
perdurer une situation non satisfaisante du passé, tant pour la France que pour l'Europe.
Ce qui a caractérisé les
élections présidentielles:
1. La question n'était pas
de promouvoir le meilleur candidat, mais dès le début d'évincer Marine Le Pen
Le message qui a dominé dès le premier tour et qui s'est fait plus
impérieux au deuxième tour, était la diabolisation de la présidente du Front
National, et tenter de la faire tomber à tout prix et par tous les moyens. La
présidente du FN est apparue dans la quasi totalité des médias, et pas
seulement français, comme la menace absolue qui devait être neutralisée par
tous les moyens. En état de quasi panique, même les journaux orientés à gauche,
sans donner davantage d'explications, ont tous trouvé normal d'avoir pour cible
commune Marine Le Pen, qui devait disparaître "car fasciste et les
convictions de son parti sont extrêmes et dangereuses".
Et il est vrai que le FN constitue la continuité du parti fondé par son
père, Jean-Marie Le Pen, qui était effectivement fasciste et réprouvé à tout
point de vue, atteignant des sommets quand il refusait l'existence de l'Holocauste.
Mais sa successeur, Marine Le Pen, a pris soin, de manière constante et
convaincante, de rejeter ces éléments inacceptables, et de les remplacer par
d'autres qu'il est difficile, voire impossible, de considérer comme fascistes
ou même d'extrême droite. Plus particulièrement, son programme social,
favorable aux plus démunis socialement, ne diffère pas des lignes directrices
de son équivalent à gauche, Jean-Luc Mélenchon, alors que dans son ensemble,
son contenu relève des autres nouveaux partis politiques, qualifiés de
populistes, qui ont conquis les États-Unis et qui montent rapidement en Europe.
Ces partis, orientés à droite ou à gauche, et dont la montée a justement
affaibli la distinction traditionnelle entre la gauche et la droite, se tournent
contre le régime en vigueur, autrement dit le libéralisme et la mondialisation.
Leurs lignes centrales sont le contrôle des frontières nationales afin de
bloquer la libre circulation des immigrés clandestins et des terroristes,
réduire la libéralisation incontrôlée des échanges (la mondialisation) système
désormais généralement reconnu comme étant celui qui a créé peu de gagnants et
une multitude de perdants, et l'importance essentielle qu'ils donnent à la
croissance de l'économie nationale et à l'amélioration du niveau de vie des
citoyens, grâce à la monnaie nationale. Un
premier constat, concernant les élections présidentielles françaises, est que
n'importe adversaire de Marine Le Pen aurait été élu, dans le seul but de
l'exlure.
2. Le deuxième point caractéristique
notoire des élections présidentielles françaises est qu'il a été jugé superflu
de confronter et d'évaluer les programmes des deux candidats à la présidence
avant le deuxième tour de l'élection.
Bien au contraire, le programme d'Emmanuel Macron a reçu sans aucun
problème un blanc-seing de la part de l'ordre établi français et des électeurs
lesquels, comme cela a été déclaré, appartiennent à la part la "mieux
formée et la plus riche" des Français. Et c'est probablement le cas. Mais
les autres, la part bien plus importante des électeurs qui a voté pour le FN,
ou qui a voté blanc, ou qui ne s'est pas rendu aux urnes, à quelle catégorie
néfaste appartient-elle? Aux fascistes? Aux incultes? Aux non-progressistes? Le peuple français s'est en fait divisé en
deux, et c'est bien la conséquence la plus dangereuse et la plus douloureuse de
ces élections présidentielles.
Mais, revenons pour un peu aux programmes du nouveau président élu Emmanuel
Macron et de Marine Le Pen. Le programme du premier ne comporte, du moins
d'après ce qui a été déclaré jusqu'à présent, absolument rien de nouveau. Il
est dans la continuité de la situation actuelle, insistant sur la "voie
européenne" et la "mondialisation". On pourrait ajouter que le
caractère néolibéral de son contenu a est renforcé, surtout par la déclaration
du futur nouveau président, relative à la nécessité de supprimer 120 000 postes
de fonctionnaires, mesure qui, comme on le sait, est au cœur des réformes
néolibérales. Par conséquent, la "suite" n'est a priori pas favorable
dans le cas de la France
touchée par la stagnation économique, qui a un taux de chômage élevé et
constant, qui a perdu une part importante de sa compétitivité, qui voit
l'État-providence jusqu'à présent satisfaisant mis à mal, et qui subit souvent
les incitations pas toujours aimables de l'Allemagne à des réformes
nécessaires. Par contre, nombre d'éléments figurant dans le programme de Marine
Le Pen ouvrent de nouveaux horizons, qui semblent arriver de l'avenir et sont
progressivement adoptés par l'économie mondiale, puisqu'ils ont déjà été
introduits dans la politique économique et étrangère des États-Unis. Entre
parenthèses, ajoutons que tous les 70-80 ans, les deux systèmes existant au
niveau mondial se succèdent en alternance, celui de la mondialisation et celui
du protectionnisme. Et cela car leur mise en œuvre, particulièrement
lorsqu'elle devient unilatérale et ne combine pas les deux, conduit peu à peu à
des situations où ce sont les inconvénients et non les avantages qui
l'emportent. La deuxième conclusion qui
ressort de l'analyse ci-dessus est que les Français, contrairement à leur
nature et à leur tradition, ont refusé de s'intéresser et d'évaluer les
nouveaux éléments des changements qui arrivent, manifestement parce que ces
changements figuraient dans le programme de la candidate qu'il fallait avant
tout "éliminer". Bien que ces nouveaux éléments aient été sans
rapport avec la distinction traditionnelle gauche, droite et extrême droite, et
qu'ils n'aient rien à voir avec l'extrémisme, ils ont été jugés comme en
faisant partie.
3. Le troisième élément
caractéristique de ces élections présidentielles françaises, est le fait
qu'Emmanuel Macron a reçu un accueil en rafale, de toute part, fort et pas
vraiment discret, et que cela n'a posé aucun problème particulier à son
élection.
Emmanuel Macron, presque inconnu jusque récemment du grand public français
et international, sans parti politique ni entourage politique, s'est très vite
imposé comme l'homme providentiel de la présidence française. Même Barak Obama
s'est empressé de peser en faveur du nouveau président, indifférent au fait
qu'ainsi, il pouvait influencer le résultat des élections. Il n'est pas dans
mon intention, comme je l'ai d'ailleurs déclaré au début du présent article, de
formuler une critique de la manière dont se déroulent les élections en France,
ou de ternir l'identité d'Emmanuel Macron, mais ce sont les faits qui façonnent
eux-mêmes la réalité. J'exprime par ailleurs mon étonnement de la façon dont
les Français qui ont voté pour lui, et dont on ne peut penser qu'ils soient
naïfs, n'ont pas cherché à comprendre les raisons profondes de ce soutien
apporté au candidat à la présidence, soutien qui, comme on le sait, ne venait
pas seulement de France mais du monde entier. Et je me demande aussi comment il
est possible qu'ils ne se soient pas indignés du fait que des non Français
aient l'audace de leur dire quoi voter. Acceptons donc le fait que le nouveau
président de la France
soit particulièrement charismatique, que ses qualités aient convaincu les
Français qui ont voté pour lui qu'il rendra à leur pays son rayonnement perdu,
tandis que les étrangers qui l'ont soutenu ont cru que sa présence renforcera
la paix et la démocratie dans le monde, mais avant tout l'ordre économique international
en vigueur. Quoi qu'il en soit, il est impossible d'évaluer avec exactitude la
contribution des médias au résultat des élections.
Conclusion
Les évolutions institutionnelles très importantes qui concernent ou ne
concernent pas le nouveau président élu de la France , peuvent se résumer comme suit. La
mondialisation dont la poursuite est déjà sérieusement compromise, notamment
depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, a créé de très puissants intérêts
investis surtout dans les milieux bancaires et financiers internationaux. Et de
l'autre côté, il y a justement les effets de cette mondialisation combinée à
une forme de néolibéralisme souvent extrême, qui ont été fortement douloureux
pour les peuples du monde entier, surtout en Europe: chômage, précarité, baisse
des salaires, recul de la démocratie, éclatement de la cohésion sociale,
encouragement du profit, individualisme exagéré, exploitation du facteur travail, montée de la criminalité, et plus que
tout explosion des inégalités sous toutes leurs formes. Ces conséquences
négatives qui pèsent sur la plupart sont à l'origine de la création et de la
prolifération desdits "partis populistes". Les autres, très peu
nombreux, qui perdent les privilèges très importants que durant 50 ans leur ont
assuré le régime en place, se mobilisent et s'efforcent de renverser ces partis
politiques si dangereux pour eux, utilisant de façon licite et illicite des
moyens, parmi lesquels le ralliement du plus grand nombre possible de médias.
La première représentation de ce conflit violent, entre le régime en place et
le nouveau, a été suivi avec beaucoup d'intérêt par le monde entier lors de
l'élection de Donald Trump. Toutes
proportions gardées, la véhémence des accusations qui se sont abattues sur lui
de toute part va dans le même sens que celle dont a fait l'objet Marine Le Pen.
C'est ainsi que les "populistes" sont accusés avec une facilité
incroyable, d'être les ennemis de la démocratie, attardés et incultes,
fascistes, extrêmement dangereux pour la société de leur pays, accusés aussi
d'être au service d'intérêts de l'ombre. La préoccupation suprême des
défenseurs du régime en place est, à n'en pas douter, d'implanter les leurs
afin d'occuper des postes gouvernementaux surtout liés à l'économie, premiers
ministres ou ministres, de sorte à assurer, sans trop de risques, la poursuite
de la même politique qu'avant: "européenne", "néolibérale",
"mondialiste". Des méthodes similaires ont été couronnées de succès
dans le cas de la Grèce
et dans d'autres pays, notamment en Europe du sud. Cette armée d'hommes
politiques naissants est habituellement composée de cadres du système bancaire
en général, qu'ils se doivent, cela va sans dire, de servir. L'expérience déjà
riche et multilatérale de ces "hommes politiques implantés" est
incontestable, évidemment, mais il n'est pas exclu que dans le cas des récentes
élections, la France
ne soit pas restée hors de leur champ d'action.
ÉLECTIONS FRANÇAISES par Maria Negreponti-Delivanis, 08.05.2017
Reviewed by Μαρία Νεγρεπόντη - Δελιβάνη
on
Μαΐου 14, 2017
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