Les dangereuses évolutions démographiques renforcent l’image de déclin de l’Europe (a)

Par Maria Negreponti-Delivanis et Ioana Panagoret, 29.11.2019
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Introduction
Au cours des cinq dernières décennies, plusieurs indicateurs et développements témoignent du déclin que connaît l’Occident. Ainsi, en premier lieu, l’on accepte généralement l’hypothèse selon laquelle le temps de la civilisation occidentale est dorénavant épuisé (1) tandis qu’en même temps il en émerge une nouvelle, celle de l’Orient, qui vient occuper la place de celle qui s’efface. En deuxième lieu, l’on constate une forme inédite et extrême de capitalisme qui menace déjà de stagnation séculaire (Hansen, Summers) les économies occidentales développées.
          Quelques-unes des caractéristiques de ce déclin, qui apparaît plus prononcé en Europe par comparaison aux USA, sont la corruption, l’éloignement des peuples de leurs racines, telles que la religion, l’histoire, l’identité nationale, fondements de toute civilisation, mais aussi la dénatalité, les flux massifs de migrants et de réfugiés, la tendance  totalitaire  des gouvernements, etc.
         Dans le présent article, parmi la multitude des indices de déclin, nous isolerons, afin de les analyser, certaines évolutions démographiques constatées principalement en Europe et que nous considérons comme dangereuses sous plusieurs aspects. Il s’agit d’évolutions qui, comme tout semble l’indiquer, accélèrent l’arrivée de la fin de la civilisation occidentale. Nous soutiendrons qu’il s’agit d'évolutions en principe inévitables qui, en même temps, sont renforcées par des facteurs négatifs dont la globalisation est le plus important.
         Dans la première partie de notre article, nous présenterons les tendances et les variations de base, du point de vue de la population, dont nous estimons qu’elles sont déterminantes quant à l’avenir de l’Europe. Dans la deuxième partie, nous explorerons les principales causes de ces variations démographiques.  Dans la troisième partie, nous présenterons les effets les plus significatifs des variations de population. Enfin, nous présenterons les conclusions générales de cette étude.

Partie 1.Modifications et évolutions démographiques
Une partie importante de l’analyse interprétative de cette étape peu souhaitable de la stagnation séculaire s’appuie sur l’érosion démographique, le vieillissement de la population, la baisse du taux de la classe moyenne sur la population générale ainsi que l’invasion des migrants et réfugiés qui modifient les cultures des nations d’accueil.  Des évolutions analogues sont constatées dans bon nombre des économies avancées. Toutefois, elles apparaissent dramatiques dans le cas de l’Europe. Les principales d’entre elles peuvent être résumées comme suit :
1a. L’érosion de la population de l’Occident et, notamment, d’Europe, par rapport à la population mondiale
 La population mondiale devrait atteindre les 8 milliards, en 2030, contre les 7,3 milliards actuels. En 2050, elle atteindrait 8 milliards et, en 2100, 11,2 milliards. Ainsi, selon les estimations, en 2100, la population mondiale aura présenté une hausse de 50% par rapport au chiffre actuel. Toutefois, l’Europe et l’Asie orientale verront leur population baisser, contrairement aux USA où l’on prévoit une hausse. Mais, une hausse déterminante de la population aurait lieu dans les économies en développement et, selon certaines  estimations, atteindra près de quatre milliards.
En dépit de la hausse limitée prévue pour la population des USA, son taux sur la population mondiale, combiné à celui de l’UE, ne dépassera pas 9%, en 2025. En outre, dès 2016, la population de l’Asie représente, respectivement, 50% de la population mondiale.
Du point de vue de la natalité, les pays de l’UE peuvent être classés en trois catégories (Emke-Poulopoulou) :
A)        Les pays qui assurent une natalité dont le niveau permet le remplacement des générations. En 1980, seules la Grèce, l’Espagne et l’Irlande atteignaient ce niveau. En 1990, seule l’Irlande y arrivait tandis que, pour la période 2000 - 2015, aucun des pays de l’UE n’assurait le remplacement des générations.
Β)        Les pays pris au piège de la faible natalité. Il s’agit des pays dont le taux de natalité varie entre 1,4 et 1,5 enfants par femme. Ces pays sont l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et l’Autriche.
C)        Enfin, les pays présentant une natalité particulièrement faible. Cela signifie près de ou moins d’1,3 enfant par femme. En 2015, les pays qui se trouvaient dans cette position, dangereuse pour leur avenir, étaient la Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Espagne. C'est-à-dire, le malheureux Sud européen (Negreponti-Delivanis 2013).
Le diagramme 1 suivant présente le problème de la dénatalité en Europe.

Diagramme 1. La dénatalité en Europe, 2006-2013

Source : OCDE. « Main Economic indicators-complete database” http://dx.doi.org/10.1787/ data-00052-en (accès le 6 août 2014) Copyright, 2014, OCDE, Reproduit avec autorisation
Dans les années à venir, l’Europe se marginalise au sein de l’économie mondiale, en premier lieu en raison de la dénatalité qui a plusieurs effets économiques et sociaux, ainsi que nous le constaterons par la suite.
1b. Le vieillissement de la population européenne
Plus menaçant que la dénatalité des économies développées s’avère le vieillissement de leur population. Selon les prévisions moyennes de l’ONU, le nombre des plus de 65 ans dépassera les 600 millions et atteindra, en 2100, les 2,5 milliards de personnes. Cela signifie que leur nombre devrait presque doubler, par comparaison au chiffre actuel. Bien entendu, le problème du vieillissement de la population ne concerne pas uniquement les économies développées, comme on tend à penser. En effet, plusieurs zones émergentes du monde, telle que la Chine, l’Inde, les Caraïbes, l’Afrique du Sud, le Liban, le Maroc et l’Iran, relèvent de cette catégorie.
Le vieillissement de la population est constaté dans la baisse du taux du groupe d’âges de 15 à 64 ans qui, de 67% en 2010, est passé à 56,2% en 2060. Cela signifie que, dans les 50 années à venir, la population active subira une baisse de l’ordre de 42 millions de personnes. D’ici 2030, ces modifications résulteront en une hausse dramatique des 65 ou plus qui, de 17,4%, devrait passer à 25,6% de la population totale.  Pour résumer ces variations concernant la population européenne vieillissante, selon les prévisions, celle-ci sera quasiment multipliée par deux, passant de 87,5 millions, en 2010, à 152,6 millions, en 2060. Les plus de 80 ans, notamment, qui représentaient 5% de la population totale en 2010, verront leur taux augmenté de plus de deux fois, atteignant près de 12%, en 2060. Selon les estimations (2), alors qu’aujourd’hui, en Union européenne, il correspond 4 personnes en âge de travailler (15 à 64 ans) à 1 personne retraitée de plus de 65 ans, en 2060, il n’existera que 2 personnes par retraité (Negreponti-Delivanis 2018).  

Ic. La destruction de la classe moyenne
Au-delà des  modifications  d’ordre quantitatif qui devraient toucher la population des économies développées dans les années à venir, l’on constate également un changement d’ordre qualitatif dont les effets sont particulièrement préjudiciables et, ce, non pas uniquement pour le fonctionnement de l’économie mais aussi pour le fonctionnement institutionnel. Nous faisons ici allusion à l’anéantissement de la classe moyenne, en raison de deux décennies de faible croissance, voire, de stagnation, mais aussi de la restriction de l’État providence. L’importance de la classe moyenne pour l’économie réside principalement dans le fait que ses membres préfèrent les biens et les services de leur pays, ce qui entraîne la croissance. Et, de façon générale, du point de vue de la gouvernance d’un pays, l’existence d’une classe moyenne représentant près de 30% de la population assure une gouvernance démocratique satisfaisante qui limite de façon déterminante les privilèges des très riches. Toutefois, le maintien, l'expansion et la croissance de la classe moyenne exige un progrès continu et non pas la stagnation ou la croissance anémique qui, malheureusement, sont prévues pour les années à venir, pour les économies occidentales développées. Sa formation et son maintien exigent un revenu d’au moins 10$ par personne et par jour. Cela permet à ses membres de se situer près de la moyenne de la distribution du revenu. Ils sont ainsi en mesure de planifier leur avenir, de faire face aux problèmes liés à la conjoncture - telle que la perte de l’emploi, un problème de santé ou la faillite d’une petite entreprise - sans être contraints de modifier radicalement leur mode de vie. La crise économique et financière, combinée aux mauvais choix posés en matière de politique économique, d’abord en Europe mais aussi aux USA et dans le reste du monde, eurent entre autres pour effet l’anéantissement de la classe moyenne. C’est bien ce que révèlent les données suivantes :
*          En Grande- Bretagne, pour la période 1980-2010, l’on a enregistré une hausse de 60% des ménages pauvres et de 33% des ménages riches. Il en a résulté une diminution de 27% des ménages de la classe moyenne (Boffey).
*          Une étude menée en 2016 et portant notamment sur les économies de l’UE constate qu’entre 1980 et 1990, la classe moyenne s’est effondrée. Cet effondrement est directement lié à l’explosion des inégalités dans la répartition du revenu, observée au cours de cette même période (Commission européenne – OIT).
      Ce développement est dangereux de plusieurs points de vue : il encourage les attitudes extrémistes, qui déstabilisent les économies et pour la prévention desquelles aucun effort n’a été consenti.
1d. Déplacements massifs de populations vers l’Europe
De la même façon passive dont ils abordent la question de la catastrophe de l’environnement, les néolibéraux abordent celle de la migration : ils attendent que quelque « main invisible » rétablisse l’ordre.
Selon certaines estimations (3), près de 250 millions de personnes vivent et travaillent loin du pays où elles sont nées. Près de 78 millions d’entre elles vivent en Europe. Ces déplacements de populations sont dus à des conflits armés locaux mais aussi au fait qu’un nombre croissant de personnes souhaitent vivre dans de meilleures conditions. Les problèmes multifacettes et insolubles créés par ces déplacements et, surtout, la recherche des modalités de leur traitement, sont dans une large mesure à l’origine de la création des nouveaux partis politiques qui ont inondé l’Europe, entre autres, et sont dorénavant connus sous l’étiquette dévalorisante de « partis populistes. » Pour les années 2014, 2015 et 2016, l’on estime que ces arrivées, en Europe, s’élevaient à près d’un million et demi.
L’Europe vieillit et ne renouvelle plus ses générations. En revanche, elle accueille une migration massive issue du Moyen Orient, d’Afrique et d’Asie, qui remplacera les européens autochtones et qui sont porteurs de cultures dont les valeurs sont radicalement différentes concernant les relations entre les deux sexes, le pouvoir politique, la Démocratie, la culture, l’économie et les rapports au divin. Cette situation particulièrement dangereuse pour l’Europe est ainsi résumée (Meotti) :
            * « La baisse suicidaire de la natalité européenne, combinée à la hausse rapide du nombre des migrants, entraînera une mutation de la culture européenne. La baisse du taux de natalité des européens autochtones coïncide, en réalité, avec l’institution de l’Islam en Europe et le renouvellement de l’islamisation de ses musulmans » (Coleman).
            * En outre, Lord Sacks affirme, à ce propos : « La baisse de la natalité pourrait signifier la fin de l’Occident. »
            * Enfin, le cardinal Raymond Leo Burke prévoit que « l’Islam dominera l’Europe en raison de la foi et du taux de natalité. »
            Face à ce problème qui menace d’anéantir l’Europe, l’UE s’avère incapable de trouver une solution. Ainsi, confrontée à la gravité de la situation, elle tente de se justifier en affirmant, entre autres, que « dans un avenir proche, l’Europe aura besoin de main-d’œuvre » ou, encore, que « les sociétés mixtes atteignent un meilleur niveau de vie. » Par conséquent, il semble inévitable de renvoyer au sombre projet de Coudenhove Kalergi qui fut le premier, au début du 19e siècle, à soutenir la création de l’Europe unie. Selon ce projet, l’Europe unie devait ouvrir ses frontières et recevoir en son sein, sans discrimination, tous les peuples de la Terre, afin que sa population change et ressemble à celle de l’ancienne Égypte (Kalergi), assurant une main-d’œuvre bon marché à l’Amérique.         Il est difficile de se prononcer avec certitude sur la question de savoir si, de nos jours, le projet Kalergi est effectivement mis en œuvre ou s’il s’agit simplement d’une théorie complotiste de plus. Il n’en reste pas moins que l’altération destructive imminente de la population européenne et, par conséquent, de l’Europe est une réalité. Et, cela se produit de façon à faire de cet ancien projet, depuis longtemps oublié, une question d’actualité. En effet, à présent, « les peuples européens prennent conscience du fait que leur culture est un  en danger, principalement en raison d’un libertarianisme irréfléchi, d’une idéologie qui, sous le masque de la liberté, vise à détruire tous les liens qui relient l’homme à sa famille, ses proches, son travail, son histoire, sa religion, sa langue, sa Nation, sa liberté. Cette attitude semble provenir d’une inertie qui conduit à l’indifférence face à la question de savoir si l’Europe réussira ou sera détruite, si notre culture disparaîtra, noyée dans le chaos ethnique ou si elle sera spoliée par une nouvelle religion venant du désert » (Metteo). « Le flux sans entraves des migrants et réfugiés devrait être considéré, après la globalisation et le libéralisme extrême, comme la dernière étape du parcours vers l’instauration de la gouvernance mondiale de notre planète » (Negreponti-Delivanis 2014).   
   
Partie 2. Les causes
Comme indiqué à l’Introduction, deux sont les groupes de facteurs qui ont entraîné l’érosion démographique et l’altération des populations d’Europe. Le premier groupe inclut les processus de succession de cultures, qui évoluent sur le long terme. Bien qu’ils soient dominants et qu’ils déterminent grandement toutes les autres, nous n’en traiterons pas dans le présent article (Negreponti-Delivanis, 2018). En revanche, nous analyserons ici le second groupe de facteurs où dominent la globalisation et ses choix extrêmes qui ont renforcé et accéléré les altérations des populations européennes et de leurs particularités.

2a. La globalisation
            En premier lieu, soulignons que les effets dramatiques de l’instauration de la globalisation auraient été sensiblement limités, si elle n’avait pas été accompagnée d’une forme extrême de libéralisme. Ainsi que le montrent les developpements , c’est précisément cette combinaison pernicieuse qui aboutit au contenu en grande partie imprécis de la globalisation qui nous accompagna pour près de 50 ans et qui, dorénavant, comme tout semble l’indiquer, nous quitte. Entre autres nombreux effets, la globalisation a neutralisé le rôle des gouvernements nationaux. Ceux-ci ont cédé la majeure partie de leurs prérogatives à la « main invisible » qui, prétendument, régule les marchés. Rappelons, en outre, que dans le cadre de l’UE et de la zone euro, la politique macroéconomique commune imposée aux États membres ne laisse pas de marges de mise en œuvre de politiques économiques nationales. Ce régime chaotique eut pour effet, en fin de compte, des foules de vaincus et très peu de vainqueurs.  En recherchant l’effet le plus négatif et, dans l’ensemble, le plus dangereux de la globalisation –d’où partent et où aboutissent la quasi-totalité de ses effets négatifs individuels – l’on aboutit à celui de l’exacerbation des inégalités de répartition, à tous les niveaux, qui est combinée à l’impossibilité (ou au manque de volonté) des gouvernements de les résoudre.
2b. La chute de la part du travail dans la fonction de Cobb-Douglas
Parmi les nombreuses facettes de la répartition du revenu, nous insisterons sur la facette fonctionnelle  celle  qui est la plus pertinente du point de vue du contexte et des exigences du présent article. En effet, nous souhaitons souligner en ce point l’effet négatif de la diminution de la part du travail dans le PIB des économies de l’OCDE sur les évolutions démographiques indésirables qui, combinées à plusieurs autres développements, marginalisent l’Occident sur l’échiquier mondial. La théorie  néoclassique considère cette part comme invariable, sur le long terme, dans la fonction Cobb-Douglas. Et, elle l’était effectivement, jusqu’aux années 1980, c'est-à-dire, jusqu'au moment où la globalisation s’est imposée. Ainsi, le travail représentait une part égale à près de 70% du PIB. Toutefois, toutes les recherches qui portent sur la période 1976-2006 constatent une baisse importante, incluant les salaires indirects. Elle serait de l’ordre de 5,7, voire, de 8,8 points (4).
Par ailleurs, selon des estimations réalisées entre 1999 et 2007 au niveau mondial, la productivité des travailleurs a augmenté de 30%, tandis que les salaires réels, eux, n’ont augmenté que de 18% (Artus et Virard). Cette chute verticale de la part du travail dans le PIB des économies développées, au bénéfice des profits, fut également accompagnée d’une vague de réformes qui eut pour effet la restriction des mesures de protection des travailleurs. Cette restriction fut principalement constatée dans les pays de l’UE et notamment dans les économies endettées du Sud européen, de sorte qu’il n’est pas excessif d’avancer que le travail est sous persécution (Negreponti-Delivanis, 2007).
Le coup de grâce porté aux travailleurs des économies européennes fut donné par l’abolition des frontières nationales, en raison de la globalisation. Ainsi, des millions de migrants provenant d’économies moins développées affluèrent en Europe. Cela entraîna une baisse ultérieure du niveau général des salaires. Au même moment, l’UE choisissait ou excluait des politiques, aggravant ainsi ses problèmes déjà épineux. En résumé, ces politiques sont les suivantes :
*          La préférence fanatique pour l'austérité, justifiée par la crainte excessive de l’inflation mais pas par celle de la déflation. Malheureusement, cette politique a entraîné l’Europe dans un état de stagnation prolongée et d’inflation tellement faible que réaliser l’équilibre aussi bien général que monétaire ne soit pas possible. La stagnation économique séculaire est, en premier lieu, due à la maturation du capitalisme. En effet, celui-ci a besoin d’une quantité décroissante des deux principaux facteurs de production. En outre, il aboutit à une productivité plus faible ou à une productivité qui, étant principalement liée aux services, n’est pas aisément mesurable (Negreponti-Delivanis, 2016). Toutefois, l’on reconnaît dorénavant sans conteste que l’austérité, mise en œuvre principalement dans l’UE, est responsable du fait que « aucun pays ne s’en est bien sorti. »
*          La poursuite de l’exclusion de la politique budgétaire, qui a commencé dans les années 1970, et l’application unilatérale de la politique monétaire, bien que celle-ci s’avéra insuffisante lors de la grande crise économique de 1929-1933. Le fait qu’elle ait été privée de cette politique budgétaire, ne permit pas à l’Europe de compenser par des dépenses publiques la faible dépense privée, en période de récession. 
*          La mise en œuvre de politiques de plein-emploi fut sciemment abandonnée. En revanche, les formes atypiques d’emploi furent encouragées.

*          La réduction de la taille de l’État et l’effort d’en neutraliser le rôle dans l’économie. Cela entraîna, en substance, la neutralisation du rôle redistributif de l’État. Ainsi, les réformes fiscales successives limitèrent fortement le caractère progressif des impôts et les possibilités de redistribution de l’État providence. Il en résultat inévitablement une hausse encore plus prononcée des inégalités de répartition des revenus (Krugman). Combinée au libéralisme extrême, la globalisation est par principe hostile aux impôts, puisqu’elle considère que le rôle interventionniste de l’État est préjudiciable.
*          La prétendue politique de lutte contre l’évasion fiscale était, en fin de compte, hypocrite et sélective (Ch. Ch.). En effet, depuis plusieurs années, l’UE annonce adopter des mesures contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux. Toutefois, selon certaines estimations, la première continue d’augmenter tandis que les mesures qui sont prises de temps à autres soulèvent plusieurs questions quant à leur objectivité et efficacité. Avec la globalisation, tant les paradis fiscaux que la corruption se sont développés à un degré dorénavant immaîtrisable. Cette tolérance prolongée dont les gouvernements font preuve à l’égard de l’évasion fiscale et des paradis fiscaux exacerbe les inégalités de répartition du revenu, limite les recettes publiques et entraîne la paupérisation de grands groupes sociaux.
         Les effets de cette mosaïque disparate de choix néolibéraux qui dominent depuis quelques décennies peuvent, sans exagération, être qualifiés de négatifs et de particulièrement dangereux. Et ils ne le sont pas uniquement pour l’économie mais aussi pour la société, l’éthique et les institutions. Ils ont accéléré l’émergence et l’établissement d’évolutions démographiques dangereuses, en Europe.
    Les maux subis par les peuples d’Europe en raison de ces choix politiques mauvais et dangereux sont ainsi résumés de façon excellente : « En raison de leurs choix politiques, les gouvernements de la zone euro ont plongé des millions de citoyens dans une récession comparable à celle des années 1930. Il s’agit d’une des pires catastrophes économiques autoproduites jamais survenues » (Tooze).
           

Partie 3. Les effets
Comme nous l’avons souligné plus haut, le problème de la dénatalité en Europe, combiné au vieillissement de la population, est principalement le résultat de facteurs tant inévitables que conjoncturels, telle que l’absence d'adoption des mesures nécessaires qui auraient permis de les résoudre en temps utile. Dorénavant, l’Europe est confrontée à un dilemme implacable : subir sa marginalisation, au sein de la population mondiale croissante, ou bien continuer à accueillir des migrants, chose qui entraînera à long terme sa disparition en tant qu’Europe.  La prise de conscience progressive de ce danger mortel par les peuples européens augmente la probabilité de voir imposer des contrôles aux frontières afin d’endiguer le flux de migrants à destination de l’Europe, dans un avenir proche. En outre, le retrait de la globalisation, qui est accompagné de la montée d’un certain nationalisme, renforce la première possibilité dont nous traiterons dans la troisième et dernière partie du présent article.
3a. Le vieillissement de la population
 Le vieillissement implique, entre autres, que les gens vivront plus longtemps. Mais, outre la satisfaction que procure la longévité prolongée, il sera nécessaire de traiter des nombreux problèmes que cela implique (Nagarajan et al.). Bien que les prévisions des études pertinentes n’aboutissent pas toujours aux mêmes conclusions quant aux effets du vieillissement sur les économies individuelles, nous traiterons ici de ceux qui semblent être les plus probables. Un effet attendu est que le vieillissement de la population limitera la demande dans le domaine de l’éducation et l’augmentera dans celui des services de santé. Ensuite, la baisse de la population active, en tant que part de la population totale, réduira le revenu par rapport au revenu potentiel, ainsi que les recettes fiscales. De plus, les économies à population vieillissante rencontreront des difficultés à attirer des IDE (5), en raison de leur capacité limitée de produire de la richesse. En effet, les économies à population vieillissante sont exposées au risque de créer des déficits en raison, d’une part, des besoins élevées en dépenses publiques destinées aux services de santé, et, d’autre part, des faibles possibilités de réaliser des recettes fiscales.     En outre, en ce qui concerne la croissance, les conclusions et les prévisions logiques sont négatives puisqu’elles vont dans le sens d’une diminution de la tendance à la consommation de biens et de services non liés à la santé et d’une augmentation de la tendance à l’épargne.
3b. La baisse du taux de croissance
La baisse de la population active implique une baisse de l’accumulation de capital par travailleur et, par conséquent, une baisse de la productivité. Une enquête menée sur les économies de l’OCDE aboutit à la conclusion (à la seule exception de la Turquie) que le vieillissement de la population aura des effets négatifs sur la croissance (Program). Bien que cette conclusion générale semble évidente, il n’existait pas à ce jour d’études procédant à l’estimation du taux de baisse du taux de croissance, en tant qu’effet du vieillissement de la population. C’est précisément ce qu’entreprend une étude récente. S’appuyant sur des études empiriques portant sur des états américains et sur la période 1980-2010, les chercheurs concluent qu’une hausse de 10% de la partie de la population de plus de 60 ans entraîne une baisse de la croissance de 5,5% per capita. Les deux tiers de cette baisse sont attribués à la baisse de la productivité du travail tandis que le tiers restant est attribué au ralentissement de la modification de la population active (Maestas et al.).
3c. La croissance accélérée s’éloigne de l’Occident
Entre autres effets, les variations démographiques entraînent le déplacement des régions qui, dans l’avenir immédiat, soutiendront la croissance mondiale. Ces régions n’appartiendront plus à l’Europe ni, plus généralement, à l’Occident qui, selon plusieurs indices, sont menacés de stagnation séculaire. Ainsi, l’on prévoit (McKinsey) que, dans les dix années à venir, près de 50% de la hausse du revenu mondial seront assurés par 440 villes et régions à croissance accélérée d’Asie et d’autres régions émergentes du monde. En même temps, selon la même source de prévisions, dans ces villes et régions, un milliard de personnes disposeront d’un revenu quotidien supérieur à 10$ et, par conséquent, feront partie des classes moyennes. Si à l’Occident la classe moyenne, le moteur du progrès de toute économie, est décimée, son poids spécifique augmente, au niveau mondial.
3d. Les effets négatifs de la baisse de la part du travail dans le PIB
Comme nous l’avions relevé au point 2Β, il est estimé que cette baisse a entraîné celle de la consommation et des investissements (Rocard). Ainsi, 100, voire, 200 trillions $ auraient été retirés de la consommation et, dans un degré important, des investissements. Et, ce, sur la base de l’hypothèse selon laquelle ce transfert du revenu du travail vers le capital est principalement dirigé vers les biens de luxe qui ne promeuvent pas suffisamment la croissance. Parmi les effets négatifs du transfert du revenu du travail vers le capital, il conviendra de comptabiliser également les avantages fiscaux dont bénéficient largement les riches et les très riches ainsi que l’évasion fiscale qui est le fait de ceux-ci et dont le fruit n’est pas orienté vers la consommation, les investissements productifs ou l’innovation.
Conclusion 
Selon les estimations, au niveau mondial, la présence de réfugiés et de migrants entraîne une hausse du PIB de 6,7 trillions $ par an, correspondant à 9% de celui-ci. Cette hausse, pour l’Europe équivaut à 1/3 du PIB (McKinsey).
            Par conséquent, la question se pose spontanément de savoir si les risques à long terme con cernant la perte de l’existence nationale, notamment pour l’Europe, pourraient être omis au bénéfice de la réalisation d’objectifs purement financiers, telle que la réalisation d’un PIB plus élevé ετ et la résolution du problème de pénurie de main-d’œuvre.
            Il est clair qu’il existe deux réponses diamétralement opposées à cette question. La première, qui semble dominer pour l’instant et, à tout le moins, aussi longtemps que se poursuit le déplacement massif de populations vers l’Europe, omet les préoccupations qui portent sur le besoin de respecter les frontières nationales et de préserver les particularités des peuples européens. Elle défend tous les avantages que comporte, selon son appréciation, l’idée de la gouvernance mondiale. En revanche, la seconde apparaît paniquée à l’idée de la perte de l’identité et de la souveraineté nationales, de la langue, de l’histoire et de la culture ainsi qu’à celle de la mutation de la race européenne en un mélange de races d’autres ethnies. À présent, il n’est pas clair laquelle de ces deux visions du monde l’emportera. À condition qu’il se poursuive, le retrait de la globalisation plaide en faveur du retour à l’état-nation. Cependant, cette question qui revêt une importance majeure exige de chacun d’entre nous d’y réfléchir.
 (a)    Bon nombre des idées traitées dans le présent article ont été exposées dans  l’ouvrage de Maria Negreponti-Delivanis intitulé Το τέλος της οικονομικής κυριαρχίας της δύσης και η εισβολή της Ανατολής (La fin de la dominance de l’Occident et l’invasion de l’Orient).

Bibliographie sélectionnée
* P.Artus, P., et Virard M.P. (2008), Globalisation, le pire est à venir, La Découverte, Paris, p. 33

 *Boffey, Daniel (2015), "How 30 years of a polarised economy have squeezed out the middle class", The Guardian, 07/03

* Ch.Ch. (2018) "Une déception attendue", Alternatives Économiques, janvier, n° 375

* Coleman’ David (2017) "Immigration and Ethnic Change in Low -Fertility Countries: A third Demographic Transition" https://kostasxan.blogspot.com/2017/12/1922.html

* Emke-Poulopoulou, Héra (2018), Ο πληθυσμός της Ελλάδας υπό διωγμό (La population de Grèce sous persécution, en langue grecque), éd. Vogiatzi, sous l’égide de la Société hellénique des études démographiques (EDIM)
* Hansen, Alvin (1938), Full recovery or Stagnation, New York
KalergiCoudenhove, «Η γενοκτονία των λαών της Ευρώπης» (Le génocide des peuples d’Europe)L’article a été traduit de l’italien en grec par Eleftherios Anastasiadis. Il avait été publié sur le site «Identità». Republié par olympiada le 8 août 2015. Du blog http://theodotus.blogspot.gr)
* Krugman, Paul (2008). Conférence de presse à la Revue Alternatives Économiques, octobre
* Nicole Maestas, Nicole, Kathleen J. Mullen and David Powell (2016), “The Effect of Population Aging on Economic Growth”, The Labor Force and Productivity, by RAND Labor and Population, August
*Mc Kinsey Global Institute
* Nagarajan, Renuga CEF.UP "The impact of population ageing on economic growth: an in-depth bibliometric analysis", Faculdade de Economia, Universidade do Porto Aurora A.C. Teixeira CEF.UP, Faculdade de Economia, Universidade do Porto; INESC Porto, OBEGEF Sandra Silva CEF.UP, Faculdade de Economia, Universidade do Porto
Negreponti-DelivanisMaria (2007), Μεταρρυθμίσεις, Το ολοκαύτωμα των εργαζομένων στην Ευρώπη, (RéformesL’holocauste des travailleurs en Europe, en langue grecque) Fondation Delivanis et éditions Livanis
*Negreponti-Delivanis, Maria (2013) « La fin de la zone euro: Le Nord de l'Europe contre son Sud ». Economic Integration, Competition and Cooperation, Conference Proceedings Editors: Vinko Kandžija Andrej Kumar, University of Rijeka, pp. 371-387

*Negreponti-Delivanis, Maria (2014) L’assassinat économique de la Grèce et le dernier recours : la drachme, CEDIMES  L'Harmattan, Paris

*Negreponti-Delivanis, Maria (2018),Το τέλος της οικονομικής κυριαρχίας της Δύσης και η εισβολή της Ανατολής (La fin de la dominance de l’Occident et l’invasion de l’Orient, en langue grecque), Fondation Delivanis et Ianos, Athènes, pp.85 et suiv.
Program on the global demography of aging, Working Paper Series Population Aging and Economic Growth David E. Bloom David Canning Gόnther Fink, avril 2008, PGDA Working Paper No. 31 http://www.hsph.harvard.edu/pgda/working.htm

* Rocard, Michel (2015), Suicide de l'Occident, Suicide de l'Humanité, Flammarion, Paris, p. 38

* Summers Lawrence (2013), “Why Stagnation Might Prove To Be The New Normal”, Financial Times, 15, 12
* Tooze, Adam (2018), Crashed: How a Decade of Financial Crises Changed the World, Penguin Books, New York


Notes
(1) La vie de chaque culture dure 200-250 ans
(2) Selon l’exposé des motifs de la proposition de la Commission européenne relative à « l’année européenne du vieillissement actif 2012» (COM (210) 462/06.09.2010) et sur la base des données et des prévisions d’Eurostat.

(3) Organisation des Nations Unies (2017)
(4) Les données de la Réserve fédérale des USA et de la Commission européenne aboutissent à des conclusions similaires à celles de l’enquête initiale de l’OCDE

(5) Investissements directs étrangers



Les dangereuses évolutions démographiques renforcent l’image de déclin de l’Europe (a) Les dangereuses évolutions démographiques renforcent l’image de déclin de l’Europe (a)  Reviewed by Μαρία Νεγρεπόντη - Δελιβάνη on Ιανουαρίου 21, 2020 Rating: 5

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