Les dangereuses évolutions démographiques renforcent l’image de déclin de l’Europe (a)
Par
Maria Negreponti-Delivanis et Ioana Panagoret, 29.11.2019
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Introduction
Au
cours des cinq dernières décennies, plusieurs indicateurs et développements
témoignent du déclin que connaît l’Occident. Ainsi, en premier lieu, l’on
accepte généralement l’hypothèse selon laquelle le temps de la civilisation
occidentale est dorénavant épuisé (1) tandis qu’en même temps il en émerge une
nouvelle, celle de l’Orient, qui vient occuper la place de celle qui s’efface.
En deuxième lieu, l’on constate une forme inédite et extrême de capitalisme qui
menace déjà de stagnation séculaire (Hansen, Summers) les économies occidentales développées.
Quelques-unes
des caractéristiques de ce déclin, qui apparaît plus prononcé en Europe par
comparaison aux USA, sont la corruption, l’éloignement des peuples de leurs
racines, telles que la religion, l’histoire, l’identité nationale, fondements
de toute civilisation, mais aussi la dénatalité, les flux massifs de migrants
et de réfugiés, la tendance totalitaire des gouvernements, etc.
Dans
le présent article, parmi la multitude des indices de déclin, nous isolerons,
afin de les analyser, certaines évolutions démographiques constatées
principalement en Europe et que nous considérons comme dangereuses sous
plusieurs aspects. Il s’agit d’évolutions qui, comme tout semble l’indiquer,
accélèrent l’arrivée de la fin de la civilisation occidentale. Nous
soutiendrons qu’il s’agit d'évolutions en principe inévitables qui, en même
temps, sont renforcées par des facteurs négatifs dont la globalisation est le
plus important.
Dans
la première partie de notre article, nous présenterons les tendances et les
variations de base, du point de vue de la population, dont nous estimons
qu’elles sont déterminantes quant à l’avenir de l’Europe. Dans la deuxième
partie, nous explorerons les principales causes de ces variations
démographiques. Dans la troisième partie, nous présenterons les effets
les plus significatifs des variations de population. Enfin, nous présenterons
les conclusions générales de cette étude.
Partie
1.Modifications et évolutions démographiques
Une
partie importante de l’analyse interprétative de cette étape peu souhaitable de
la stagnation séculaire s’appuie sur l’érosion démographique, le
vieillissement de la population, la baisse du taux de la classe moyenne sur la
population générale ainsi que l’invasion des migrants et réfugiés qui modifient
les cultures des nations d’accueil. Des évolutions analogues sont
constatées dans bon nombre des économies avancées. Toutefois, elles apparaissent
dramatiques dans le cas de l’Europe. Les principales d’entre elles peuvent être
résumées comme suit :
1a.
L’érosion de la population de l’Occident et, notamment, d’Europe, par rapport à
la population mondiale
La
population mondiale devrait atteindre les 8 milliards, en 2030, contre les 7,3
milliards actuels. En 2050, elle atteindrait 8 milliards et, en 2100, 11,2
milliards. Ainsi, selon les estimations, en 2100, la population mondiale aura
présenté une hausse de 50% par rapport au chiffre actuel. Toutefois, l’Europe
et l’Asie orientale verront leur population baisser, contrairement aux USA où
l’on prévoit une hausse. Mais, une hausse déterminante de la population aurait
lieu dans les économies en développement et, selon certaines estimations, atteindra
près de quatre milliards.
En
dépit de la hausse limitée prévue pour la population des USA, son taux sur la
population mondiale, combiné à celui de l’UE, ne dépassera pas 9%, en 2025. En
outre, dès 2016, la population de l’Asie représente, respectivement, 50% de la
population mondiale.
Du
point de vue de la natalité, les pays de l’UE peuvent être classés en trois
catégories (Emke-Poulopoulou) :
A)
Les pays qui assurent une natalité dont le niveau permet le remplacement des
générations. En 1980, seules la Grèce, l’Espagne et l’Irlande atteignaient ce
niveau. En 1990, seule l’Irlande y arrivait tandis que, pour la période 2000 -
2015, aucun des pays de l’UE n’assurait le remplacement des générations.
Β)
Les pays pris au piège de la faible natalité. Il s’agit des pays dont le taux
de natalité varie entre 1,4 et 1,5 enfants par femme. Ces pays sont
l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et l’Autriche.
C)
Enfin, les pays présentant une natalité
particulièrement faible. Cela signifie près de ou moins d’1,3 enfant par femme.
En 2015, les pays qui se trouvaient dans cette position, dangereuse pour leur
avenir, étaient la Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Espagne. C'est-à-dire, le
malheureux Sud européen (Negreponti-Delivanis 2013).
Le
diagramme 1 suivant présente le problème de la dénatalité en Europe.
Diagramme
1. La dénatalité en Europe, 2006-2013
Source :
OCDE. « Main Economic indicators-complete database” http://dx.doi.org/10.1787/
data-00052-en (accès le 6 août 2014) Copyright, 2014, OCDE,
Reproduit avec autorisation
Dans
les années à venir, l’Europe se marginalise au sein de l’économie mondiale, en
premier lieu en raison de la dénatalité qui a plusieurs effets économiques et
sociaux, ainsi que nous le constaterons par la suite.
1b.
Le vieillissement de la population européenne
Plus
menaçant que la dénatalité des économies développées s’avère le vieillissement
de leur population. Selon les prévisions moyennes de l’ONU, le nombre des plus
de 65 ans dépassera les 600 millions et atteindra, en 2100, les 2,5 milliards
de personnes. Cela signifie que leur nombre devrait presque doubler, par comparaison
au chiffre actuel. Bien entendu, le problème du vieillissement de la population
ne concerne pas uniquement les économies développées, comme on tend à penser.
En effet, plusieurs zones émergentes du monde, telle que la Chine, l’Inde, les
Caraïbes, l’Afrique du Sud, le Liban, le Maroc et l’Iran, relèvent de cette
catégorie.
Le
vieillissement de la population est constaté dans la baisse du taux du groupe
d’âges de 15 à 64 ans qui, de 67% en 2010, est passé à 56,2% en 2060. Cela
signifie que, dans les 50 années à venir, la population active subira une
baisse de l’ordre de 42 millions de personnes. D’ici 2030, ces modifications
résulteront en une hausse dramatique des 65 ou plus qui, de 17,4%, devrait
passer à 25,6% de la population totale. Pour résumer ces variations
concernant la population européenne vieillissante, selon les prévisions,
celle-ci sera quasiment multipliée par deux, passant de 87,5 millions, en 2010,
à 152,6 millions, en 2060. Les plus de 80 ans, notamment, qui représentaient 5%
de la population totale en 2010, verront leur taux augmenté de plus de deux
fois, atteignant près de 12%, en 2060. Selon les estimations (2), alors
qu’aujourd’hui, en Union européenne, il correspond 4 personnes en âge de
travailler (15 à 64 ans) à 1 personne retraitée de plus de 65 ans, en 2060, il
n’existera que 2 personnes par retraité (Negreponti-Delivanis 2018).
Ic.
La destruction de la classe moyenne
Au-delà
des modifications d’ordre quantitatif qui
devraient toucher la population des économies développées dans les années à
venir, l’on constate également un changement d’ordre qualitatif dont les effets
sont particulièrement préjudiciables et, ce, non pas uniquement pour le
fonctionnement de l’économie mais aussi pour le fonctionnement institutionnel. Nous
faisons ici allusion à l’anéantissement de la classe moyenne, en raison de deux
décennies de faible croissance, voire, de stagnation, mais aussi de la
restriction de l’État providence. L’importance de la classe moyenne pour
l’économie réside principalement dans le fait que ses membres préfèrent les
biens et les services de leur pays, ce qui entraîne la croissance. Et, de façon
générale, du point de vue de la gouvernance d’un pays, l’existence d’une classe
moyenne représentant près de 30% de la population assure une gouvernance
démocratique satisfaisante qui limite de façon déterminante les privilèges des
très riches. Toutefois, le maintien, l'expansion et la croissance de la classe
moyenne exige un progrès continu et non pas la stagnation ou la croissance
anémique qui, malheureusement, sont prévues pour les années à venir, pour les
économies occidentales développées. Sa formation et son maintien exigent un
revenu d’au moins 10$ par personne et par jour. Cela permet à ses membres de se
situer près de la moyenne de la distribution du revenu. Ils sont ainsi en
mesure de planifier leur avenir, de faire face aux problèmes liés à la
conjoncture - telle que la perte de l’emploi, un problème de santé ou la
faillite d’une petite entreprise - sans être contraints de modifier
radicalement leur mode de vie. La crise économique et financière, combinée aux
mauvais choix posés en matière de politique économique, d’abord en Europe mais
aussi aux USA et dans le reste du monde, eurent entre autres pour effet
l’anéantissement de la classe moyenne. C’est bien ce que révèlent les données
suivantes :
*
En Grande- Bretagne, pour la période 1980-2010, l’on a enregistré une hausse de
60% des ménages pauvres et de 33% des ménages riches. Il en a résulté une
diminution de 27% des ménages de la classe moyenne (Boffey).
*
Une étude menée en 2016 et portant notamment sur les économies de l’UE constate
qu’entre 1980 et 1990, la classe moyenne s’est effondrée. Cet effondrement est
directement lié à l’explosion des inégalités dans la répartition du revenu,
observée au cours de cette même période (Commission européenne – OIT).
Ce
développement est dangereux de plusieurs points de vue : il encourage les
attitudes extrémistes, qui déstabilisent les économies et pour la prévention
desquelles aucun effort n’a été consenti.
1d.
Déplacements massifs de populations vers l’Europe
De
la même façon passive dont ils abordent la question de la catastrophe de
l’environnement, les néolibéraux abordent celle de la migration : ils attendent
que quelque « main invisible » rétablisse l’ordre.
Selon
certaines estimations (3), près de 250 millions de personnes vivent et
travaillent loin du pays où elles sont nées. Près de 78 millions d’entre elles
vivent en Europe. Ces déplacements de populations sont dus à des conflits armés
locaux mais aussi au fait qu’un nombre croissant de personnes souhaitent vivre
dans de meilleures conditions. Les problèmes multifacettes et insolubles créés par ces déplacements
et, surtout, la recherche des modalités de leur traitement, sont dans une large
mesure à l’origine de la création des nouveaux partis politiques qui ont inondé
l’Europe, entre autres, et sont dorénavant connus sous l’étiquette
dévalorisante de « partis populistes. » Pour les années 2014, 2015 et
2016, l’on estime que ces arrivées, en Europe, s’élevaient à près d’un million
et demi.
L’Europe
vieillit et ne renouvelle plus ses générations. En revanche, elle accueille une
migration massive issue du Moyen Orient, d’Afrique et d’Asie, qui remplacera
les européens autochtones et qui sont porteurs de cultures dont les valeurs
sont radicalement différentes concernant les relations entre les deux sexes, le
pouvoir politique, la Démocratie, la culture, l’économie et les rapports au
divin. Cette situation particulièrement dangereuse pour l’Europe est ainsi
résumée (Meotti) :
* « La baisse suicidaire de la natalité européenne, combinée à la hausse
rapide du nombre des migrants, entraînera une mutation de la culture
européenne. La baisse du taux de natalité des européens autochtones coïncide,
en réalité, avec l’institution de l’Islam en Europe et le renouvellement de
l’islamisation de ses musulmans » (Coleman).
* En outre, Lord Sacks affirme, à ce propos : « La baisse de la
natalité pourrait signifier la fin de l’Occident. »
* Enfin, le cardinal Raymond Leo Burke prévoit que « l’Islam dominera
l’Europe en raison de la foi et du taux de natalité. »
Face à ce problème qui menace d’anéantir l’Europe, l’UE s’avère incapable de
trouver une solution. Ainsi, confrontée à la gravité de la situation, elle
tente de se justifier en affirmant, entre autres, que « dans un avenir
proche, l’Europe aura besoin de main-d’œuvre » ou, encore, que « les
sociétés mixtes atteignent un meilleur niveau de vie. » Par conséquent, il
semble inévitable de renvoyer au sombre projet de Coudenhove Kalergi qui fut le
premier, au début du 19e siècle, à soutenir la création de
l’Europe unie. Selon ce projet, l’Europe unie devait ouvrir ses frontières et
recevoir en son sein, sans discrimination, tous les peuples de la Terre, afin
que sa population change et ressemble à celle de l’ancienne Égypte (Kalergi),
assurant une main-d’œuvre bon marché à l’Amérique. Il
est difficile de se prononcer avec certitude sur la question de savoir si, de
nos jours, le projet Kalergi est effectivement mis en œuvre ou s’il s’agit
simplement d’une théorie complotiste de plus. Il n’en reste pas moins que
l’altération destructive imminente de la population européenne et, par
conséquent, de l’Europe est une réalité. Et, cela se produit de façon à faire
de cet ancien projet, depuis longtemps oublié, une question d’actualité. En
effet, à présent, « les peuples européens prennent conscience du fait que
leur culture est un en danger, principalement en
raison d’un libertarianisme irréfléchi, d’une idéologie qui, sous le masque de
la liberté, vise à détruire tous les liens qui relient l’homme à sa famille,
ses proches, son travail, son histoire, sa religion, sa langue, sa Nation, sa
liberté. Cette attitude semble provenir d’une inertie qui conduit à
l’indifférence face à la question de savoir si l’Europe réussira ou sera
détruite, si notre culture disparaîtra, noyée dans le chaos ethnique ou si elle
sera spoliée par une nouvelle religion venant du désert » (Metteo).
« Le flux sans entraves des migrants et réfugiés devrait être considéré,
après la globalisation et le libéralisme extrême, comme la dernière étape du
parcours vers l’instauration de la gouvernance mondiale de notre planète »
(Negreponti-Delivanis 2014).
Partie
2. Les causes
Comme
indiqué à l’Introduction, deux sont les
groupes de facteurs qui ont entraîné l’érosion démographique et l’altération
des populations d’Europe. Le premier groupe inclut les processus de succession
de cultures, qui évoluent sur le long terme. Bien qu’ils soient dominants et
qu’ils déterminent grandement toutes les autres, nous n’en traiterons pas dans
le présent article (Negreponti-Delivanis, 2018). En revanche, nous analyserons
ici le second groupe de facteurs où dominent la globalisation et ses choix
extrêmes qui ont renforcé et accéléré les altérations des populations
européennes et de leurs particularités.
2a.
La globalisation
En premier lieu, soulignons que les effets dramatiques de l’instauration de la
globalisation auraient été sensiblement limités, si elle n’avait pas été
accompagnée d’une forme extrême de libéralisme. Ainsi que le montrent les
developpements , c’est précisément
cette combinaison pernicieuse qui aboutit au contenu en grande partie imprécis
de la globalisation qui nous accompagna pour près de 50 ans et qui, dorénavant,
comme tout semble l’indiquer, nous quitte. Entre autres nombreux effets, la
globalisation a neutralisé le rôle des gouvernements nationaux. Ceux-ci ont
cédé la majeure partie de leurs prérogatives à la « main invisible »
qui, prétendument, régule les marchés. Rappelons, en outre, que dans le cadre
de l’UE et de la zone euro, la politique macroéconomique commune imposée aux
États membres ne laisse pas de marges de mise en œuvre de politiques
économiques nationales. Ce régime chaotique eut pour effet, en fin de compte,
des foules de vaincus et très peu de vainqueurs. En recherchant l’effet
le plus négatif et, dans l’ensemble, le plus dangereux de la globalisation
–d’où partent et où aboutissent la quasi-totalité de ses effets négatifs
individuels – l’on aboutit à celui de l’exacerbation des inégalités de
répartition, à tous les niveaux, qui est combinée à l’impossibilité (ou au manque
de volonté) des gouvernements de les résoudre.
2b.
La chute de la part du travail dans la fonction de Cobb-Douglas
Parmi
les nombreuses facettes de la répartition du revenu, nous insisterons sur la
facette fonctionnelle celle qui est la plus pertinente du point de
vue du contexte et des exigences du présent article. En effet, nous souhaitons
souligner en ce point l’effet négatif de la diminution de la part du travail
dans le PIB des économies de l’OCDE sur les évolutions démographiques
indésirables qui, combinées à plusieurs autres développements, marginalisent
l’Occident sur l’échiquier mondial. La théorie néoclassique considère
cette part comme invariable, sur le long terme, dans la fonction Cobb-Douglas.
Et, elle l’était effectivement, jusqu’aux années 1980, c'est-à-dire, jusqu'au
moment où la globalisation s’est imposée. Ainsi, le travail représentait une
part égale à près de 70% du PIB. Toutefois, toutes les recherches qui portent
sur la période 1976-2006 constatent une baisse importante, incluant les
salaires indirects. Elle serait de l’ordre de 5,7, voire, de 8,8 points (4).
Par
ailleurs, selon des estimations réalisées entre 1999 et 2007 au niveau mondial,
la productivité des travailleurs a augmenté de 30%, tandis que les salaires
réels, eux, n’ont augmenté que de 18% (Artus et Virard). Cette chute verticale
de la part du travail dans le PIB des économies développées, au bénéfice des
profits, fut également accompagnée d’une vague de réformes qui eut pour effet
la restriction des mesures de protection des travailleurs. Cette restriction
fut principalement constatée dans les pays de l’UE et notamment dans les
économies endettées du Sud européen, de sorte qu’il n’est pas excessif
d’avancer que le travail est sous persécution (Negreponti-Delivanis, 2007).
Le
coup de grâce porté aux travailleurs des économies européennes fut donné par
l’abolition des frontières nationales, en raison de la globalisation. Ainsi,
des millions de migrants provenant d’économies moins développées affluèrent en
Europe. Cela entraîna une baisse ultérieure du niveau général des salaires. Au
même moment, l’UE choisissait ou excluait des politiques, aggravant ainsi ses
problèmes déjà épineux. En résumé, ces politiques sont les suivantes :
*
La préférence fanatique pour l'austérité, justifiée par la crainte excessive de
l’inflation mais pas par celle de la déflation. Malheureusement, cette politique a entraîné
l’Europe dans un état de stagnation prolongée et d’inflation tellement faible que réaliser
l’équilibre aussi bien général que monétaire ne soit pas possible.
La stagnation économique séculaire est, en premier lieu, due à la maturation du
capitalisme. En effet, celui-ci a besoin d’une quantité décroissante des deux
principaux facteurs de production. En outre, il aboutit à une productivité plus
faible ou à une productivité qui, étant principalement liée aux services, n’est
pas aisément mesurable (Negreponti-Delivanis, 2016). Toutefois, l’on reconnaît
dorénavant sans conteste que l’austérité, mise en œuvre principalement dans
l’UE, est responsable du fait que « aucun pays ne s’en est bien
sorti. »
*
La poursuite de l’exclusion de la politique budgétaire, qui a commencé dans les
années 1970, et l’application unilatérale de la politique monétaire, bien que
celle-ci s’avéra insuffisante lors de la grande crise économique de 1929-1933.
Le fait qu’elle ait été privée de cette politique budgétaire, ne permit pas à
l’Europe de compenser par des dépenses publiques la faible dépense privée, en
période de récession.
* La mise en œuvre de
politiques de plein-emploi fut sciemment abandonnée. En revanche, les formes
atypiques d’emploi furent encouragées.
*
La réduction de la taille de
l’État et l’effort d’en neutraliser le rôle dans l’économie. Cela entraîna, en
substance, la neutralisation du rôle redistributif de l’État. Ainsi,
les réformes fiscales successives limitèrent fortement le caractère progressif
des impôts et les possibilités de redistribution de l’État providence. Il en
résultat inévitablement une hausse encore plus prononcée des inégalités de
répartition des revenus (Krugman). Combinée au libéralisme extrême, la
globalisation est par principe hostile aux impôts, puisqu’elle considère que le
rôle interventionniste de l’État est préjudiciable.
*
La prétendue politique de lutte contre l’évasion fiscale était, en fin de
compte, hypocrite et sélective (Ch. Ch.). En effet, depuis plusieurs années,
l’UE annonce adopter des mesures contre l’évasion fiscale et les paradis
fiscaux. Toutefois, selon certaines estimations, la première continue
d’augmenter tandis que les mesures qui sont prises de temps à autres soulèvent
plusieurs questions quant à leur objectivité et efficacité. Avec la
globalisation, tant les paradis fiscaux que la corruption se sont développés à
un degré dorénavant immaîtrisable. Cette tolérance prolongée dont
les gouvernements font preuve à l’égard de l’évasion fiscale et des paradis
fiscaux exacerbe les inégalités de répartition du revenu, limite les recettes
publiques et entraîne la paupérisation de grands groupes sociaux.
Les
effets de cette mosaïque disparate de choix néolibéraux qui dominent depuis
quelques décennies peuvent, sans exagération, être qualifiés de négatifs et de
particulièrement dangereux. Et ils ne le sont pas uniquement pour l’économie
mais aussi pour la société, l’éthique et les institutions. Ils ont accéléré
l’émergence et l’établissement d’évolutions démographiques dangereuses, en
Europe.
Les
maux subis par les peuples d’Europe en raison de ces choix politiques mauvais
et dangereux sont ainsi résumés de façon excellente : « En raison de
leurs choix politiques, les gouvernements de la zone euro ont plongé des
millions de citoyens dans une récession comparable à celle des années 1930. Il
s’agit d’une des pires catastrophes économiques autoproduites jamais
survenues » (Tooze).
Partie
3. Les effets
Comme
nous l’avons souligné plus haut, le problème de la dénatalité en Europe,
combiné au vieillissement de la population, est principalement le résultat de
facteurs tant inévitables que conjoncturels, telle que l’absence d'adoption des
mesures nécessaires qui auraient permis de les résoudre en temps utile.
Dorénavant, l’Europe est confrontée à un dilemme implacable : subir sa
marginalisation, au sein de la population mondiale croissante, ou bien
continuer à accueillir des migrants, chose qui entraînera à long terme sa
disparition en tant qu’Europe. La prise de conscience progressive de ce
danger mortel par les peuples européens augmente la probabilité de voir imposer
des contrôles aux frontières afin d’endiguer le flux de migrants à destination
de l’Europe, dans un avenir proche. En outre, le retrait de la globalisation,
qui est accompagné de la montée d’un certain nationalisme, renforce la première
possibilité dont nous traiterons dans la troisième et dernière partie du
présent article.
3a.
Le vieillissement de la population
Le
vieillissement implique, entre autres, que les gens vivront plus longtemps.
Mais, outre la satisfaction que procure la longévité prolongée, il sera
nécessaire de traiter des nombreux problèmes que cela implique (Nagarajan et
al.). Bien que les prévisions des études pertinentes n’aboutissent pas toujours
aux mêmes conclusions quant aux effets du vieillissement sur les économies
individuelles, nous traiterons ici de ceux qui semblent être les plus
probables. Un effet attendu est que le vieillissement de la population limitera
la demande dans le domaine de l’éducation et l’augmentera dans celui des
services de santé. Ensuite, la baisse de la population active, en tant que part
de la population totale, réduira le revenu par rapport au revenu potentiel,
ainsi que les recettes fiscales. De plus, les économies à population
vieillissante rencontreront des difficultés à attirer des IDE (5), en raison de
leur capacité limitée de produire de la richesse. En effet, les économies à
population vieillissante sont exposées au risque de créer des déficits en
raison, d’une part, des besoins élevées en dépenses publiques destinées aux
services de santé, et, d’autre part, des faibles possibilités de réaliser des
recettes fiscales. En outre, en ce qui concerne la
croissance, les conclusions et les prévisions logiques sont négatives
puisqu’elles vont dans le sens d’une diminution de la tendance à la
consommation de biens et de services non liés à la santé et d’une augmentation
de la tendance à l’épargne.
3b.
La baisse du taux de croissance
La
baisse de la population active implique une baisse de l’accumulation de capital
par travailleur et, par conséquent, une baisse de la productivité. Une enquête
menée sur les économies de l’OCDE aboutit à la conclusion (à la seule exception
de la Turquie) que le vieillissement de la population aura des effets négatifs
sur la croissance (Program). Bien que cette conclusion générale semble
évidente, il n’existait pas à ce jour d’études procédant à l’estimation du taux
de baisse du taux de croissance, en tant qu’effet du vieillissement de la
population. C’est précisément ce qu’entreprend une étude récente. S’appuyant
sur des études empiriques portant sur des états américains et sur la période
1980-2010, les chercheurs concluent qu’une hausse de 10% de la partie de la
population de plus de 60 ans entraîne une baisse de la croissance de 5,5% per
capita. Les deux tiers de cette baisse sont attribués à la baisse de la
productivité du travail tandis que le tiers restant est attribué au
ralentissement de la modification de la population active (Maestas et al.).
3c.
La croissance accélérée s’éloigne de l’Occident
Entre
autres effets, les variations démographiques entraînent le déplacement des
régions qui, dans l’avenir immédiat, soutiendront la croissance mondiale. Ces
régions n’appartiendront plus à l’Europe ni, plus généralement, à l’Occident
qui, selon plusieurs indices, sont menacés de stagnation séculaire. Ainsi, l’on
prévoit (McKinsey) que, dans les dix années à venir, près de 50% de la hausse
du revenu mondial seront assurés par 440 villes et régions à croissance
accélérée d’Asie et d’autres régions émergentes du monde. En même temps, selon
la même source de prévisions, dans ces villes et régions, un milliard de
personnes disposeront d’un revenu quotidien supérieur à 10$ et, par conséquent,
feront partie des classes moyennes. Si à l’Occident la classe moyenne, le
moteur du progrès de toute économie, est décimée, son poids spécifique
augmente, au niveau mondial.
3d.
Les effets négatifs de la baisse de la part du travail dans le PIB
Comme
nous l’avions relevé au point 2Β, il est estimé que cette baisse a entraîné
celle de la consommation et des investissements (Rocard). Ainsi, 100, voire,
200 trillions $ auraient été retirés de
la consommation et, dans un degré important, des investissements. Et, ce, sur
la base de l’hypothèse selon laquelle ce transfert du revenu du travail vers le
capital est principalement dirigé vers les biens de luxe qui ne promeuvent pas
suffisamment la croissance. Parmi les effets négatifs du transfert du revenu du
travail vers le capital, il conviendra de comptabiliser également les avantages
fiscaux dont bénéficient largement les riches et les très riches ainsi que
l’évasion fiscale qui est le fait de ceux-ci et dont le fruit n’est pas orienté
vers la consommation, les investissements productifs ou l’innovation.
Conclusion
Selon
les estimations, au niveau mondial, la présence de réfugiés et de migrants
entraîne une hausse du PIB de 6,7 trillions $ par an, correspondant à 9% de celui-ci. Cette
hausse, pour l’Europe équivaut à 1/3 du PIB (McKinsey).
Par conséquent, la question se pose spontanément de savoir si les risques à
long terme con cernant la perte de l’existence nationale, notamment pour
l’Europe, pourraient être omis au bénéfice de la réalisation d’objectifs
purement financiers, telle que la réalisation d’un PIB plus élevé ετ et la résolution du problème
de pénurie de main-d’œuvre.
Il est clair qu’il existe deux réponses diamétralement opposées à cette
question. La première, qui semble dominer pour l’instant et, à tout le moins,
aussi longtemps que se poursuit le déplacement massif de populations vers
l’Europe, omet les préoccupations qui portent sur le besoin de respecter les
frontières nationales et de préserver les particularités des peuples européens.
Elle défend tous les avantages que comporte, selon son appréciation, l’idée de
la gouvernance mondiale. En revanche, la seconde apparaît paniquée à l’idée de
la perte de l’identité et de la souveraineté nationales, de la langue, de
l’histoire et de la culture ainsi qu’à celle de la mutation de la race
européenne en un mélange de races d’autres ethnies. À présent, il n’est pas
clair laquelle de ces deux visions du monde l’emportera. À condition qu’il se
poursuive, le retrait de la globalisation plaide en faveur du retour à
l’état-nation. Cependant, cette question qui revêt une importance majeure exige
de chacun d’entre nous d’y réfléchir.
(a)
Bon nombre des idées traitées dans le présent article ont été exposées
dans l’ouvrage de Maria Negreponti-Delivanis intitulé Το τέλος
της οικονομικής κυριαρχίας της δύσης και η εισβολή της Ανατολής (La fin de la
dominance de l’Occident et l’invasion de l’Orient).
Bibliographie
sélectionnée
* P.Artus, P., et Virard M.P. (2008), Globalisation,
le pire est à venir, La Découverte, Paris, p. 33
*Boffey, Daniel (2015),
"How 30 years of a polarised economy have squeezed out the middle
class", The Guardian, 07/03
* Ch.Ch. (2018) "Une déception attendue", Alternatives
Économiques, janvier, n° 375
* Coleman’ David (2017) "Immigration and Ethnic Change in Low -Fertility
Countries: A third Demographic Transition" https://kostasxan.blogspot.com/2017/12/1922.html
*
Emke-Poulopoulou, Héra (2018), Ο πληθυσμός της Ελλάδας υπό διωγμό (La population
de Grèce sous persécution, en langue grecque), éd. Vogiatzi, sous
l’égide de la Société hellénique des études démographiques (EDIM)
*
Hansen, Alvin (1938), Full recovery or Stagnation, New York
* Kalergi, Coudenhove, «Η γενοκτονία των λαών της Ευρώπης» (Le génocide des peuples d’Europe). L’article a été traduit
de l’italien en grec par Eleftherios Anastasiadis. Il avait été publié sur le
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* Nagarajan, Renuga CEF.UP "The impact of population
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* Tooze, Adam
(2018), Crashed: How a Decade of Financial Crises Changed the
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Notes
(1)
La vie de chaque culture dure 200-250 ans
(2) Selon l’exposé des motifs de la proposition de la
Commission européenne relative à « l’année européenne du vieillissement
actif 2012» (COM (210) 462/06.09.2010) et sur la base des données et des
prévisions d’Eurostat.
(3)
Organisation des Nations Unies (2017)
(4) Les données de la Réserve fédérale
des USA et de la Commission européenne aboutissent à des conclusions similaires
à celles de l’enquête initiale de l’OCDE
(5) Investissements
directs étrangers
Les dangereuses évolutions démographiques renforcent l’image de déclin de l’Europe (a)
Reviewed by Μαρία Νεγρεπόντη - Δελιβάνη
on
Ιανουαρίου 21, 2020
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