À quoi Tsipras joue-t-il ? par Maria Negreponti-Delivanis
À quoi Tsipras
joue-t-il ?
En état de confusion et de profond
désespoir, le peuple Grec suit les faits et gestes de son premier ministre. Au
référendum du 5 juillet, M. Tsipras a demandé aux électeurs de répondre par un
NON tonitruant qui lui servirait d’arme dans les négociations avec l’UE. Non
seulement a-t-il promis l’abolition définitive des mémorandums qui ont jeté la
Grèce dans la misère depuis cinq ans, mais il a également promis une Europe
renaissante, dégagée de ses idées obsessionnelles liées à l’austérité.
Toutefois, le NON grandiose prononcé par 62% du peuple grec, qui a osé choisir
un gouvernement de gauche et contester la rectitude des mémorandums, semble avoir
rendu furieux les dignitaires européens. Et, au lieu d’alléger, comme escompté,
les mesures mémorandaires inhumaines et totalement inefficaces, la troïka a
décidé d’imposer à son État membre lilliputien, en guise de coup de grâce, un
troisième mémorandum dont les termes sont encore plus durs que ceux des deux
premiers. Le premier effet de ce monstrueux accord sera l’augmentation de la
dette qui -de 173% du PIB qu’elle est actuellement- passera à 201% du PIB. Suivit
la volte-face spectaculaire de SYRIZA qui, marqua un tournant de 180° par
rapport à l’ambiance révolutionnaire passée des « mémorandums
déchirés », de la « souveraineté nationale », du « refus
catégorique de l’austérité ». En même temps, il fut jugé nécessaire de
procéder à une certaine forme de « nettoyage » du gouvernement et du
parti, en excluant ces membres-là qui étaient restés fidèles aux principes de
SYRIZA et qui avaient refusé de se convertir au culte de l’euro. Par la suite,
M. Tsipras n’a nullement ressenti le besoin d’expliquer à ses compatriotes
cette attitude incompréhensible. Au contraire, s’est-il empressé de
démissionner et de fixer la date des élections nationales anticipées pour le 20
septembre. Cette fois-ci, M. Tsipras exige du peuple Grec qu’il annule le
« OXI » tonitruant du référendum du 5 juillet, et qu’il le remplace
par un grand OUI qui légitimera le contenu génocidaire du troisième mémorandum,
bien que le résultat d’un référendum ne puisse être annulé que par le biais
d’un autre référendum. Il était tout naturel que ce comportement
antidémocratique du premier ministre et, ce, du premier gouvernement de gauche
en Grèce, mette le feu aux poudres des hypothèses de coup d’état, de trahison
et de conspirations tissées sur le dos du peuple grec. Mais, au-delà de ces
idées, une chose est certaine : l’ambiance qui prévaut ces derniers mois
en Grèce est indubitablement celle d’un théâtre de l’absurde où aucune
réflexion puisant dans le sens commun ne peut avoir de place.
Le contenu de mandat populaire du
NON au référendum du 5 juillet étant clairement tourné contre les mémorandums
et assorti d’une incitation directe à rompre d’avec les créanciers s’ils
insistaient sur leur politique, le premier ministre était tenu d’avoir veillé
sur la manière de poursuivre ce NON, y compris hors zone euro. Il devait,
notamment :
- avoir
élaboré un sérieux « plan B » visant à la transition vers notre
monnaie nationale, et non pas communiquer après-coup des accusations ridicules
concernant une trahison présumée commise par ceux (en admettant qu’ils avaient
existé) qui avaient veillé à préparer pareil plan ;
- avoir,
depuis plusieurs mois, veillé à assurer la liquidité élémentaire des banques
et, bien évidemment, avoir imposé en temps utile des restrictions, notamment,
concernant l’exportation de capitaux à l’étranger.
Même à admettre que ces actions ou
omissions majeures pourraient lui être pardonnées en les attribuant au manque
d’expérience du jeune gouvernement de gauche, il en existe d’autres qui sont
vraiment impardonnables. Il s’agit de la
décision, que M. Tsipras veilla à annoncer par avance, de livrer « terre
et eau » en échange de quoi nous resterions dans l’euro. C’est de cette manière, aussi absolue que
frivole, que le gouvernement a considéré, et continue de considérer, le retour
parfaitement inévitable à notre monnaie nationale. Des membres du gouvernement,
en parfaite harmonie avec le directoire de l’UE et la puissante opposition qui
s’est, récemment, transformée en force pro-gouvernementale, prétendent que
« le retour à la drachme serait la catastrophe ». Toutefois, ils
omettent d’expliquer quelles sont les méthodes exactes de mesure qui leur ont
permis d’aboutir à la conclusion selon laquelle la nouvelle drachme serait une
catastrophe plus grande que celle apportée par les mémorandums. Car, il
n’est sérieusement plus possible de douter qu’avec les mémorandums nous allons
droit vers la disparition nationale, économique et démographique totale. Il
s’agit, en effet, d’une forme particulière de génocide, contraints que nous
sommes de vendre nos avoirs, de procéder à l’abolition du secteur public, après
l’avoir démantelé, de jeter impitoyablement à la rue ceux qui n’arrivent pas à
rembourser le prêt contracté pour leur résidence principale, de permettre aux
employeurs de licencier massivement la main-d’œuvre, de paupériser les salariés
et les retraités, d’éliminer toute trace de protection sur le marché du
travail, de renoncer à toute forme de souveraineté nationale et de fierté
nationale, en adoptant pour avenir le régime colonial de la dette. Le retour à
une nouvelle drachme ne sera pas anodin, cela va sans dire. Mais il s’agit-là
de la seule solution offrant une issue à l’impasse actuelle.
M.
Tsipras peut, en fin de compte, remporter ou perdre les élections du 20
septembre. Mais, dans les deux cas, le résultat sera le même : le premier
gouvernement de gauche en Grèce aura donné sa bénédiction à la poursuite d’une dictature financière
étouffante, dans un pays membre de l’Union européenne. Et, ce, mettant en péril
direct et majeur la paix sociale. Et pas qu’elle. Car, ce sacrilège aura,
inévitablement, des effets particulièrement délétères sur l’ensemble de
l’Europe mais aussi du monde. Par
conséquent, à court terme et pour l’instant, le seul vœu -malheureusement-
utopique à formuler est celui d’éviter que cet accord criminel soit mis en
œuvre et, ensuite, de soutenir, tous ensemble, le retour dans notre Grèce et
dans notre Europe.
À quoi Tsipras joue-t-il ? par Maria Negreponti-Delivanis
Reviewed by Μαρία Νεγρεπόντη - Δελιβάνη
on
Αυγούστου 22, 2015
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