PACTE DE STABILITE ET TRANSITION Par Maria Negreponti-Delivanis 6.11.2004
PACTE DE STABILITE ET TRANSITION
Par Maria Negreponti-Delivanis
Plan:
Introduction
Ι. L’incompatibilité entre Pacte et effort de convergence
A. L’environnement fonctionnel du Pacte
B. Les conséquences du Pacte dans la «nouvelle» Europe (Negreponti- Delivanis 1999)
II. La désertion du Pacte de la part des deux pays qui l’ont imposé au
reste de l’Europe
A. Le Pacte est mort... mais pas entièrement
B. La mauvaise récolte européenne
Conclusion
«Le Management de la Transition» - Séminaire International organisé par le CEDIMES et l'Université Valahia de Targoviste les 5 et 6 novembre 2004
Introduction
Les choix explicites, mais aussi implicites du Pacte de Stabilité qui complètent et précisent la philosophie de Maastricht, entravent ou découragent sérieusement tout effort des pays - qu'ils soient membres de l' Union Européenne (U.E.) ou candidats à l'adhésion - de viser une croissance rapide, de résorber le chômage croissant, de planifier la politique macro-économique en fonction des spécificités de chaque économie, de faire fonctionner les stabilisateurs automatiques pour atténuer l’influence des phases du cycle économique et, enfin, de préserver l’Etat-providence.
C’est ainsi que les pays membres, mais aussi et surtout les candidats à l'adhésion sont privés de l’approche keynésienne du correctif entre taux d’inflation et taux de chômage (Phillips, 1958), vu que le Pacte de Stabilité ne tolère pas de taux d’inflation supérieur à 2% (1). Ce critère du Pacte sous-entend donc une Europe fonctionnant dans des conditions de plein-emploi, bien que l’équilibre de sous-emploi y soit installé depuis quatre décennies déjà. D’autre part, indépendamment de la phase du cycle que traversent les différentes économies européennes, du stade de leur évolution capitaliste, de leurs particularités structurelles, de l’écart entre consommation et production par rapport au niveau moyen européen correspondant, le Pacte de Stabilité exige de tous un déficit public homogène, de 0-3% du PNB, ainsi qu’une dette publique ne dιpassant pas 60% du PNB. Sur ce dernier point, il s’avère que la thèse dominante sous-jacente admet l’abolition du cycle économique; les mécanismes automatiques de stabilisation ne fonctionnent plus, alors que les conséquences de la récession s'intensifient. (Negreponti-Delivanis 2004). Sous l'influence de la mondialisation oω l'activité boursière prédomine, les crises financières sont devenues plus fréquentes et plus intenses. Cependant, le postulat de base de ce Pacte - qui pourrait d'ailleurs expliquer son attachement sans réserve à la stabilité monétaire au détriment de la stabilité rιelle - veut que la convergence nominale mène automatiquement à une convergence des variables réelles.
D’ailleurs, si on essayait d’évaluer l’intensité du besoin de converger des différentes catégories de pays qui ont dû subir cette politique monolithique, les économies de la «nouvelle Europe» seraient certainement en tκte de liste, et parmi eux la Roumanie, vu la grande différence entre son niveau de vie - mesuré par le niveau des salaires - et celui de l'U.E.-UEM (Voir le tableau I ci-dessous).
Tableau I. Salaire national moyen en $ (2002)
France 3,159 Τchequie 554
Allemagne 2,989 Pologne 487
Irlande 2,624 Hongrie 424
Italie 2,171 Turquie 404
Grèce 961 Roumanie 137
Source : Eurostat
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Ainsi, la perte d'autonomie des Etats en matière de politique macro-économique les amène à remédier aux déséquilibres monétaires en réduisant purement et simplement le niveau des salaires. On peut donc conclure que l’application des critères de Maastricht encourage et intensifie l’inégalité des revenus ; et dans le cas de la Roumanie, une restriction supplémentaire du niveau des salaires serait plus dramatique qu’ailleurs.
La première partie de ce rapport sera consacrée à quelques-unes des conséquences néfastes provoquées par l'acharnement des autorités de Bruxelles à rechercher la stabilité monétaire à tout prix, ainsi que par leur incapacité, après les années ’80, d'établir l'équilibre entre le rôle du marché et celui du secteur public (Stiglitz 2003 : Préface). Dans ma seconde partie, je m'interrogerai sur le statut actuel du Pacte de Stabilité, qui est mort dans la pratique, mais sans l'être complètement. Enfin, je vais essayer de tirer quelques conclusions générales qui concerneront surtout la Roumanie.
Ι. L’incompatibilité entre Pacte de Stabilité et effort de convergence
A. L’environnement fonctionnel du Pacte
L’environnement économique pendant la phase de préparation de l'Union Monιtaire Européenne et depuis la mise en place de la monnaie commune est caractérisé par :
• Une politique anti-inflationniste sévère et persistante, qui réduit le rythme de croissance, limite le pouvoir de négociation des travailleurs, réduit la part des salaires dans le PNB et augmente le nombre des sans-abri, des chômeurs et des exclus. En dépit du développement économique, l’U.E. comptait 15 millions de chômeurs en 2000; en 1998, les personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté représentaient 18% de la population de l’Europe des 15 ; c’est le même pourcentage qu’en 1995.
Le taux de chômage élevé ne peut être résorbé, puisque le taux d’inflation doit tendre vers zéro. Avec un tel taux de chômage, la redistribution des revenus en faveur du capital est évidente, de même que l’installation graduelle de nouvelles formes de relations de travail, dont la caractéristique commune est l'éloignement du régime de plein emploi.
• Un prétendu effort d’harmonisation de l'impôt sur les sociétés, qui reste inachevée. Par contre, cet effort a provoqué une concurrence à couteaux tirιs, non seulement dans le cadre général de l’U.E-UEM, mais aussi et surtout entre la «vieille» et la «nouvelle» Europe, comme on peut le constater dans le tableau suivant :
Tableau II. La guerre fiscale en Europe
Pays Taux d'imposition *
Allemagne 38.3 %
France 34.3
G.B. 30.0
Portugal 27.5
Pologne 19.0
Hongrie 16.0
Irlande 12.5
Estonie 0
* des profits
Source : KPMG, statistiques nationales des finances publiques
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Cette confrontation entre pays membres et/ou candidats à l’adhésion vise à attirer les investissements directs étrangers sur le territoire national, ce qui va de pair avec une lutte souterraine pour réduire au maximum le niveau des salaires. De cette façon, les dirigeants de l’Europe occidentale espèrent pouvoir endiguer le fléau des pertes d’emplois en faveur des économies à bas salaires; apparemment, la «nouvelle Europe» essaye de suivre de son mieux. On estime que jusqu’en 2008, l’Europe occidentale perdra 730 millions d’emplois dans le secteur des services financiers et 100 millions dans celui des télécommunications (Business Week 19.4.2004). Mais sous la mondialisation, de telles méthodes sont à priori vouées à l’échec. Les avantages comparatifs des ex-pays socialistes vis-à-vis de l’Europe occidentale sont assez marginaux et surtout précaires, vu que les deux Europe - la «vieille» et la «nouvelle» - sont sérieusement concurrencées par l'Asie. A titre d’exemple, le salaire moyen annuel d’un ouvrier travaillant à l’usine Puma au Cambodge est égal à 0,0009% des profits annuels de l'entreprise. Alors, indépendamment du fait que l’Europe occidentale ne peut pas entrer en compétition avec les salaires de certains pays asiatiques en voie de développement, vouloir poursuivre ce leurre :
-empêche les économies en transition d’exploiter leurs maigres avantages comparatifs qui pourraient accélérer leur convergence rιelle pendant un certain temps. Mais une nouvelle perspective semble s'ouvrir devant elles, et spécialement devant la Roumanie. Il s’agit de la prise en compte de l’«alternative de proximité» qu'offrent certains pays actuellement en transition, car ils disposent non seulement de bas salaires, mais aussi de connaissances technologiques d'un niveau ιlevι. Cette «découverte» a déjà favorisé la Roumanie aux dépens de l’Inde pour l’installation, à Bucarest, d’une sιrie de laboratoires de logiciels des compagnies IBM, HP, Oracle et Alcatel entre autres. Les exportations de logiciels et de services ont atteint 215 millions de $ en 2003 (Business Week 1.3.2004);
-crée l'impression très défavorable d’une U.E. à la recherche de ses propres méthodes, mais qui augmentent en fin de compte les inégalités déjà existantes entre la «vieille» et la «nouvelle» Europe et contribuent à creuser les écarts.
Pour continuer cette énumération, la philosophie de libéralisation extrême qui guide ce Pacte écarte automatiquement toute régulation et l’intervention du secteur public. Le manque d'expérience des pays ex-socialistes a conduit à une course effrénée aux privatisations qui offraient peu de chances de réussite, à une corruption incontrôlable et à la destruction presque complète de l'Etat-providence. Mentionnons seulement qu’en raison de la suppression des barrières institutionnelles, le degré de flexibilité du travail dans les économies ex-socialistes est égal voire supérieur à celui de l'Europe des 15 (Ingham and Ingham 2003 :38).
Un tel environnement économique n'est pas apte à faciliter la convergence des pays ou des régions insuffisamment développés ; il est fatal dans le cas particulier des économies en transition.
B. Les conséquences du Pacte sur la «nouvelle» Europe (Negreponti-
Delivanis 1999)
Bien qu'ils ne soient pas encore membres de l’U.E., les ex-pays socialistes ont été obligés à respecter les critères fondamentalistes de Maastricht pendant la phase préparatoire de l'adhésion. En effet, pour juger s'ils sont «aptes» (ou non), on se base uniquement sur le respect de ces critères, tout en avançant deux "promesses" déguisées, bien que peu crédibles. Selon la première, la convergence monétaire mène à la convergence réelle. Mais en réalité, rien n’est moins certain, car:
• Une étude empirique sur les convergences monétaire et réelle (2) au sein de la CEE à 10 pour la période 1989-1999 a conclu que la convergence monétaire peut être atteinte sans pour autant être suivie de la convergence rιelle (Andreff 1999).
• Les exigences unilatérales des critères de Maastricht n’assurent nullement aux économies candidates (après le 1er Mai 2004, la Bulgarie et la Roumanie restent toujours dans la file d'attente) l'accès à l’U.E., au moins sur la base des seuls critères économiques. L’intégration dépend en grande partie du degré de similitude des structures économiques (Gabrisch et Werner 1999). Mais l'examen qui repose uniquement sur des chiffres risque de ne pas tenir compte des conséquences des politiques restrictives sur l’économie et de leurs rιpercussions sur le budget. On ne peut donc résoudre le problème de la stabilité monétaire en ignorant l’évolution des données économiques, car le ralentissement conjoncturel fait baisser les recettes fiscales et augmente, par voie de conséquence, le déficit public.
Il faut encore souligner l’importance du dιlai nécessaire pour passer de la convergence monétaire à la convergence rιelle des économies en transition. En effet, si ce délai est trop long, le lien entre cause et effet est rompu et la recherche d’une telle convergence n’a plus aucun sens. C’est justement le cas des nouveaux membres de l’U.E.: l’immense écart entre leurs structures économiques et celles de l’U.E. fait d'eux à première vue des «partenaires inaptes». Prenons le cas de la Pologne : selon certaines estimations, sa convergence rιelle prendra 59 ans à partir d’aujourd’hui. Pour résumer les écarts - qui font peur d’ailleurs - entre la «vieille» et la «nouvelle» Europe, il suffit de réaliser que par l'adhésion des 10 nouveaux membres, la population de l'U.E a augmenté de 15%, alors que le PNB additionnel ne s'élève qu'à 4,6%. En d’autres termes, le revenu par tête des 10 nouveaux membres ne s'élève en moyenne qu'à 46% de celui de l’U.E. (The Economist - Special Report 1.5.2004). En ce qui concerne l'économie roumaine en particulier, elle est loin de répondre aux critères en raison des écarts de structures qui la séparent de la moyenne non seulement de l’U.E. à 15, mais également de celle de la CEE à 10 (Ingham and Ingham 2003 : Tableau 2.3) (3). Cet écart ne pourra être résorbé que grâce à une croissance rapide. Mais la Roumanie a connu des taux de croissance nιgatifs de son PNB jusqu’en 1999. En plus, la transition a complètement détruit l’Etat-providence de tous ces pays et a fait surgir des économies dualistes où une petite minorité de nouveaux-riches, hautement corrompus, cohabite avec la grande majorité privée de toute couverture sociale (El Pais 24.5.2004).
Il est donc difficile, sinon impossible, de justifier l’adhésion récente des 10 nouveaux membres par les seules critères économiques (Baldwin, 1994). La décision de les intégrer relevait donc plutôt de critères politiques.
J'aborde maintenant la seconde "promesse", toujours indirecte, du Pacte selon laquelle la stabilité monétaire est une condition sine qua non de développement rapide et de convergence. Sans sous-estimer l’importance et la nécessité de la stabilité monétaire, je crains néanmoins que la volonté d’en faire le seul et unique objectif ne fasse oublier que la croissance rapide des pays ou des régions en voie de développement nécessite un taux d’inflation supérieur à celui des pays déjà avancés. De même, le Sud européen qui présentait un écart par rapport au Nord et avait, afin de converger rapidement, besoin de taux de croissance plus élevés et de taux d'inflation supérieurs à ceux des critères de Maastricht, était obligé à opter pour la stabilité aux dépens de la convergence. A titre indicatif, je renvoie aux résultats d’une étude ad hoc de la Banque Mondiale (Bruno 1995) qui portait sur 117 pays et qui avait conclu que l’inflation ne nuit à l’effort de développement économique que quand son taux dépasse 40% par an.
Rechercher la stabilité monétaire aux dépens du développement rapide a donc été un choix désastreux, surtout pour les économies en transition et candidates à l’adhésion. Elles avaient besoin de politiques macro-économiques spécifiques pour devenir progressivement des pays aptes à l'adhésion grâce à leur évolution structurelle et pas uniquement grâce à des critères monétaristes.
II. La désertion du Pacte de la part des deux économies qui l’avaient imposé au reste de l'Europe
Bien qu'il ait été évident que le schéma ambigu du Pacte ne conduirait jamais à des résultats satisfaisants, l'obstination des deux pays les plus puissants de l’Europe, et surtout de l’Allemagne, ne laissait aucune marge de discussion pour les autres membres de l’U.E. Il est donc plus que stupéfiant que cet empressement excessif de l’Allemagne et de la France en faveur du Pacte de Stabilité se soit brusquement envolé. En effet, ces deux pays ont déclaré, le 25 Novembre 2003, qu’ils ne pouvaient plus respecter les termes du Pacte parce qu'il étouffait leur croissance. Le ralentissement de leurs économies a donc été dans une large mesure attribué au Pacte de Stabilité. En effet, au cours des 5 dernières années, le rythme de croissance de l’Allemagne, de la France et de l’Italie n'a atteint que 1,6% en moyenne. Le chômage s’élevait à 9,3% en Allemagne, à 9,4% en France et à 11,2% en Espagne (Ikonomiki Epitheorissi, Juin 2004) ; les perspectives pour 2004 ne sont guère plus optimistes. La France et l'Allemagne ont donc déclaré sans autre forme de procès lors de la réunion de l’Ecofin du 25 Novembre 2003 qu’ils suspendaient l'application du Pacte pendant deux ans (4).
Sans aucun doute l’abandon d’un Pacte - qualifié d'ailleurs d' «idiot» par Mario Prodi (International Herald Tribune 26.11.2003) - qui a provoqué tant de dégâts, devrait être considéré comme un événement heureux. Pourtant, ce témoignage officiel qui rendait vains tous les sacrifices liιs au Pacte, ainsi que l’ambiguοtι qui entoure son statut actuel, n'ont pour ainsi dire apporté aucun apaisement.
La France et l’Allemagne, en se débarrassant sans trop d’explications ni trop d'excuses du Pacte, ont simplement utilisé une justification qui tombe sous le sens, c'est-à-dire qu'il pouvait protéger les économies européennes contre l’inflation, mais pas contre la récession. En d’autres termes, ses inspirateurs ont admis qu’ils se sont basés sur l’hypothèse absurde que le cycle économique a cessé d’exister, car vaincu par la «nouvelle économie» (5).
Les arguments sans valeur qui ont été avancés, l’impasse économique des pays qui ont été obligés à appliquer la politique macro-économique du Pacte et le fait que, depuis le 25 Novembre 2003, d'autres pays membres de l’U.E. refusent (officiellement ou tacitement) de le respecter (6) excluent à priori l’éventualité de sa résurrection. En effet, depuis cette date, les responsables de l’U.E. ont exprimé leur perplexité et préféré remettre le problème à «plus tard». Mais le reste de l’U.E. ainsi que les candidats à l’adhésion étaient censés continuer à respecter le Pacte "mort". On peut donc se demander comment une politique macro-économique, par excellence supra-nationale, peut se transformer en politique nationale. Et encore, quelle sera son efficacité dès lors que plus de 70% des pays membres ont suspendu l'application du Pacte. Enfin et surtout, quels sont les risques encourus par les économies qui continuent à appliquer ce Pacte fantôme, d’autant qu'il s'agit surtout des économies du Sud européen et des économies en transition.
Le Pacte est donc mort et il est temps d’annoncer officiellement son enterrement. Car le prolongement de cette situation incertaine nuit avant tout au Sud européen et aux économies en transition.
A.Le Pacte est mort... mais pas complètement
Les choses étant ce qu'elles sont, nous sommes les témoins d’une discrimination inacceptable et fort dangereuse au sein de l’U.E., qui installe officiellement une «Europe à deux vitesses», ce qui risque d’avoir des conséquences lourdes en termes de convergence des économies européennes les moins avancées (Negreponti-Delivanis 2004a : 48ss). En effet, le reniement du Pacte de Stabilité par le Nord favorisera sa croissance, tandis que le Sud européen et les économies en transition connaîtront très probablement de nouveaux décalages et une inflation importée du Nord. L’indécision des responsables de l’Europe de mettre définitivement fin au Pacte de Stabilité tient au fait qu'ils n'ont pas pu trouver d'alternative. Mais il est évident que le prolongement de cette situation, ajouté à une série d’autres problèmes dans l’U.E. comme la question de la libre circulation des travailleurs, la nouvelle PAC et le niveau de l’aide structurelle aux nouveaux membres ne réduit pas seulement les avantages attendus de l’intégration, en augmentant ses dangers, ne remet pas seulement en question les chances de la Roumanie et de la Bulgarie d'adhérer, mais met encore et surtout en cause la cohésion de l’Europe et son avenir. Et pour revenir au Pacte, il est inadmissible que l'acceptation d'un pays «apte» continue à dépendre des critères d’un Pacte qui a été abandonné par les pays les plus puissants de l’Europe, parce qu'ils se sont rendus compte que «le Pacte faisait obstacle à une croissance soutenue».
Un Pacte qui a ainsi été rejeté par les pays les plus avancés de l’Europe ne peut pas continuer à être imposé aux pays membres les plus faibles. Car cela reviendrait à dire que les pays puissants de l'U.E., par leurs décisions et/ou suspensions de décisions, poursuivent leurs seuls intérêts propres, sans se soucier des problèmes qui en dιcoulent pour leur partenaires.
B. La mauvaise récolte européenne
Il est malheureusement certain que l’U.E. et la zone euro ont perdu leur splendeur (Vergopoulos 2004) (8). Le manquement de l'U.E. à ses promesses de base, dont la prospérité pour tous, le plein emploi, la croissance rapide, l’égalité et la stabilité, a fait monter peu à peu un large mécontentement, qui s’est exprimé á l'occasion des élections européennes à la mi-juin 2004. Il n’est donc pas étonnant - à en croire un sondage récent - que seulement 46% des citoyens de l’Europe des 15 continuent à croire que l’adhésion à l’U.E. comporte des avantages. (European Commission - Opinion Survey de Mars 2004), contre plus de 70% en 1990 (The Economist - Special Report 1.5.2004). D’autre part, le taux d'abstention lors des dernières élections européennes qui a atteint 56% dans les pays de l'Europe des 15, 80% en Pologne et 83% en Slovaquie n'est guère un présage optimiste pour l’avenir de l’Union; il est directement lié aux exigences médiévales du Pacte et doit être interprété comme une réaction des Européens et non pas comme une preuve de résignation. D’autre part, il est évident que le rejet grandissant pose déjà un problème énorme au sein de l’U.E. et met en cause ses bases et son fonctionnement démocratique.
Il est vrai que la dernière intégration européenne a coϊncidé avec une période particulièrement difficile pour l’Union qui, devant l’accumulation de problèmes quasi insolubles, est obligée à rechercher une nouvelle identité. Mais cette coϊncidence risque de s’avérer fatale, si les nouveaux membres de l’U.E. vont continuer à se tourner vers les U.S.A. et non pas vers l’Europe pour résoudre leurs problèmes (Contogeorgis 2003 : 518).
Conclusion
L'engagement de l’U.E. pour une politique économique commune ne s’est pas traduit dans les faits, même si les directives du Pacte de Stabilité ont entamé la souveraineté nationale des pays membres. La mort du Pacte (9) a officialisé l’échec européen dans le domaine de l’intervention économique. Bien que pas encore perceptible, il y a l’espoir que l’abandon du Pacte ouvrira maintenant la voie pour des politiques économiques nationales, qui ne devraient plus respecter que de simples directives générales en matière de stabilité monétaire.
La Roumanie et le reste des pays en transition pourraient essayer, pour s’en sortir :
-de prendre conscience que l’économie de marché a donné des résultats encore pires que ceux que les communistes avaient prévus jadis. A l'opposé, la Chine qui a fixé sa politique macro-économique de façon autonome et en refusant de suivre les conseils des organisations internationales, a pu améliorer son sort de faηon spectaculaire: en 1990, son PNB représentait 60% de celui de la Russie; vers la fin de la décennie, la situation s'était inversée (Stiglitz 2003 : 48). Evidemment, il ne faut pas perdre de vue que la simple transplantation de politiques sans prise en compte préalable des particularités de chaque économie ne réussit que rarement.
-De mettre en valeur quelques-unes des nouvelles tendances combinées avec leurs avantages comparatives : entre autres, l’«alternative de proximité», l'impôt peu élevé sur les sociétés, les atouts pour attirer des investissements directs étrangers.
-De rétablir partiellement l'Etat-providence et de combattre l'immense corruption.
-De ne pas perdre de vue que les privatisations hâtives et massives, qui sont actuellement érigées en idéologie, ne sont pas une panacée, surtout pour ces pays où le secteur public a une tradition, alors que le secteur privé n'en a pas. Ceci dit, rappelons que la corruption n’est pas un privilège du secteur public, surtout au vu des scandales boursiers spectaculaires des dernières années aux U.S.A. et en Europe (Negreponti-Delivanis 2004b : Chap.I).
-De concentrer tous leurs efforts sur le développement de leurs structures économiques, en accordant moins d’importance aux données arithmétiques, et sans perdre de vue qu'une rιpartition moins inιgale qu’actuellement y contribuerait énormément.
Annotations
(1) Il va sans dire qu’il n’y a aucune théorie dominante exigeant de telles restrictions
(2) Les critères monétaires de Maastricht sont basés sur des relations de prix, tandis que la convergence réelle dépend des variables rιelles, telles que le revenu et la productivité
(3) Grosse Valeur Ajoutιe(%) Emploi (%)
Agriculture Industrie Agriculture Industrie
1995 1999 1995 1999 1995 1999 1995 1 999
---------------------------------------------------------------------------------------------------
CEE-Moyenne 8.2 5.8 31.0 28.8 23.3 20.7 27.2 25.5
Roumanie 20.7 15.5 34.5 30.9 40.3 41.7 26.8 23.9
Source: CEC 2000
(4) Qui vont s’ajouter aux deux années précédentes, pendant lesquelles les deux économies puissantes n’ont guère appliqué les critères de Maastricht. Il en résulte qu’il ne s’agit pas d’une suspension temporaire, mais d'une levée définitive.
(5) Une conviction utopique largement répandue de laquelle la «nouvelle économie» s'est nourrie pendant longtemps
(6) L’Italie, le Portugal, la Hollande et la Grèce
(7) P.e. le Ministre français des Finances, conscient que son pays ne pourra pas revenir comme promis sur le Pacte en 2005, a proposé une «interprétation plus réaliste» de celui-ci; la revue très conservatrice «The Economist», dans le passé fervent adepte du Pacte, se prononce à présent sans réserve en faveur de son abolition. L’Allemagne déclare qu’elle ne pourra diminuer son déficit public en-dessous de 3% en 2005, etc., etc.
(8) Dans un interview rιcent, Milton Friedman a conseillé aux pays européens, membres de l’UEM, de revenir aussi vite que possible ΰ leurs monnaies nationales.
(9) Le recours introduit par la Commission devant le Tribunal Europιen ne signifie guθre le retour du Pacte, comme certains milieux de Bruxelles l'ont laissé entendre le 27.4.2004.
Bibliographie
- Andreff, W., (1999) « Nominal and real convergence-At what speed?” In Josef M. Brabant (ed) pp.111-38
- Baldwin,R., (1994) Towards an integrated Europe, CEPR: London
- Bruno, M., (1995) “Does Inflation Really Lower Growth?” ιtude de la Banque Mondiale in Finance and Development, sept., pp. 35-42
- Business Week 1.3.2004, 19.4.2004
- Contogeorgis, G., (2003) “Du nouvel ordre international Samuel Huntington et le « Choc des Civilisations », Revista de Historia das Ideias, Vol 24 Faculdade de Letras : Coimbra
- El Pais 24.5.2004
- European Commission – Opinion Survey de March 2004
- Gabrisch, H et K. Werner (1999) « Structural Convergence – Through Industrial Policy?” in Jozef M. van Brabant (ed.), pp.139-61
- Ingham, H., and M. Ingham (2003) EU Expansion to the East-Prospects and Problems, Edward Elgar:U.K
- Ikonomiki Epitheorissi, June 2004
- International Herald Tribune
- Negreponti-Delivanis, M.,(1999) « Les conséquences de l’UEM sur la Grèce et les Balkans » , Chambre de l’ Artisanat de Thessaloniki-Colloque du 18-19/3, pp.43-58
- Negreponti-Delivanis (2004) “L’euro: facteur de convergence ou de divergence », Rapport présenté au 53e Congrès de l’AIEF qui a eu lieu à Athènes en Mai 2003-sous presse dans les Cahiers du CEDIMES
- Negreponti-Delivanis (2004a) Le sort de l’euro après » l’enterrement du Pacte de Stabilité », Editions Kornilia Sfakianaki :Thessaloniki (en grec)
- (2004b) Les enfants de la mondialisation :terrorisme et fascisme, Editions Papazissis :Athènes (en grec)
- Phillips, A.W., (1958) « The Relation between Unemployment and the Rate of Money Wage Rates in the United Kingdom, 1861-1957”, Economica, 25, pp. 283-289
- Stiglitz, J.E., (2002) Globalization and its discontents“, traduction grecque, Livanis (2003)
- (2003) The Roaring Ninties, W.W. Norton &Company: New York
- The Economist –Special Report 1.5.2004
- Vergopoulos, C., (2004) «L’Europe perd sa splendeur»,dans l’Eleftherotypia du Dimanche 9.5
PACTE DE STABILITE ET TRANSITION Par Maria Negreponti-Delivanis 6.11.2004
Reviewed by Μαρία Νεγρεπόντη - Δελιβάνη
on
Ιανουαρίου 24, 2022
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