Colloque à PLOESTI 16.11 LA MENACE DE LA STAGNATION SÉCULAIRE par Maria negreponti-Delivanis
Colloque à
PLOESTI 16.11
par Maria
negreponti-Delivanis
Introduction
Depuis la deuxième grande crise de 2017, l 'économie mondiale donne l'impression
d'avoir sombré dans le chaos où plus rien ne marche. «Le vieux monde se meurt, le
nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les
monstres»[1]. Les acquis des luttes sociales des 200 dernières
années sont balayés à toute vitesse, transformant le monde du travail en
jungle. Pas une seule des promesses qui ont imposé la mondialisation d'un bout
à l'autre de la planète n'a été respectée. Finalement, ce système n'aura pas
été celui qui assurerait la prospérité aux habitants de la Terre , mais celui qui a
affiché très peu de gagnants pour une infinité de perdants. L'économie mondiale
est trop dirigée dans les mains d'une élite trop peu nombreuse, représentant 1%
de la population mondiale et détenant 99% de la richesse mondiale, tandis que
99% de la population mondiale lutte pour survivre avec 1% de la richesse
mondiale. Elle est presque exclusivement aussi détenue par les 62 habitants les
plus riches de la planète, qui possèdent 50% de la richesse mondiale[2].
Principale responsable de cette évolution dramatique, mais pas la seule, la
mondialisation. Il ne serait pas correct que les souffrances sans fin
accumulées par ce système sur la planète depuis les années 70 soient imputées à
la suppression des frontières nationales qui, on le sait, constitue la
quintessence de la mondialisation. Et cela, car les effets négatifs de celle-ci
ont été fortement renforcés par sa coexistence, premièrement avec un degré
extrêmement élevé de néolibéralisme, deuxièmement avec l'invasion dans
l'économie mondiale d'une série de nouvelles technologies révolutionnaires,
troisièmement enfin, et de toute évidence le plus important, avec les impasses
où l'a menée la maturité croissante du système capitaliste.
Ces difficultés ont fait violemment réapparaître une théorie oubliée
pendant presque 80 ans, celle du célèbre économiste et président de l'American
Economic Association, Alvin Hansen. Il l'énonça en 1939[3]. Selon cette théorie, l'arrivée de la
phase de stagnation séculaire doit
être envisagée comme une conséquence inévitable du système capitaliste arrivé à
maturité, lequel, à partir d'un certain point, n'est plus en mesure d'alimenter
la croissance.
Cette prévision initiale pessimiste a très vite été démentie par le rythme
de croissance très rapide qui a prévalu dans le monde après la fin de la Deuxième Guerre
mondiale. Sa récente réapparition s'explique par la stagnation et par le rythme
de progression trop lent sur le long terme en Europe, aux États-Unis et au
Japon. C'est l'économiste Lawrence Summers[4], entouré d'une équipe d'économistes de renom[5] qui, en 2013, a repris cette théorie.
Dans les deux paragraphes de cette introduction, nous étudierons quelques
changements autonomes observés dans les économies avancées modernes, et qui
sont attribués à la maturation du système capitaliste. Ces changements
confirment l'opinion de ces économistes qui soutenaient et soutiennent encore
aujourd'hui l'idée de la fin de la croissance.
I. Des changements autonomes
qui réduisent la demande
Le diagnostic central de la crise actuelle du capitalisme renvoie aux
constatations de Karl Marx, telles qu'il les a formulées et analysées dans son
œuvre de référence Le capital. À
savoir qu'il s'agit d'une crise de la surproductivité déclenchée par une
demande insuffisante, de consommation et d'investissement, due à une
suraccumulation de capital. Par conséquent, l'impossibilité de parvenir à
l'équilibre, avec le plein-emploi et la stabilité monétaire est due:
• à Épargne > Investissement
• à M > L, en
offre en monnaie supérieure à la demande, mais V, c'est-à-dire vitesse de
circulation de la monnaie, insuffisante et ne permettant pas d'atteindre
l'équilibre sur le marché de l'argent
• à une inflation inférieure à celle de
l'équilibre
• à un taux d'intérêt plus élevé que celui de l'équilibre
• à l'impossibilité d'absorber l'ensemble de la population active et par
conséquent à l'apparition du chômage permanent (équilibre de sous-emploi).
Autrement dit, les changements autonomes dans les économies modernes ne
permettent pas de trouver un point de référence commun où l'épargne serait égale
à l'investissement, l'offre à la
demande de la monnaie et au taux d'intérêt réel, et ainsi de réaliser le
plein-emploi en commun avec
la stabilité monétaire.
Par ailleurs, la crise de 2007, qui persiste depuis 10 ans, renforce
l'hypothèse que cette crise n'est pas passagère, et que par conséquent, nous
nous devons de chercher ce qui est à l'origine de ces divergences d'équilibre,
et ce qui pourrait être fait pour les supprimer.
Les changements les plus importants qui font reculer la demande sont:
a) L'évolution de la population
jusqu'en 2035
L'une des interprétations les plus importantes de la théorie initiale
d'Alvin Hansen sur la stagnation séculaire était le ralentissement de la
croissance démographique. Cette évolution est observée dans de nombreuses
économies avancées d'aujourd'hui, et est préoccupante dans le cas de l'Europe
où l'évolution de la population active affiche un rythme négatif depuis 2010.
Les effets négatifs du vieillissement de la population européenne sont
nombreux, car celui-ci réduit:
• le PIB réel par rapport au potentiel
• la demande de nouveaux logements
• la propension à l'investissement et à l'innovation
• et aussi davantage le taux réel naturel, rendant ainsi permanentes les
difficultés à atteindre l'équilibre, dans la zone
de la trappe à liquidité.
Plus précisément, on estime que la population mondiale va passer de 7,3
milliards actuellement à 8 milliards en 2030, à 9 milliards en 2050, et à 11,2
milliards en 2100. Toutefois, cette augmentation, d'environ 50% de la
population mondiale en 2100, sera inégalement répartie, car l'Europe et l'Asie
orientale verront leur population diminuer, aux États-Unis on prévoit une
augmentation anémique, tandis que dans les économies en développement
l'augmentation de la population sera importante, environ 4 milliards selon les
estimations, ce qui entravera probablement leur croissance. En outre, cette
explosion démographique devrait se concentrer à un degré important dans les
économies les plus pauvres de la planète, là où les conditions d'hygiène sont
les pires. Ce sont justement ces évolutions qui explicitent l'une des
conclusions les plus pessimistes du rapport de la Fondation Bill et
Melinda Gates, selon lequel les grandes réalisations de ces dernières années contre
la pauvreté et la mortalité infantile et néonatale dans les pays en
développement ne seront plus possibles à l'avenir.
Mais la prévision la plus importante et la plus inquiétante pour les
économies avancées est le vieillissement de leur population. Selon les
projections des Nations-Unies, le nombre des personnes de plus de 65 ans va
augmenter de plus de 600 millions et atteindra en 2100 les 2,5 milliards,
autrement dit il aura presque doublé par rapport à aujourd'hui. On croit, d'une
manière générale, que le problème du vieillissement concerne seulement les
économies avancées, mais cette idée ne reflète qu'une partie de la réalité,
puisque nombre de régions du monde en développement, telles que la Chine , l'Inde, les Caraïbes,
l'Afrique du sud, le Liban, le Maroc et l'Iran entrent dans cette catégorie.
Hormis la satisfaction que les hommes vivront plus longtemps, il faudra
aussi faire face aux nombreux problèmes que cela engendrera[6]. D'abord, le vieillissement de la
population réduira la demande dans l'éducation et augmentera celle des services
de santé. La baisse de la population active, dans l'ensemble réduira les
revenus par rapport au potentiel, de même que les recettes fiscales. Les
économies dont la population aura vieilli auront même des difficultés
d'attractivité d'IDE[7], en raison de leur capacité réduite à
produire des richesses. Par ailleurs, les économies avec une population âgée
sont exposées aux déficits car, d'un côté les dépenses publiques seront élevées
pour les services de santé, et de l'autre, les possibilités de rentrées
fiscales seront réduites. Défavorables à la croissance, les résultats le sont,
ainsi que les projections qui en découlent relatives à une baisse de la
propension à la consommation de biens et services non liés à la santé et à
l'augmentation de la propension à épargner. La baisse de la population active
implique une chute de la productivité. Une étude sur le sujet, qui portait sur
les économies de l'OCDE, conclut que le vieillissement de leurs populations
aura un impact négatif sur la croissance[8]. Il ressort d'enquêtes empiriques portant
sur certains États américains dans la période 1980-2010, que lorsque la part de
la population de plus de 60 ans augmente de 10%, la croissance par tête baisse
de 5,5%. Les 2/3 de cette baisse sont dus à la baisse de la productivité du
travail et 1/3 au ralentissement du changement de la population active[9]. De grands changements démographiques
sont prévus aussi dans l'UE des 27. On prévoit une baisse importante du
pourcentage des 15-64 ans, de 67% en 2010 à 56,2% en 2060, ce qui signifie que
pour les 50 prochaines années la population active subira une baisse de l'ordre
de 42 millions de personnes. Jusqu'en 2030, ces changements entraîneront une
forte augmentation des plus de 65 ans, qui passeront de 17,4% à 25,6% de
l'ensemble de la population. Autrement dit, concernant le vieillissement de la
population européenne, son nombre va presque doubler, et on prévoit qu'il
passera de 87,5 millions en 2010 à 152,6 en 2060. Et plus particulièrement, les
plus de 80 ans, qui représentaient 5% de la population en 2010, vont plus que
doubler jusqu'en 2060 pour atteindre 12%. On compte[10] aujourd'hui dans l'Union Européenne 4
personnes en âge de travailler (15-64 ans) pour un retraité de plus de 65 ans,
mais en 2060, il y aura seulement 2 personnes pour un retraité. La population
de la Grèce est
la plus vieille de l'UE. En 2060, 30% de sa population totale aura plus de 65
ans, contre 14% aujourd'hui. La crise de la dette a déjà fait baisser de 3% la
population du pays.
Le problème du vieillissement de la population est la combinaison de
l'allongement de l'espérance de vie et du recul de la natalité. Au-delà des
changements démographiques en terme de quantité estimés pour les économies
avancées pour les prochaines années, un changement qualitatif est aussi attendu,
dont les effets seront particulièrement négatifs, non seulement sur le
fonctionnement économique des économies, mais aussi sur leur fonctionnement
institutionnel. J'entends plus particulièrement la décimation de la classe
moyenne[11] qui s'esquisse aussi dans les économies
en développement, conséquence de deux décennies de croissance rapide mais qui
risque déjà de se réduire. Comme l'histoire l'enseigne, hormis la stabilité
qu'elle assure à l'économie, une classe moyenne forte constitue aussi le
fondement de la démocratie. Pour exister, elle a besoin d'un revenu équivalent
à 10 dollars par personne et par jour, de sorte à ce que ses membres se situent
à peu près au milieu de la répartition des revenus, à ce qu'ils aient la
possibilité de planifier leur avenir, de faire face à des conjonctures
difficiles, telles que perte d'emploi, problème de santé ou faillite d'une
petite entreprise, sans que cela impacte radicalement leur de style de vie.
L'importance de la classe moyenne dans l'espace économique réside surtout dans
la demande de ses membres de biens et services nationaux, qui encouragent le
développement. Et plus généralement, une classe moyenne forte, de l'ordre de
30% de la population, assure une gouvernance démocratique satisfaisante au
pays, en limitant les privilèges des très riches. Toutefois, garder, étendre et développer la classe moyenne exige une
progression constante et non la stagnation[12]
qui est déjà installée et, malheureusement, on estime qu'elle se poursuivra
dans les prochaines années, à l'échelle presque mondiale. Déjà, les effets
néfastes de la stagnation économique sur la classe moyenne se manifestent par
son intérêt pour le "populisme".
Graphique 1. Pourcentage annuel de changement de la population active dans
la zone euro
b) La baisse de la
propension à investir
La demande d'investissement dans les économies avancées ne suffit pas à
absorber l'épargne existante. Comme le constatait déjà Ben Bernanke en 2015[13], «le faible taux réel est la preuve de la
baisse et du tarissement relatif des opportunités d'investissement». Le
graphique 2 illustre le rendement réel des obligations d'États américaines sur
la période 1985-2015, lequel est en baisse constante. Cette baisse est
peut-être le résultat d'un cercle vicieux, à savoir qu'elle est peut-être due à
la baisse de la demande de consommation, qui déclenche le principe de l'accélération[14] aux effets négatifs, conjointement avec
le recul du «phénomène de complémentarité»[15] des investissements initiaux ou due à la
désactivation de la destruction créatrice
qui, comme l'a soutenu Joseph Schumpeter, est à la base de la croissance
capitaliste, ou encore, à l'augmentation de la précarité et de l'insécurité qui
se développe au stade du capitalisme de maturité.
Mais, en plus des interprétations ci-dessus, la baisse de la demande
d'investissement qui ne permet plus d'absorber l'épargne est également due au
fait que les grandes entreprises n'ont pas besoin de recourir à l'emprunt car
elles disposent elles-mêmes d'une épargne très importante, et ne savent pas en
fin de compte comment l'utiliser. Il s'agit du changement du rôle traditionnel des entreprises dans l'économie
mondiale qui, d'emprunteuses sont devenues prêteuses. Comme il ressort
d'une récente enquête[16], les entreprises, depuis 1990 et
constamment jusqu'à aujourd'hui, au lieu d'emprunter aux ménages, accumulent
elles-mêmes de l'épargne, laquelle s'ajoute à la surabondance de liquidités et
aggrave ainsi le déséquilibre entre l'épargne qui dépasse l'investissement et
constitue la racine de la stabilité de l'économie mondiale. Cette épargne des
sociétés est estimée à plus ou moins 5% du PIB mondial et alimente un
autofinancement[17] extrêmement élevé, mais surtout la
thésaurisation.
La raison de ce changement révolutionnaire du rôle des entreprises et par
extension des ménages, est certainement à chercher dans la montée de
l'inégalité dans la répartition des revenus, sans précédent historique, au
détriment de la part des salaires et en faveur des profits. C'est ainsi que le
revenu des ménages baisse, ne laissant pas de marge à l'épargne une fois
satisfaits les besoins de consommation de produits de base, tandis que la
hausse des profits canalise les conditions de création d'épargne vers les
entreprises.
La surabondance de l'épargne dans l'économie mondiale ne peut plus être
absorbée par l'investissement. Ce déséquilibre général définit le taux d’intérêt
à un niveau très bas et souvent négatif, ce qui semble vérifier la théorie sur
l'arrivée du stade de la stagnation
séculaire[18].
Graphique 2. Rendements réels des obligations d'État (1985-2015)
Source: FRED (Federal Reserve Economic Data), Federal Reserve Bank of St
Louis: an author calculations (Secular Stagnation and Returns on Capital, by
Paul Gaume, B. Ravkumar, and Peter Rupert, 2015, No 19, pdf//files.stlouisfer.org/research/publications/es/15/ES_19_2015-08-18.pdf)
Nous allons également nous intéresser, dans cet alinéa, à la baisse de la
propension à investir qui touche tout particulièrement l'activité de
construction au niveau mondial[19], et qui est très probablement liée entre
autres choses à la baisse de la population, au vieillissement et à la baisse du
taux de la population active dans son ensemble. Bien que cette branche semble
saine et que sa valeur totale soit estimée à 10 billions de dollars, avec un rythme
de croissance annuel pour 2017 de 3,5%, 90% de ses programmes pour la planète
soit sont en retard sur les délais, soit ont dépassé leur budget initial[20]. Ce retard dans la livraison des
bâtiments est observé dans de nombreux cas, comme le bâtiment circulaire
d'Apple dans la Silicon
Valley , qui a été livré deux ans après la date prévue et avec
un dépassement de 2 milliards de dollars. Mais même en Grande-Bretagne, des
architectes soutiennent que 60% des bâtiments sont livrés avec un retard
important. La raison de cette faiblesse du secteur semble résider dans le fait
qu'il jouit de la productivité la plus faible, comparativement à n'importe quel
autre secteur de production, et de marges de profit réduites, bien que les prix
des matériaux utilisés n'aient pas augmenté. Cette évolution dans le secteur
laisse penser, le cas échéant, que l'on attend la prochaine récession[21]. On s'accorde généralement à interpréter
les causes de la stagnation du secteur par l'absence de méthodes de
modernisation dans la construction, par la difficile subordination des travaux
du secteur aux économies d'échelles et par l'utilisation insuffisante de
méthodes d'intensité de capital. Or, même s'il connait des difficultés, surtout
dans les économies avancées, le secteur de l'activité de construction atteint
en Chine un rythme de croissance annuel de la productivité de 7%.
c) Le nouveau contenu des
innovations technologiques
La nouvelle forme de progrès technique dans le capitalisme de maturité est
très différente du progrès de la fonction de production Cobb-Douglas
d'inspiration néoclassique qui prévalait après la Deuxième Guerre
mondiale. Cette fonction permettait de donner une solution au problème très
discuté et extrêmement complexe du mode de répartition du produit entre le
travail et le capital. Selon cette fonction, et d'après des observations
portant sur une période assez longue, il a été admis que les parts du travail
et du capital dans le PIB restent stables, et que les 2/3 représentent le
travail et 1/3 le capital, avec quelques écarts qui se neutralisent
mutuellement avec le temps. Cette acception, de toute évidence, suppose que la
forme de progrès utilisée dans le processus de production est un progrès
technique neutre[22], ou un progrès technique d'intensité de
capital[23] ou d’intensité du travail[24], dont les éventuelles différences de
rendement entre les deux facteurs de production se neutralisent avec le temps.
Toutefois, ces trois types de progrès technique, qui ont prévalu dans le stade
de développement industriel et qui présupposent une augmentation quantitative
(ou une baisse) des facteurs de production utilisés dans le processus de
production, semblent avoir largement reculé dans l'actuel stade
post-industriel, cédant leur place au progrès
technique non intégré. Il s'agit de la nouvelle technologie, laquelle n'est
pas intégrée au capital, ne s'ajoute pas à son volume, ne présuppose pas d'investissement
en capital fixe car elle n’est pas quantitative, bien qu'elle augmente la
productivité des deux facteurs de production. C'est une forme de progrès
technique immatérielle, qui intègre l'«amélioration et les avancées des
connaissances», lesquelles réduisent la quantité de travail nécessaire et de
capital dans le processus de production des économies modernes et sont la
propriété de l'Humanité tout entière. Grâce à ces connaissances qui illustrent
le couronnement du travail humain, autrement dit le travail intellectuel,
l'Humanité peut s'assurer désormais un plus grand bien-être en travaillant
moins, augmentant ainsi les possibilités de choisir comment elle occupera son
temps libre.
Le problème, par ailleurs, réside dans le fait qu'il est très difficile de
calculer la productivité dans cette nouvelle forme de progrès technique, car il
concerne essentiellement des données qualitatives et non plus quantitatives.
Selon Robert Gordon[25], les innovations de l'actuel stade de
développement ne peuvent être comparées aux résultats fantasmagoriques de
l'augmentation de la productivité dans la période 1870-1970, qui avaient apporté
une véritable révolution dans le mode de fonctionnement de l'économie mondiale
et qui, selon lui, ne peuvent se reproduire. Au contraire même, le progrès
technique actuel semble conduire à la chute de la productivité horaire du
travail, aux États-Unis, de 1,33 depuis 1970. Ces résultats médiocres sont
imputables, selon Robert Gordon, au vieillissement de la population, à la
montée des inégalités, à la stagnation de l'éducation et à l'augmentation de la
dette. Selon l'économiste américain, la génération actuelle aux États-Unis (et
pas seulement puisque la tendance va plus ou moins dans la même direction dans
l'ensemble des économies avancées) sera la première qui ne dépassera pas le
niveau de vie de ses parents. Le pessimisme de Robert Gordon quant à l'avenir
de l'économie est partagé par Robert Solow dont le point de vue est resté comme
le paradoxe de Solow: « on voit des ordinateurs partout, sauf dans les
indicateurs de productivité » (1987) [26].
Ce paradoxe de Solow a donné lieu à de nombreuses tentatives
d'interprétation sur ce qui peut arriver avec le stade du numérique, et sur la
façon dont il aboutit à une productivité relativement faible. Je choisis parmi
la foule d'arguments sur le sujet, le fait qu'il est trop tôt pour avoir une
idée claire des résultats de ce nouveau stade de développement, que les
améliorations s'étendent sur l'économie tout entière et ses branches et qu'il
est donc difficile d'en faire une estimation statistique, qu'en raison de la
baisse fantastique des prix des ordinateurs avec le temps ils ont fini par
contribuer de façon infime au PIB total, mais plus que toute autre chose, qu'il
est extrêmement difficile d'évaluer la productivité dans ce stade, justement
parce que ses résultats sont immatériels et qualitatifs et non quantitatifs,
lesquels s'étendent à tous les secteurs de l'économie. L'idée de la difficulté
de calcul de la productivité du travail dans le stade post-industriel de
développement est renforcée par le paradoxe suivant. À savoir que malgré la
chute du rythme de l'augmentation de la productivité du travail aux États-Unis,
qui de 2,8% pendant la période 1947-1983, de 2,6% pendant la période 2000-2007,
était de seulement 1,3% dans la période 2007-2014[27], ces cinq dernières années, les 50 plus grandes
entreprises américaines ont pu accumuler plus de 50 milliards de dollars en
liquidités, et qui plus est, à un taux de presque zéro ou négatif[28].
Encore plus pessimiste quant à la portée des dernières innovations, le
point de vue exprimé par un économiste et un chef d'entreprise dans leur livre
récemment publié[29], et où ils soutiennent qu'à l'exception
de quelques entreprises à forte teneur innovatrice, telles qu'Amazon et Google,
le capitalisme présente des signes importants de vieillissement, puisque les
100 entreprises les plus importantes ont été créées il y a 40 ans et qu'il n'y
a pas de suite équivalente. Le vieillissement croissant se reflète dans le
pourcentage des entreprises mûres de 11 ans et plus, qui en 1987 représentaient
1/3 de l'ensemble, tandis qu'en 2012 leur pourcentage est estimé à 50%. La
plupart des innovations, comme l'affirment les deux auteurs, sont
impressionnantes, mais le sont beaucoup moins du point de vue de leur impact,
et ce ne sont certainement pas elles, comme dans le passé, qui sont à l'origine
de la hausse de la productivité. Parallèlement, comme ils l'affirment dans leur
livre, on remarque une baisse décisive du nombre d'entreprises nouvellement
fondées. Les auteurs attribuent ces
évolutions négatives à la structure du capitalisme, et plus spécifiquement au
fait que les entreprises n'appartiennent plus à des entrepreneurs ayant le goût
du risque, mais à des organismes colossaux qui se soucient plus de connaître à l'avance
la hauteur des rendements sûrs, que de l'avenir de l'entreprise. «Le
capitalisme est victime des rentiers», selon les auteurs du livre.
La baisse des résultats des innovations est probablement liée à la
réduction des idées nouvelles qui demandent des dépenses plus lourdes qu'avant.
Comme la création de nouvelles idées est le moteur du progrès et de la hausse
des revenus, une nouvelle étude[30] sur le sujet a cherché à dépasser les
difficultés qui se présentent lorsqu'il s'agit de vérifier le degré le
tarissement de l'intelligence humaine. Les auteurs de cette étude ont
finalement pu calculer le nombre de chercheurs et la productivité de leur
recherche dans un grand nombre
d'entreprises. Ce qu'ils ont trouvé est assez décevant puisqu'il ressort que le
nombre de chercheurs augmente avec le temps tandis que la productivité diminue
de façon notoire. Plus précisément, la baisse de cette productivité est
attribuée à la loi de Moore, selon laquelle le rendement des ordinateurs double
tous les deux ans, tandis que les chercheurs de l'Université de Stanford ont
trouvé que maintenant le temps nécessaire au doublement de leur capacité a été
multiplié par 18, par rapport à l'équivalent dans les années 1970. Les idées
sont de plus en plus difficiles à trouver et leur rythme baisse de 6,8% par an.
Or, sous un autre angle, il apparaît que le problème n'est pas tant le manque
d'idées, mais leur exploitation. L'application des nouvelles technologies vise
habituellement à réduire le travail utilisé, qui intéresse peu toutefois,
lorsque les salaires sont trop bas. Par ailleurs, les profits élevés assurent
une importante liquidité aux entreprises, mais l'insuffisance de la demande
décourage le recours à de nouvelles technologies.
d) La dette
La dette est aussi un facteur important de baisse de la demande. On
constate que la dette de toutes les grandes entreprises, dix ans après le début
de la grande crise de 2007, au lieu de baisser, ne cesse d'augmenter. Ainsi, la
dette totale pendant cette période a augmenté de 57 trillions de dollars qui
pèsent sur le PIB à hauteur de 17 points. La dette publique de la zone de
l'euro qui en 2007 était de 68% du PIB, s'élève en 2016 à 92,4%. La dette des
pays du G-20 est quant à elle estimée à 135 trillions de dollars, à 235% de
leur PIB, et le danger pour l'économie mondiale est évident. Les déficits des
économies européennes les plus faibles, auxquelles ont été imposés des plans de
stabilité, exceptée l'Irlande qui, comme on le sait, était avant la crise de
2007, la «vitrine du néolibéralisme» (et qui maintenant affiche de nouveau une
augmentation de son PIB et de ses exportations, mais aussi une baisse du
chômage), l'Espagne et le Portugal ont été menacés de sanctions en 2015 par les
dirigeants de l'UE, en raison de leur déficit élevé (5,1% et 4,4%
respectivement), tandis que le déficit de la Grèce , malgré les plans inhumains qu'elle a dû mettre
en œuvre, était de 7,1%[31].
En période de stagnation économique où l'épargne est supérieure à
l'investissement, un fossé se crée qui doit être comblé par le gouvernement,
lequel recourt à l'emprunt. S'il traverse une période de longue récession,
comme c'est le cas actuellement, l'augmentation de la dette est inévitable[32] et conduit habituellement à une politique
d'austérité qui exclut d'office l'inflation même si cette solution n'est pas
bonne, puisqu'elle ne fait qu'empirer la situation. Toutefois, étant donné que
c'est la forme extrême de néolibéralisme qui prévaut et que depuis les années
70, la politique budgétaire a été mise à l'écart, il semble que pour l'heure il
n'y ait pas d'autre choix. Depuis le début de la crise en 2007 et jusqu'en
2015, la dette publique en tant que pourcentage dans le PIB a augmenté de 64% à
104% aux États-Unis, de 66% à 94% en Europe, de 176% à 237% au Japon. Quant à
la dette des ménages dans la zone euro, de 67% du PIB en 2001, elle a grimpé à
94%. On estime qu'en Europe le pourcentage de cette dette fait baisser la
demande de 4%. Cette situation dure depuis longtemps et peut être considérée
comme permanente, sachant que la dette, en tant que pourcentage dans le PIB,
tend à augmenter. Cette baisse de la demande signifie que l'intérêt réel
naturel a fortement baissé.
La façon de lutter contre la dette change d'un pays à l'autre, mais aussi
d'une époque à l'autre. Les États-Unis suivent une politique complètement
différente de celle de l'UE, puisqu'ils croient que l'augmentation de la dette
n'est pas nécessairement une menace pour leur économie, mais qu'elle peut au
contraire, à certaines conditions, accélérer la croissance. Les Républicains,
justement, envisagent de baisser fortement les taxes, ce qui fera exploser la
dette.
Or, un taux bas amoindrit les intérêts qui doivent être versés sur un
montant qui correspondant à celui de 1960, lorsque la dette américaine
s'élevait à 1/3 de celle d'aujourd'hui. La différence par rapport à 1960 est
que 40% de la dette sont détenus par des investisseurs étrangers.
Les théories affirmaient autrefois que l'augmentation de la dette renforce
l'inflation, réduit ainsi le pouvoir d'achat des particuliers, et par voie de
conséquence réduit les investissements et fait progresser l'économie. Toutefois,
il ressort d'une étude sur la question datant de 2003 faite par le FMI et
portant sur 107 pays, qu'il n'y a pas de corrélation positive entre les
déficits et l'inflation. Soulignons néanmoins que même si l'UE reste attachée
aux enseignements des néolibéraux concernant la nécessité d'atteindre la balance
partout, les États-Unis, malgré un gouvernement considéré comme conservateur,
adopte les idées de Keynes qui leur permettront probablement de gagner du temps
avant d'entrer dans une stagnation perpétuelle.
II. Des changements autonomes qui augmentent l'offre. Il s'agit:
a) Du chômage permanent
aa) Le problème
La distinction entre les facteurs de baisse de la demande et d’augmentation
de l’offre de main-d’œuvre est relative, car il s’agit du même problème, qui
apparaît souvent sous deux aspects, mais qui conduit au même déséquilibre, dans
le sens Offre>Demande. C’est exactement le cas du chômage qui est la
conséquence de plusieurs facteurs ayant acquis un poids spécifique dans les
économies modernes avancées. Premièrement, la demande de biens de consommation
a fortement baissé, surtout à cause de la montée en flèche des inégalités dans
la répartition des revenus et des richesses. Deuxièmement, la demande de
main-d’œuvre, laquelle est fonction de la demande de biens et services a baissé
à son tour, à cause du déséquilibre incontrôlé dans la répartition des revenus
et des richesses, mais aussi à cause de la réduction de la classe moyenne, et
de la baisse de toutes les propensions décisives de l’économie, mais aussi à
cause de l’accroissement de la productivité du travail. Ce sont là des
symptômes du capitalisme de maturité, mais aussi des choix malheureux des
autorités compétentes. Plus spécifiquement, dans le cas de la surabondance de
travail, le déséquilibre tel qu'il se manifeste à travers le chômage de longue
durée, est le double résultat de la hausse de l’offre et de la baisse de la
demande, alors que dans le cas des changements démographiques, de
l’investissement et de l’innovation technologique, c’est seulement le facteur
« baisse » qui intervient. Michel Rocard[33] donne une parfaite définition du chômage moderne:
«le chômage est la conséquence d'un système économique qui n'est plus capable de
créer de l'emploi car il a mis au centre une idole qui s'appelle l'argent».
Les prévisions pour les 10 à 20 prochaines années sont plutôt sombres pour
le chômage, d’après les résultats d’une récente étude menée par deux chercheurs
de la Martin School
d’Oxford, Carl Benedikt Frey και Michael Osborne. Ces deux chercheurs ont tenté d’évaluer le taux de
chômage qui sera créé à cause notamment des technologies de la robotique. Ils
en ont conclu que 47% des emplois aux États-Unis, avec un salaire moyen et un
travail de routine sont menacés de disparition. Les nouveaux emplois qui seront
créés se concentreront dans des espaces de travail créatif et intellectuel[34]. Avec la diffusion de l’intelligence technique,
ce ne sont pas que les emplois non qualifiés qui seront menacés, comme c’était
le cas dans le stade du numérique et comme conséquence de la mondialisation,
mais aussi les emplois hautement qualifiés comme les avocats, les conseillers
fiscaux, les bibliothécaires, les secrétaires, les employés administratifs etc.
Un groupe très restreint mais puissant de personnes qualifiées pourra donc
facilement s’imposer et finir par diriger l’économie et le marché, tandis que
la grande majorité devra se contenter d’un travail précaire et mal rémunéré.
bb) Les causes
Alors que la deuxième révolution industrielle est associée à une répartition
des revenus forcément plus juste puisqu'il s'agissait d'absorber la production
de masse, le troisième stade de l'évolution capitaliste a, lui, amené le
chômage et la pauvreté à l'Humanité, selon la projection correcte de M. Kalecki[35].
Les changements transversaux, combinés à la mise en œuvre d'une politique
aux mesures inefficaces, ont mis fin au régime de plein-emploi, et ont amené la
précarité et souvent le chaos dans les économies modernes.
Depuis la fin de la deuxième révolution industrielle on observe un taux de
chômage en constante augmentation, surtout -mais pas seulement- au
sein de l'UE[36], qui persiste même après la fin de la
récession. Le chômage s'accompagne d'un niveau de bien-être toujours plus
élevé, dont la répartition est de plus en plus inégale. Or, la lutte contre le
problème du chômage, qui était déjà primordiale pour l'UE en 1993[37], s'avère encore aujourd'hui impossible.
La persistance du chômage encourage le retour d'anciennes théories économiques
qui soutiennent que le capitalisme, arrivé à maturité, est de moins en moins
capable d'absorber la main-d'œuvre disponible[38] en général. Cette incapacité peut être
interprétée de diverses manières qui souvent se complètent mutuellement, telles
que:
• La surabondance du facteur de
production "travail"
Depuis 1970, on observe une saturation relative de la demande
traditionnelle dans les économies avancées, avec une baisse du rythme annuel de
changement de la consommation privée, dans les pays de l'OCDE[39]. À cette baisse de la demande effective
contribue également la politique d'austérité à long terme de l'UE, la montée
des inégalités dans la répartition des revenus, qui favorise l'épargne et plus
exactement la thésaurisation, le chômage associé au gel des salaires réels au
même niveau depuis des décennies, de même que la tendance généralisée à la
réduction de l'État-providence. Les économistes de l'OFCE, dans un numéro
spécial de leur revue, imputent la baisse de l'investissement de 2/3 à une
demande insuffisante[40], tandis que le FMI[41] fait plus ou moins le même constat.
Ajoutons encore qu'à l'insuffisance de la demande effective et des
investissements qui réduisent l'emploi, contribuent aussi de façon déterminante
les paradis fiscaux qui, selon des estimations, stockent une part énorme de
leur pouvoir d'achat, de l'ordre de 11,5 milliards de dollars[42]. La dépense faible à la consommation et à
l'investissement dans les économies modernes coexistent, surtout ces dernières
années, avec une baisse générale du niveau des prix, d'où une inflation
beaucoup plus faible que celle de l'équilibre (d'environ de 2%) et qui dans un
certain nombre de cas, s'est déjà transformée en désinflation.
• Les faibles possibilités de
création de nouveaux emplois dans le capitalisme de maturité
Aux États-Unis, dont la tendance, sur ce point précis, ne diffère pas
notoirement de celle des autres économies avancées, on estime que le secteur
financier absorbe 25% de l'ensemble des bénéfices des entreprises, et
représente environ 7% de l'économie. Donc, il ne parvient à créer que 4% d'emplois
nouveaux par rapport à la totalité[43]. La forme de croissance, dans ce stade,
cesse d'être expansive, comme dans le précédent, celui de la révolution
industrielle et devient intensive, c'est-à-dire qu'elle utilise une quantité de
plus en plus restreinte des deux facteurs de productions pour la création d'une
unité de produits[44]. Leur baisse n'est pas proportionnelle
mais dépend du genre de progrès technique chaque fois choisi[45]. Le vide créé par la baisse quantitative
des facteurs utilisés dans le processus de production et que l'on constate par
la baisse du rapport Travail-Produit, mais aussi Capital-Produit est remplacé
grâce à l'amélioration des deux facteurs de production de base, c'est-à-dire à
la nouvelle forme de progrès technique dont il sera question de façon
analytique ci-après. Par ailleurs, à cause de la désinstrualisation, il est
probable qu'apparaisse une hausse du rapport Capital-Produit, puisque le
pourcentage des installations de production inutilisées est en augmentation. Il
est par ailleurs établi que cette augmentation ne s’est pas faite aux dépens de
la part du capital dans le PIB des économies avancées, mais que c'est
exactement le contraire qui se produit, à savoir que dans le stade
post-industriel du développement capitaliste, sa capacité à garder et à
augmenter sa part dans le PIB est renforcée, car visiblement les outils de
production et de répartition traditionnels ont été abandonnés.
Dans le cadre d'ailleurs du stade post-industriel de développement, les
économies avancées affichent un épuisement de leurs marges de développement, et
cet épuisement apparaît à travers le déplacement entre les secteurs de
production des deux facteurs de production de base. On estime que ce
déplacement augmente la productivité de 44%, lorsqu'il se fait du secteur
primaire au secondaire, tandis que lorsqu'il se fait du secteur secondaire au
tertiaire, la productivité n'augmente que de 15%[46]. Et c'est justement dans le troisième
stade de l'évolution du capitalisme que le déplacement des deux facteurs de production
de base va dans ce sens, à savoir du secteur secondaire (désindustrialisation)
au tertiaire. Le ralentissement du rythme de croissance qui en résulte empêche
le fonctionnement positif de l'intensité de l'emploi, bien qu'avec le temps, il
ait fortement baissé en Europe (dans les années 1960, le rapport rythme de
croissance et création d'emploi était de 4,2%, et depuis il est estimé à 2%
seulement)[47].
• La mondialisation ne
contribue pas à l'emploi
La libéralisation complète des échanges internationaux a énormément
augmenté l'offre surtout de travail non qualifié dans les économies avancées,
qui provient d'économies en développement et dans le même temps a encouragé la
délocalisation massive des entreprises, qui ont quitté les économies avancées pour
les économies en développement, ce qui a conduit à une suppression importance
d'emplois dans les premières. Par ailleurs, avec la mondialisation, la
compétitivité avait le premier rôle dans les décisions et les actions des chefs
d'entreprise et des gouvernements nationaux des économies avancées. Le
caractère de cette nouvelle forme de compétitivité se montre de plus en plus
agressif face aux pays concurrents puisque la récompense de la victoire et de
la réussite est l'assurance d'une part de plus en plus grande dans le commerce
international. Et c'est généralement la baisse du coût du travail, au moyen des
licenciements massifs qui est reconnue comme étant la mesure la plus
essentielle et la plus efficace pour accroître la compétitivité.
b) Baisse du prix des biens
d'équipement
La baisse de la propension à investir a engendré une baisse parallèle du
prix des biens d'équipement, comme on le voit dans le graphique 3.
Graphique 3. Baisse du prix des biens d'équipement
Le bas prix des biens d'équipement signifie une demande d'épargne en
baisse, qui sera utilisée pour la production d'une unité de biens d'équipement,
mais dans le même temps il comprend aussi indirectement la dimension de
l'augmentation de leur offre. La raison essentielle de la baisse du prix des
biens d'équipement, à l'exception des nouvelles technologies, est la baisse de
la propension à investir à cause de la baisse de la demande de consommation due
à la baisse de la part du travail dans le PIB, à la baisse du niveau des
salaires et du sous-emploi permanent.
Source: OCDE "Main Economic
Indicators" (database). De Lawrence Summers, Four observations on secular
stagnation p.61
c)
Et bien évidemment, l'augmentation de l'épargne
L'autre aspect de la surabondance de l'épargne, au
niveau mondial, est l'insuffisance de la demande. Il s'agit de l'inévitable
conséquence du choix du néolibéralisme qui, systématiquement et par tous les
moyens, écoule une part de plus en plus grande de la productivité accrue dans
les profits, la retirant des salaires et compressant de plus en plus la part du
travail dans le PIB. Les profondes inégalités dans la répartition des revenus
au niveau fonctionnel et personnel soutiennent les revenus, dont les
bénéficiaires ont une faible propension à consommer, alors qu'ils ont déjà
satisfait leurs besoins de base et de produits et services de luxe. Ils
canalisent ainsi le reste de leurs revenus, qui grossissent parallèlement à
l'approfondissement des inégalités de répartition des revenus, dans l'épargne
et la spéculation des établissements boursiers. Avec la chute de la demande de
produits de consommation de base, c'est l'errance inutile de cette épargne
surabondante qui est encouragée au niveau planétaire, qui ne peut se
transformer en investissement productif et met en lumière la situation
économique désastreuse d'une époque dont les abus conduisent à une impasse.
Pour conclure, on voit que toutes les grandeurs
économiques de base glissent vers le bas et s'alimentent mutuellement. Et même
s'il semble encore peu sérieux d'exprimer une absolue certitude quant à la
venue du stade de la stagnation permanente, force est de constater que tout
nous y conduit.
Notes Bibliographiques
----------------------------
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Alternatives Économiques, Hors Série
No 110, janvier 2017
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Gramsci - Cahiers de Prison.
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2015(http://www.brookings.edu/blogs/ben-bernanke/posts/2015/03/30-why-interest-rates-s0-low)
[1]Antonio Gramsci - Cahiers de Prison.
[2] ibidem.
[3] "Economic Progress and
Declining Population Growth" (1939), American
Economic Review 29 (1):1-15
[4] 2013, "Why Stagnation
Might Prove to be the New Normal", Financial
Times, 15/12.
[5] Parmi de nombreux autres: Richard
Baldwin, Paul Krugman, Bob Gordon, Olivier Blanchard, Ricardo Caballero, Coen
Teulings, Barry Eichengreen, qui constate en général le ralentissement ou
l'absence de croissance, mais font part d'interprétations différentes.
[6] "The impact of population ageing on
economic growth: an in-depth bibliometric analysis" by Renuga Nagarajan
CEF.UP, Faculdade de Economia, Universidade do Porto Aurora A.C. Teixeira
CEF.UP, Faculdade de Economia, Universidade do Porto; INESC Porto, OBEGEF
Sandra Silva CEF.UP, Faculdade de Economia, Universidade do Porto (où sont
cités de nombreux articles sur le sujet)
[8] Program on the global
demography of aging, Working Paper Series
Population Aging and Economic Growth, David E. Bloom, David Canning, Günther Fink, April 2008 PGDA Working Paper No.
31. http://www.hsph.harvard.edu/pgda/working.htm
[9] The Effect of Population Aging on Economic
Growth, The Labor Force and Productivity, by Nicole Maestas, Kathleen J.
Mullen, and David Powell, RAND Labor and Population, August 2016.
[10] Selon le rapport de la Commission Européenne
pour l'Anée européenne 2012 (COM (210)
462/06.09.2010) du vieillissement actif, d'après les données et les
projections d'Eurostat.
[11] Nancy Birdsall,
"Middle-Class Heroes, The Best Guarantee of Good Governance", Foreign Affairs, March/April 2016, pp. 25
ff
[12] Ibidem, p. 30
[13] Why are interest Rates So
Low"? March 30, 2015 (http://www.brookings.edu/blogs/ben-bernanke/posts/2015/03/30-why-interest-rates-s0-low)
[14] Lorsque la baisse de la demande de biens
de consommation engendre une baisse encore plus forte de la demande de biens d'équipement.
[15] Lorsque la réalisation d'un
investissement spécifique engendre la nécessité d'un recours à des
investissements supplémentaires.
[16] Peter Chen, Loukas
Karabarbounis and Brent Neiman, "The Global Rise of Corporate Saving", Federal Reserve Bank
of Minneapolis ,
Workink Paper no 736, march 2017.
[17] Jusqu'à 85%.
[18] Cette théorie, présentée pour la première
fois par l'économiste Alvin Hansen en 1933, semble maintenant se vérifier,
reprise par Larry Summers et d'autres.
[20] Selon une étude de Bent Flyvbjerg de la Saïd Business School
of Oxford.
[21] Selon le bureau de consultants Luc Luyten
of Bain & and Company.
[22] Qui augmente au même pourcentage la
productivité et les deux facteurs de production.
24 Qui augmente plus la productivité du travail que
celle du capital.
25 Qui augmente plus la productivité du
capital que celle du travail.
[26] Robert Solow, The Solow Productive Paradox: What do Computers do to Productivity?
Jack E. Triplett Brookings Institution, 1998.
[27] United States Department of Labor,
“Productivity change in the non nonfarm business sector, 1947-2014” , Bureau of Labor
Statistics, www.bls.gov/lpc/prodybar.htm
[30]Nicholas Bloom Charles I. Jones
Stanford University and NBER Stanford University and NBER John Van Reenen
Michael Webb "Are Ideas Getting Harder to Find"? (2017), MIT and NBER Stanford University September 6,
2017 - Version 1.0
[31] Alternatives Économiques, Hors Série No
110, janvier 2017.
[32] Domar E.D. (1944) "The Burden
of the debt and the national income", American
Economic Review, 34, pp. 798-827.
[34] “The Future of the Employment: How
Susceptible Are Jobs to Computerisation?”, Oxford Martin
School , Programme on the Impact of
Future Technology, University
of Oxford , 17 September
2013, www.oxfordmartin.ox.ac.uk/downloads/academic/The_Future_of_Employment.pdf
[35] Robinson, J., and F. Wilkinson,
"What has become of employment policy?", Cambridge Journal of
Economics, March 1977, pp. 5-14.
[38] M.
Negreponti-Delivanis, Europe's life buoy
is its less developed regions, Paratiritis, 1990,Thessaloniki.
[43] Saving Capitalism-Time, May 23, 2016, based on the new
book by Rana Foroohar Makers and
Takers.
[45] Μ. Νεγρεπόντη-Δελιβάνη, Μεταρρυθμίσεις, Το ολοκαύτωμα των εργαζομένων στην Ευρώπη, Ίδρυμα
Δελιβάνη και Εκδοσεις Λιβάνη, Αθήνα 2007 p. 48 et suiv. [M. Negreponti-Delivani,
Réformes: La mise à mort des travailleurs en Europe, éd. Fondation Delivanis
et Livani, Athènes 2007]
[46] A. Maddison, Growth and Structural Change in the Advanced
Countries, in Western economics in Transition, ed. by I. Levenson and J. W.
Wheeler, Hudson Institute, 1980.
Colloque à PLOESTI 16.11 LA MENACE DE LA STAGNATION SÉCULAIRE par Maria negreponti-Delivanis
Reviewed by Μαρία Νεγρεπόντη - Δελιβάνη
on
Νοεμβρίου 02, 2017
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