Le néoliberalisme et la nature profonde de la crise actuelle Maria NEGREPONTI-DELIVANIS Ex-Recteur et Professeur à l’Université Macédonienne, Grèce delimar9@otenet.gr
Les Cahiers du CEDIMES Publication Trimestrielle Vol. 4 – N o 1 – Printemps 2010 Dossier : La crise économique et ses conséquences
Les Cahiers du CEDIMES 9 Le néoliberalisme et la nature profonde de la crise actuelle Maria NEGREPONTI-DELIVANIS Ex-Recteur et Professeur à l’Université
Les Cahiers du CEDIMES Publication Trimestrielle Vol. 4 – N o 1 – Printemps 2010 Dossier : La crise économique et ses conséquences
Les Cahiers du CEDIMES 9
Le néoliberalisme et la nature profonde de la crise actuelle Maria NEGREPONTI-DELIVANIS Ex-Recteur et Professeur à l’Université Macédonienne, Grèce delimar9@otenet.gr
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Macédonienne, Grèce delimar9@otenet.gr
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Résumé En rupture avec les analyses stéréotypées et, souvent, superficielles des causes qui ont provoqué la crise financière internationale, l’auteur essaie de mettre en évidence les véritables raisons du « désastre ». Elle soutient que la crise actuelle est avant tout systémique et est due au fonctionnement même du régime néolibéral ; ce dernier a atteint ses limites à cause de l’accumulation des inégalités et des déséquilibres. C’est ainsi que l’obtention d’une productivité et d’une compétitivité de plus en plus élevées se fait aux dépens des salaires, par l’usurpation méthodique et continue d’une partie grandissante des salaires par les profits. Ce genre de redistribution des revenus est anormal, puisqu’elle se dirige du travail vers le capital. Dès lors, le stade du surcapitalisme ne peut se passer d’un surendettement, qui produit forcément des bulles et qui, finalement, est à l’origine de la survenance de crises systémiques. Dans le même temps, la poursuite de l’accumulation des richesses crée une liquidité grandissante qui ne peut être absorbée par l’investissement productif, vu les conditions de surproduction prévalant dans les économies nationales et aussi dans l’économie mondiale. Cet excès de liquidité n’a donc que deux issues : premièrement, la spéculation dans les bourses, qui produit des bulles et des crises systémiques et, deuxièmement, la thésaurisation, qui restreint le rythme de croissance et prépare les crises.
Mots - clés néolibéralime, crise systémique, inégalités, endettement, spéculation, surcapitalisme. Abstract The author, while ignoring the stereotype and often superficial analyses of the causes which triggered off the crisis, tries to highlight the true causes of the disaster. She argues that the present crisis is above all a systemic crisis, due to the operation of the new liberalist system; the latter has reached its limits because of the accumulation of inequalities and disequilibria. Therefore, the pursuit of the highest possible productivity and competitiveness is realised at the expense of wages, in essence through the crowding out of an ever increasing proportion of wages on the part of profits. This kind of revenue redistribution is abnormal, as long as it is directed from labour to capital. As a result, the stage of supercapitalism goes hand by hand with excessive indebtedness, which obviously results in bubbles and, finally creates systemic crises. At the same time, the pursuit of wealth accumulation results in increasing liquidity which cannot absorb productive investment, given the conditions of overproduction prevailing in the national economies, as well as in the global economy. This excessive liquidity therefore, can only have two ways out: first, financial speculation resulting in bubbles, and systemic crises and second, thesaurisation, which restrains the rate of economic development and prepares the ground for the eruption of crises. Key words new liberalism, systemic crisis, inequalities, indebtedness, speculation, supercapitalism. Institut CEDIMES 10 Introduction Dans cet article, nous allons ignorer les analyses stéréotypées et, souvent, superficielles des causes qui ont provoqué la crise en cours et, dans le même temps, nous allons essayer de mettre en évidence celles qui, à notre avis, sont les véritables et profondes causes du « désastre ». Il y a lieu d’affirmer que la crise actuelle est systémique, tandis que sa nature financière, pourtant fort accentuée par les analystes, est forcément présente dans n’importe quelle crise. En effet, toute crise est précédée d’une période pendant laquelle on sous-estime les risques, on se laisse aller à un surendettement, on cède à la panique, on souffre d’un manque de liquidité et, finalement, on assiste à l’effondrement de quelques établissements bancaires se trouvant souvent parmi les plus puissants. La crise actuelle, étant systémique, elle n’entre guère dans la catégorie des crises normales, c’est-à-dire des crises qui sont créées par les éternelles antithèses du capitalisme. Par contre, nous nous trouvons devant une crise d’une envergure comparable à celle de la grande crise des années 1929-33, dont la fin a coïncidé avec l’éclatement de la seconde guerre mondiale. En laissant de côté les interprétations basées sur l’hypothèse que la crise en cours est, tout simplement, une crise financière, on se trouve automatiquement dans la même gamme de raisons - toutes choses étant égales par ailleurs - qui étaient à la base de la grande crise de 1929. Nous voulons donc insister sur le fait qu’on ne doive pas attribuer la crise de 2007 - comme d’ailleurs celle de 1929 - au fonctionnement normal du régime capitaliste mais, par contre, à ses exacerbations qui le transforment en surcapitalisme, et qu’on l’associe à un extrême néolibéralisme fanatique, ainsi qu’à une mondialisation conspiratrice1 . L’apogée des inégalités et des déséquilibres, à l’échelle nationale, mais aussi mondiale, qui a suivi la débauche dérégulatrice, menace à présent de démanteler complètement le système économique, de mettre en péril sa cohésion sociale, d’encourager le terrorisme et de menacer l’humanité d’une troisième guerre mondiale. Il nous semble indiqué, à ce stade, de nous référer au rôle dangereux et, souvent fatal, de certaines idéologies, lorsqu’elles arrivent à conquérir l’esprit des économistes. Nous citons ci-dessous ce que J. M. Keynes pensait à propos des idéologies : « Les idées des économistes et des philosophes politiques, quand elles sont justes mais aussi quand elles sont erronées, sont beaucoup plus puissantes qu’on ne le croit généralement. En réalité, le monde est gouverné avant tout par elles…. . Ce sont les idées, et non pas les intérêts investis, qui deviennent dangereuses pour le bon et pour le mauvais » (Keynes, 1953). 1 Les idées et propositions dans cet article sont analysées in extenso dans le nouveau livre de l’auteur qui traite de la crise, en grec et sous presse. Voir aussi M. Negreponti - Delivanis, (2002). Les Cahiers du CEDIMES 11 Hélas, ce n’est guère exagéré d’affirmer que les idéologies, lorsqu’elles incorporent du fanatisme, et c’est le cas actuellement, aboutissent à des crimes contre l’humanité d’une envergure analogue à celles de l’Inquisition, des guerres religieuses ou des atrocités des Nazis et que le nombre de leurs victimes est supérieur à celui de toutes les guerres réunies. Nous nous référons spécialement ici à l’exploitation, pendant presque trente ans, des idéologies ayant comme appât la liberté individuelle. Sans nier l’importance capitale de la liberté, qui représente une des valeurs suprêmes de la vie, elle devrait tout de même être limitée au point qu’elle ne devienne pas nuisible aux concitoyens. Cette tâche est, normalement, confiée à l’Etat. Cependant, les néolibéraux, ont méthodiquement éliminé le rôle intervenant de l’Etat. La décennie 80 a fait son apparition, surchargée des idéologies et des fanatismes oubliés depuis longtemps mais toujours menaçants. L’explosion de la crise actuelle, qui a plongé dans le désespoir la plus grande partie de la population mondiale a, tout simplement, prouvé que l’abandon de l’idéologie libérale, à la suite de la grande crise des années 1929-33, n’a pas été définitif1 . En effet, les adeptes fanatiques du libéralisme attendaient patiemment l’occasion de reprendre le pouvoir dans leurs mains ; celle-ci a resurgi grâce à la venue au pouvoir de Mme. Thatcher et de M. Reagan. En parvenant une seconde fois sur la scène mondiale2 , le libéralisme - et entretemps le néolibéralisme (Negreponti-Delivanis, 2008a) - ne fut pas seul mais flanqué d’une mondialisation conspiratrice (Negreponti-Delivanis, 2008b), ainsi que d’un surcapitalisme. Ce triple malheur3 , qui a fonctionné avec l’abolition de toute réglementation économique pendant presque trois décennies, est responsable d’une détérioration de la qualité de vie. Cette triptyque, qui s’est imposée en système alors qu’elle n’était qu’un bric-à-brac bourré de fanatisme et d’intérêts égoïstes, a dépouillé l’économie de toute notion morale et a su, avec une facilité déconcertante, persuader la population de la planète qu’elle allait leur assurer le paradis sur terre avant, finalement, d’y installer l’enfer. D’une part, une cascade de mesures, allant de l’imposition de règles dépourvues de moralité à l’adoption d’hypothèses sans fondement, ont abouti à une impasse, en ce qui concerne le mode de répartition des revenus et de la richesse, à l’échelle nationale et mondiale. D’autre part, de telles pratiques ont su accumuler des déséquilibres multiples et difficilement contrôlables, dans les rapports entre les pauvres et les riches, entre les pays avancés et les économies en voie de développement, entre l’économie 1 Quoiqu’après la fin de la grande crise économique, “tous furent keynésiens”. 2 Les exagérations systémiques étaient aussi présentes, toutes choses étant égales par ailleurs, en 1929. Une différence pourtant capitale : les déséquilibres extérieurs étaient alors moins accentués qu’à présent. 3 Il va sans dire que j’accuse ici la façon avec laquelle ils ont été appliqués. Institut CEDIMES 12 monétaire et l’économie réelle, entre le salaire du travailleur moyen et celui des golden boys, etc. Il s’agit d’un système criminel qui a réintroduit l’esclavage, dont le nombre de victimes est à présent supérieur à celui d’une l’époque lointaine où il était officiellement permis. Ce système a exclu la plus grande partie de la population humaine des fruits du progrès, a traité le facteur « travail » comme un ennemi en l’exploitant sans merci, a encouragé la persistance du chômage, a progressivement démantelé l’Etat Providence et a exploité l’environnement qui s’achemine à présent vers une catastrophe biblique. Nous assistons à l’échec dramatique du néolibéralisme. Echec, d’ailleurs, qui se répète pour la seconde fois, le premier datant de 1929. C’est pourquoi nous trouvons étonnante l’insistance des médias, des analystes économiques, mais aussi des responsables gouvernementaux, lorsqu’ils se réfèrent à la crise actuelle comme une crise financière, en passant sous silence sa nature systémique. Il semble, en effet, que cette attitude vise à dissimuler, encore une fois, les conséquences néfastes du libéralisme, afin qu’il puisse être réimposé à l’avenir lorsque ses adeptes jugeront le moment propice. Il nous paraît, donc, très important de se mettre d’accord sur la nature et les causes profondes de cette crise et de bien désigner les vrais coupables afin d’éviter à l’avenir l’apparition de crises aussi désastreuses que l’actuelle et celle de 1929. Dans une première section, nous allons présenter les vraies et profondes causes de la crise que nous traversons. Dans une seconde section, nous étudierons leurs conséquences. Enfin et en guise de conclusion, nous allons indiquer les mesures à prendre pour ne pas se retrouver de nouveau, à l’avenir, devant des crises aussi violentes que la crise actuelle. 1. Les vraies raisons de la crise actuelle L’endettement, la sous-estimation des dangers de la part des banques en commençant par celles des Etats-Unis, la spéculation dans l’immobilier, la recherche à tout prix du profit maximum, l’incapacité des économistes à interpréter à temps les signes annonciateurs de la crise, la création de valeurs et de méthodes sophistiquées dans le domaine financier et utilisées de façon dangereuse, l’expansion incontrôlée de l’activité boursière aux dépens de l’économie réelle, entre autres, peuvent toutes entrer dans la rubrique désignant les causes qui ont provoqué la crise de 2007. Tout de même, si l’on n’essaie pas d’arriver jusqu’au cœur du problème, si l’on se contente des explications épidermiques, qui sont de simples effets et non des causes, si l’on se base sur la fausse hypothèse que le régime néolibéral est éternel, alors la référence aux signes secondaires peut suffire. Cependant, notre intention dans cet article est de montrer que tous les détails mentionnés plus haut résultent du Les Cahiers du CEDIMES 13 fonctionnement du néolibéralisme et de ses choix. Il s’agit, tout d’abord, d’une croyance absolue à l’autorégulation des marchés, qui rend non seulement inutile, mais avant tout condamnable toute intervention étatique. Il s’agit encore d’une autre hypothèse de base d’après laquelle l’intérêt individuel coïncide avec l’intérêt général et c’est à travers cette hypothèse que l’économie est démunie de tout contenu moral ; les paradis fiscaux, l’exploitation des travailleurs, le démantèlement de l’Etat Providence et la corruption généralisée se sont tous installés pour de bon à l’intérieur des économies nationales, mais aussi dans l’économie mondialisée. Le déclenchement de la crise actuelle illustre l’impasse de ce régime qui a atteint ses limites à cause de l’accumulation des inégalités et des déséquilibres qui empêchent les différentes grandeurs économiques d’accomplir leur rôle normal. Tout est alors dilué, tout se comporte de manière anormale, tout est en pièces, tout a besoin de se réguler. Il faut en urgence abandonner ce régime nuisible du néolibéralisme. Dans le cadre de cette section, nous allons nous référer brièvement, d’abord, à certains aspects des inégalités et des déséquilibres, que nous considérons importants et, ensuite, à leurs conséquences les plus néfastes 1.1. Inegalités La contribution de la philosophie néolibérale à l’exacerbation des inégalités est indéniable ; elle est due à l’adoption de mesures contre la protection du travail, à l’attribution d’une importance excessive à l’individualisme et à la liberté sans limites, ainsi qu’à la généralisation du travail flexible. Aussi, d’une part, en raison de convictions générales, se trouvant à la base du néolibéralisme, la progressivité des impôts a considérablement reculé, tandis qu’en même temps des mesures favorisant des revenus élevés ont été appliquées (Liêm, 2008). D’autre part, l’abolition du rôle redistributeur de l’Etat, pendant les trente dernières années, est responsable de l’aggravation des inégalités de toutes sortes et dans tous les domaines, à l’échelle nationale et à l’échelle internationale. Le nobélisé Paul Krugman remarque1 , à ce propos, que les réformes fiscales, que le Président Bush a inaugurées, et qui ont fait baissé les recettes fiscales de 35-40%, ont su favoriser les revenus les plus élevés et précisément ceux dépassant 210.000€ par an, en contribuant ainsi à l’accroissement des inégalités. La restriction des impôts, qui a commencé aux Etats Unis en 2001, d’après des estimations, va représenter $1900 milliards au cours des dix prochaines années. On estime encore que la baisse de l’imposition sur les dividendes a assuré aux contribuables, ayant des revenus supérieurs à un $1million, la possibilité d’épargner 1 Interview à la Revue Alternatives Economiques, 10/2008. Institut CEDIMES 14 $42000, et seulement $2, respectivement, à ceux qui ne gagnent que $10000-$20000 par an. C’est, d’ailleurs, le cas un peu partout en France1 , en Grèce (NegrepontiDelivanis, 1996), en Allemagne et au Japon. Mentionnons, entre autres, qu’en France la réforme fiscale, qui a commencé en 2007, a offert 80€ aux travailleurs à bas salaires, mais 10000€ aux contribuables ayant un revenu de 20000€ par mois. D’après des estimations2 , d’une somme totale de 3,5 milliards d’Euros provenant de la baisse des impôts, à la suite de cette réforme, 70% vont accroître les revenus de 20% de la population la plus riche (Kempff, 2007, p. 64). Au Japon, l’indice de l’imposition maximum a baissé, pendant les années 90 de 70% à 37%. Plus que les réformes fiscales, qui favorisent presque partout les plus riches, les inégalités de longue durée culminent encore et surtout dans le domaine de l’accumulation des richesses. A titre d’exemple, nous citons la France où le rapport du pouvoir d’achat entre 10% de la population la plus pauvre et 10% de la population la plus riche s’estime de 1 à 4, tandis que celui-ci devient de 1 à 64 (Kempff, 2007, p. 51) dans le domaine du patrimoine. Les aspects des inégalités, auxquels on peut se référer, sont nombreux et diversifiés3 . Nous allons nous contenter ici de certains d’entre eux qui nous paraissent les plus significatifs pour l’analyse qui suit. L’évolution la plus dramatique dans le domaine des inégalités est celle ayant les conséquences les plus lourdes et se référant, sans doute, à l’usurpation méthodique et continue d’une partie grandissante des salaires par les profits. Evidemment, ce genre de redistribution des revenus est anormal, puisqu’elle se dirige du travail vers le capital. Il s’agit d’une baisse considérable de la part du travail dans le PNB des pays du G7, dépassant de loin ce qui se considère comme seuil critique dans la théorie dominante4 . D’après le FMI5 , la part des salaires dans les pays du G7 a diminué de 5,8%, pendant la période 1983-2006. Ce recul fut de 8,8% dans les pays membres de l’Union Européenne6 , de 9,3% en France et de 13% en Grèce, respectivement7 . Des évolutions pareilles devraient, sans doute, faire paniquer les responsables de partout dans le monde. Mais, la poursuite de la neutralisation8 du rôle de l’Etat, pendant toute cette période critique a anéanti toute réaction dans ce domaine. Ce transfert des revenus salariaux vers les profits fut, évidemment, combiné avec la stagnation des salaires, tandis que leur productivité ne cessait d’augmenter. 1 Alternatives Economiques, N°272, 9/2008. 2 OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). 3 Pour une analyse plus détaillée des inégalités, voir M. Negreponti-Delivanis, Les vraies causes de la crise, sous presse, en grec. 4 Comme celui-ci est défini dans la fonction néoclassique de Cobb-Douglas. 5 Mars 2008. 6 Commission Européenne. 7 1995-2004, ΙΝΕ-Institut du Travail GSΕΕ-ΑDΕDΥ (organismes grecs de travail). 8 C’est le but principal du néolibéralisme. Les Cahiers du CEDIMES 15 A l’échelle mondiale et pour la période 1999-2007, la productivité des travailleurs a augmenté de 30%, tandis que les salaires réels n’ont augmenté que de 18% (Artus & Virard, 2008, p. 33). Des données complémentaires aux précédentes nous informent qu’aux Etats Unis1 , pendant la période 2002-2006, les profits de toutes sortes ont augmenté de 11% par an et furent absorbés par 1% de la population, tandis que 99% de la population ont dû se contenter d’une augmentation de seulement 0,9% par an. Sous une présentation différente, les très riches aux Etats Unis ont bénéficié du ¾ des fruits du progrès. C’est ainsi que 10% de la population contrôle 50% de la richesse nationale2 . A partir de 2000, le salaire moyen réel des américains ne bouge plus ; c’est pourquoi celui-ci est, en 2007, inférieur à celui prévalant en 20013 . Si l’on essayait de donner un un contenu au terme du surcapitalisme, durant les 30 dernières années, celui-ci, entres autres, pourrait se confondre avec la poursuite du profit maximum à travers la minimisation des salaires. Précisément, la poursuite d’une productivité et d’une compétitivité aussi élevées que possible se réalise aux dépens des salaires. Cependant, les salaires sont généralement accusés d’être trop élevés et, donc, responsables des résultats peu satisfaisants obtenus par les entreprises ou les nations, sur la scène internationale. Il est clair que toute cette discussion vise tout simplement à ouvrir la voie aux réformes sur le marché du travail. C’est alors que toutes ces réformes, qui sont en train d’être adoptées sur le marché du travail, aboutissent à une baisse continue de la part des salaires dans le PNB des économies avancées (Negreponti-Delivanis, 2008b). Alan Greenspan, le président de la FED, qui fut jusqu’à l’explosion de la crise un fanatique néolibéral, a exprimé ses craintes pour cet état de choses, - un peu avant sa déclaration télévisée, où il a confié « qu’il s’est trompé en croyant à l’autorégulation des marchés » - comme suit4 : « J’attendais et j’attends toujours un moyen de normalisation concernant la répartition entre salaires et profits, vu que la part des profits dans la valeur ajoutée est très élevée tandis que la part des salaires est très basse, contrairement à la productivité qui monte sans cesse. Cette antithèse entre les accroissements minables des salaires et les augmentations très élevées des profits nourrit un mécontentement grandissant aux Etats Unis et pas uniquement contre le capitalisme et le marché ». Pour continuer dans la voie des inégalités, certaines données, comme par exemple celles qui suivent, peuvent paraître vraiment incroyables ; elles sont pourtant annoncées par le bureau des consultants Oliver Wyman (Réf. Rimbert, 2008). D’après celles-ci, la fortune accumulée des richissimes de la planète s’estime à $50000 milliards et est alors égale à 3 fois et demi le PNB des Etats Unis et 50 fois les pertes 1 Qui disposent les meilleures données statistiques. 2 Sur la base des estimations de Thomas Piketty et Emmanuel Saez pour la période 2002-2006. 3 Alternatives Economiques, N°273, 10/2008. 4 Financial Times, 17.9.2007. Institut CEDIMES 16 provoquées par la crise de 2007. Nous tenons à souligner que nous n’avons jamais vu dans le passé des inégalités d’une telle envergure et, par conséquent, des réactions venant de néolibéraux fanatiques qui refusent de voir le danger, en justifiant avec des déclarations telles qu’« il y a toujours eu des riches », ou encore « ce n’est guère notre problème ». Karl Marx, mais aussi avant lui les classiques, et après lui les néoclassiques ont mis en évidence les dangers encourus par les économies qui séparent, pendant longtemps, la productivité des salaires réels. Dans le même temps, il devrait être évident que ces inégalités vertigineuses et la concentration excessive de la richesse mondiale dans des mains très peu nombreuses se trouvent à la base des gros déséquilibres dont l’économie mondialisée fait preuve de plus en plus souvent ces derniers temps. En effet, cette accumulation de richesse, qui est soustraite du PNB mondial a, forcément, des conséquences redistributives dramatiques conduisant à de brusques changements et à une grave désorientation de la demande, à des renversements des relations normales entre les grandeurs économiques de base telles que l’épargne, la consommation, l’investissement, à une suppression permanente de l’emploi, à un détournement de la production vers des produits et services de luxe aux dépens des articles de base, à l’encouragement des activités boursières aux dépens de celles appartenant à l’ économie réelle et, finalement, à la création des crises, de plus en plus fréquentes, comme c’était le cas d’environ une vingtaine entre 1971 et 2008. Il est inutile d’insister ici sur le fait que l’avidité humaine est sans limites, qu’elle est nuisible aux autres, qu’elle détruit l’équilibre de l’économie et, finalement, qu’elle va s’aggraver, sans une intervention étatique, qui est indispensable pour la freiner. En effet, la réponse de certains richissimes de notre monde à la question suivante qu’on leur a posée « Avec combien de richesse seriez-vous satisfaits ? », est significative : « Avec à peu près le double qu’actuellement » (Challenges, 2007). 1.2. Déséquilibres L’exacerbation des inégalités ne se présente pas uniquement à l’échelle nationale, mais s’étend aussi à l’échelle mondiale sous des aspects multiples. Tout d’abord, il s’agit de la domination économique, jusqu’ici, absolue, des économies riches de la planète, qui a lourdement contribué à l’extrême pauvreté et à la faim de vastes groupes de population dans les pays en voie de développement1 , mais également dans les économies émergentes. 1 Sans bien sûr pouvoir nier qu’à l’intérieur des pays pauvres il y a également de terribles inégalités, on assiste à la naissance d’une oligarchie mondiale, qui ne se situe pas uniquement aux Etats Unis et en Afrique, régions avec une tradition inégalitaire, mais récemment aussi en Asie, où le modèle de développement a, au début, eu des bases beaucoup plus égalitaires. Les Cahiers du CEDIMES 17 Notons, en ce qui concerne ces déséquilibres entre le riche Nord et le pauvre Sud, et surtout en ce qui concerne l’évolution des déséquilibres initiaux, qu’en 1960, le revenu de 20% de la population la plus pauvre de la planète était 34 fois inférieur à celui de 20% de la population la plus riche de la planète. Ce déséquilibre a plus que doublé en 2000 passant à 74 fois inférieur. Mais, l’évolution de l’aide des pays riches vers les pays pauvres fut radicalement opposée. En effet, tandis qu’en 1992, celle-ci représentait $60,5 milliards, elle n’est plus en 2001 que de $53,3 milliards, soit 0,23% du PNB des économies les plus riches du monde. L’impasse dans laquelle se trouvent les pays les plus pauvres de la planète s’aggrave du fait que leur dette extérieure, qui s’élève à $2000 milliards environ nécessite un service annuel de $200-250 milliards. Le commerce international des biens et services, qui a bénéficié d’un développement spectaculaire entre le début des années 80 et l’année 2005, en se multipliant par sept, fut dans le passé, mais aussi récemment, accusé de source d’inégalités. Pourtant, la situation a commencé à se modifier un peu dans ce domaine, puisque pendant que les pays industrialisés avancés continuent en général à dominer les exportations1 , celles de l’Asie, avec la Chine en tête, montent en flèche et surpassent déjà les exportations des Etats Unis, se classant juste derrière celles de l’Allemagne. Cependant, à côté des déséquilibres géographiques des exportations mondiales et des inégalités hors contrôle des revenus et du patrimoine ou plutôt à cause d’elles, nous assistons à un déséquilibre de nature différente qui, à l’échelle mondiale, se présente sous l’aspect d’une liquidité surabondante2 . Ce déséquilibre mène à un autre qui est complémentaire, soit celui de l’épargne, qui s’avère supérieure à la consommation ; ou, ce qui revient au même, à une surproduction à l’échelle mondiale, vu que la demande de consommation n’est pas suffisante pour l’absorber. Cet état de choses est la conséquence inévitable du trio néolibéralisme - mondialisation - surcapitalisme qui, systématiquement et par tous les moyens, canalise la presque totalité de l’accroissement de la productivité, vers les profits, en réduisant sans cesse le niveau des salaires, ainsi que leur part dans le PNB qui décroit sans cesse. Tournons-nous à présent vers le riche Nord où le déséquilibre mentionné plus haut se présente dans la direction opposée à celui du pauvre Sud, soit dit, dans le Nord et, précisément, aux Etats Unis où la consommation est de loin supérieure à la production. L’exacerbation des inégalités, les différents modèles de consommation qui prévalent dans le monde, le contenu du rôle de l’Etat qui varie de pays en pays, 1a détérioration des conditions de vie dans plusieurs pays en voie de développement3 et, enfin, certains plans stratégiques des économies émergentes4 , ont graduellement créé, 1 En dépit d’une baisse de leur pourcentage, passant de 70% environ en 1950 à 64,7% en 2007. 2 Ben Bernanke, le directeur de la FED est le premier qui, en Mai 2005, a constaté cette réalité, tandis que l’opinion générale était, jusque-là, persuadée du contraire, soit d’une liquidité insuffisante. 3 Les pays qui se développent à des rythmes rapides sont, évidemment, exclus. 4 Nous pensons surtout à l’importance acquise récemment par les fonds souverains, soit des fonds qui proviennent des Etats souverains et s’investissent dans les pays avancés et avant tout aux Etats-Unis. Institut CEDIMES 18 au cours des trente dernières années, un grave problème de liquidité excessive dans le monde. C’est ainsi que d’après certaines estimations (Artus & Virard, 2008, p. 76), les économies de l’OCDE1 présentent de basses marges d’épargne, soit environ 18%, tandis que dans les pays émergents ce taux est plus du double aux alentours de 38%. Quoiqu’une interprétation uniforme de ces déséquilibres concernant la propension à épargner dans le Nord et le Sud ne soit guère facile, ces déséquilibres aboutissent, primo aux Etats-Unis, à une consommation dépassant de loin la production, tandis que secundo dans les économies émergentes, et avant tout en Chine, à une épargne dépassant de loin la consommation. Il va sans dire qu’il s’agit de deux modèles diamétralement opposés ; celui de l’Asie et surtout de la Chine, qui se développe à travers ses exportations, a adopté une production d’une gamme de biens qui s’adresse à des clients riches et qui ne peut pas s’absorber à l’intérieur du pays où les salaires sont encore très bas ; par contre, celui du Nord, mais surtout des Etats-Unis, où la propension à consommer très élevée des américains devient possible grâce à l’endettement grandissant des classes pauvres et moyennes. Il faut, en outre, prendre note qu’en l’absence de cet endettement, la demande serait carrément insuffisante et incapable d’assurer des rythmes de croissance élevés. C’est ainsi qu’aux Etats-Unis la dette des ménages est passé de 55% dans le revenu disponible en 1960 à 133% en 2007. L’endettement total - sociétaire et financier - est passé de 143% dans le PNB en 1951 à 350% en 2007. En ce qui concerne la consommation, celle-ci de 62% dans le PNB en 1960, s’est accrue à 73% en 2008 (Brooks, 2009). De même, en Grande Bretagne, l’endettement des ménages, de 120% dans le revenu disponible en 2002, est passé à 170% en 2007, tandis que dans l’eurozone de 70% en 2002, il s’est accru à 95% en 2007 (Artus & Virard, 2008, p. 101). A ce stade de l’analyse il nous semble intéressant d’invoquer deux anciennes hypothèses, en partie oubliées, mais qui reprennent de l’importance de nos jours ; celles-ci sont en état d’interpréter l’exacerbation des inégalités de toutes sortes. Il s’agit de l’hypothèse du revenu relatif, d’une part, et de l’effet de démonstration de l’autre. D’après la première hypothèse, la demande de chacune des catégories des consommateurs se trouvant dans des échelons de revenu différents, dépend des habitudes de consommation (et par conséquent de leur revenu) des consommateurs qui se trouvent dans l’échelon supérieur (Veblen, 1970) au leur. Et, selon la seconde hypothèse, la consommation a aussi un contenu social, à côté du physique ; c’est l’effet de démonstration (Modigliani, 1949), qui complète celui du revenu relatif. Ces deux hypothèses sont, éventuellement, en état d’expliquer comment le sort des travailleurs peut se détériorer, malgré le fait que leurs revenus en termes absolus s’améliorent. Ceci peut se justifier à l’aide du revenu relatif, d’une part, et de l’effet de 1 Etats-Unis/Union Européenne des 15/Japon. Les Cahiers du CEDIMES 19 démonstration, d’autre part. Si ces deux principes ne peuvent plus fonctionner, à cause justement des inégalités qui sont devenues incontrôlables, les consommateurs ainsi insatisfaits n’ont d’autre issue que de s’endetter. De cette façon, ils essayent de maintenir la même satisfaction qu’avant, mais l’accroissement des inégalités les obligent à avoir de plus en plus recours à l’endettement. Une autre grande anomalie qui se trouve dans les relations commerciales entre le Nord et le Sud prend la forme suivante : les Etats-Unis s’adressent à la Chine, pour lui passer commande d’une grande partie de leur consommation qui ne peut être satisfaite par la production nationale ; parallèlement à cette commande, il y a un flux de capitaux chinois qui entrent aux Etats-Unis ; grâce à ce flux de capitaux, les EtatsUnis peuvent payer les importations de la Chine, soit en s’endettant toujours davantage vis-à-vis de la Chine. Cet endettement de longue durée représente $1,1-1,3 trillions, soit à peu près 30% du PNB chinois et 10% du PNB américain. C’est ainsi que, d’une part, selon des estimations1 , en septembre 2008, la dette extérieure des Etats-Unis se montait à $10 trillions, ayant augmenté de $1 trillion par rapport à 2007. De cette somme extraordinaire, qui représente pour chaque américain une dette égale à $49.342, $9 trillions appartiennent à des étrangers. Il y a des craintes justifiées, d’ailleurs, que l’existence de cette dette américaine accorde aux étrangers des droits de participation aux décisions des Etats-Unis, concernant surtout le domaine de la politique macroéconomique. D’autre part, ces capitaux chinois, qui se dirigent vers les Etats-Unis, démentent la théorie dominante, qui soutient que les capitaux, quand ils se déplacent, se dirigent des pays riches vers les pays pauvres, afin de profiter d’une productivité marginale du capital plus élevée que chez eux2 . Certainement, ce n’est pas la seule évolution qui est contraire à ce que la théorie économique dominante prévoit. A titre d’exemple, nous nous référons aussi au fait que, dans l’environnement malsain du surcapitalisme, les différences ahurissantes de rémunérations entre le travailleur moyen et les golden boys, ne peuvent aucunement s’expliquer par la théorie néoclassique/marginaliste. 2. Les conséquences La crise actuelle, sa dimension, son envergure et les dégâts qu’elle a déjà provoqués sont une preuve indéniable de l’asphyxie du modèle néolibéral et de son échec dû au fait qu’il a trahi les principes de base du capitalisme. C’est ainsi que la dissociation du salaire des travailleurs de leur productivité a fait naître un processus atypique de développement qui sépare la croissance du bien-être des habitants de la terre. Nous vivons alors dans un monde qui devient de plus en plus riche, mais qui en même temps est de moins en moins en état de nourrir sa population, qui exclut du progrès 1 Gillespie Research/Federal Reserve/2008. 2 Vu que la productivité marginale du capital y est supérieure à celle prévalant dans les pays avancés. Institut CEDIMES 20 une part de plus en plus grande de ses habitants, qui transforme la démocratie en régime autarcique permettant les tortures, l’emprisonnement sans procès, ainsi que l’espionnage de la vie privée des citoyens, qui prétend respecter les libertés humaines, mais qui ne permet pas aux ¾ environ de la population de la planète d’avoir le luxe de choisir leur mode de vie à cause de la neutralisation du rôle économique et social de l’Etat1 , qui se passionne pour maximiser la productivité qui, pourtant, n’est plus destinée à améliorer le bien-être de la population, enfin, qui détériore sans regret le climat mondial. Les très graves conséquences de ce cul de sac peuvent se regrouper sous les trois rubriques qui suivent : 2.1. Endettez-vous ! Les néolibéraux ont essayé de faire face à l’échec de leur système, en introduisant un nouveau paramètre dans le modèle de développement, qui est basé sur l’endettement (Halimi, 2007). Et, par la suite, ayant toujours confiance à l’autorégulation du marché, les néolibéraux ont envisagé l’endettement comme pouvant se substituer à la baisse de la part des salaires dans le PNB et ainsi continuer à s’assurer des profits élevés en faveur des actionnaires. C’est ainsi que le stade du surcapitalisme ne peut pas se passer d’un surendettement, qui produit forcément des bulles et qui, finalement, crée des crises systémiques2 . Il va sans dire que le taux d’intérêt, qui s’est maintenu trop bas, pendant une longue période a beaucoup facilité ce surendettement. De plus - situation anormale - le taux d’intérêt de long terme fut inférieur à celui de plus courte durée. L’endettement, donc, devient une nécessité à la suite de la diminution graduelle de la demande des produits de consommation de base des classes pauvres et moyennes, en raison du gap grandissant entre la productivité et la rémunération des travailleurs. A titre d’exemple, nous nous référons aux Etats-Unis, où le degré des inégalités a atteint en 2007 le niveau de 1929 (Sapir, 2008). Alors, la seule issue pour que le système ne s’effondre pas, c’est l’encouragement des pauvres, mais aussi en partie des ressortissants de la classe moyenne, à s’endetter afin de continuer à avoir ainsi l’illusion de pouvoir poursuivre, dans un certain degré, le modèle de consommation en produits et en services de luxe des millionnaires. C’est ainsi qu’on peut, en partie, expliquer l’augmentation du pourcentage de consommation dans le PNB des EtatsUnis. Et, justement, cet accroissement de la consommation a provoqué l’énorme déficit extérieur des Etats-Unis. 1 Notons, qu’il n’y a pas d’Etat neutre. Par contre, sa neutralité apparente dissimule la prise de mesures contre les plus démunis et en faveur des plus puissants. 2 Pendant les années 1945-1982, il y a eu aux Etats-Unis 9 récessions. Les Cahiers du CEDIMES 21 2.2. La desorientation de la demande L’économiste Américain Thorstein Veblen (1970) critique le principe classique, accepté d’ailleurs par K. Marx aussi, d’après lequel les besoins sont en nombre illimité. Par contre, Thorstein Veblen soutient que, dans un contexte géographique et chronologique donné, les besoins de base sont limités en nombre ; cependant, après que ceux-ci soient satisfaits, il y a des facteurs purement sociaux qui fonctionnent et qui sont conditionnés à chaque instant par le modèle de consommation de la classe la plus riche. C’est justement cette classe, qui conditionne le modèle de consommation de la société toute entière, et c’est celui-ci que les classes inférieures essaient d’imiter à tout prix. D’autre part, c’est la classe très riche qui crée des besoins en nombre illimité, encourage le gaspillage et l’effet de démonstration et, à l’aide de l’accumulation des richesses dans les mains de moins en moins nombreuses, elle dirige la production vers des produits de moins en moins importants et de plus en plus luxueux. Après un certain seuil critique, tout accroissement de la consommation se dirige, de plus en plus, vers des biens et services qui satisfont l’envie de démonstration et de promotion sociale. Il va sans dire que ces tendances sont excessivement encouragées par les inégalités grandissantes. La conséquence la plus dramatique de la création, du maintien et de renforcement de ces inégalités incontrôlables, c’est la désorientation de la demande de consommation, de la production et forcément de l’investissement à l’échelle nationale et internationale. Plus précisément, la demande qui se dirige vers la satisfaction des besoins vitaux recule, comme pourcentage de la demande globale, en faveur de sa partie qui sert à satisfaire des besoins de luxe. Le résultat inévitable en est la hausse des prix des produits agricoles de base en créant ainsi un autre aspect de pauvreté. Cette désorientation de la demande se trouve à la base de l’interprétation du pourquoi et du comment les meilleures terres agricoles ne se destinent pas à la production des produits agricoles de base, mais plutôt à la production de biens moins importants, tels que le cacao, le tabac, le thé et autres. En effet, il s’agit de ces produits que les consommateurs disposant du pouvoir d’achat nécessaire désirent. En même temps, de vastes terrains, dont la mise en culture aurait pu diminuer la famine dans le monde, se donnent au pâturage parce que la demande de viande des classes riches est élevée et suivie par le pouvoir d’achat indispensable1 . En plus, la répartition inégale des revenus permet, dans beaucoup de cas, de ne pas utiliser du tout de vastes terrains, pourtant fertiles. Toujours dans la voie de la restriction de la production des produits de base, rappelons-nous que les gouvernements des économies en voie de développement furent, pendant la période 1980-90, obligés de restreindre de 50% leurs dépenses, afin de s’adapter aux prescriptions néolibérales des organismes internationaux en faveur d’un secteur public plus petit2 . 1 http://www.fao.org/NEWS/1998/981103-htm. 2 Poverty and Globalisation, http://news.bbc.co.uk/hi/english/static/events/reith_2000/lecture5.stm . Institut CEDIMES 22 La pénurie des produits agricoles de base, leur prix élevés, qui persistent même en périodes déflationnistes ainsi que la famine qui a frappé, il y a quelques mois, un grand nombre de pays pauvres, sont les conséquences des inégalités, qui bouleversent la demande. C’est alors qu’au fur et à mesure que la répartition devient plus inégale : Des groupes toujours plus nombreux dépassent le seuil de la pauvreté absolue et disparaissent du marché ne pouvant plus intéresser les producteurs, puisqu’ils ne sont plus en état de faire passer des commandes de production1 . D’autre part, l’accumulation de la richesse dans des mains peu nombreuses bouleverse radicalement les habitudes de consommation des peuples et dirige la production vers des produits et des services de luxe qui deviennent de plus en plus sophistiqués. En même temps, la poursuite de l’accumulation des richesses crée une liquidité grandissante, qui ne peut pas s’absorber par l’investissement productif, vu les conditions de surproduction prévalant dans les économies nationales et aussi dans l’économie mondiale. Cet excès de liquidité n’a donc que deux issues : premièrement, la spéculation aux bourses, qui produit des bulles et des crises systémiques et, deuxièmement, la thésaurisation2 , qui restreint le rythme de croissance et prépare les crises. 2.3. La spéculation Les économies contemporaines se transforment en casinos, puisque la demande, insuffisante, ne peut plus soutenir les investissements productifs. Cependant, même les activités de casino atteignent leurs limites. Les bulles deviennent très importantes, en comparaison avec le passé. Les spéculateurs se retrouvent dans la nécessité d’abandonner un secteur, déjà saturé. Et, ces derniers, incapables de continuer d’assurer des rendements élevés, se mettent à prospecter un nouveau secteur qui, à son tour, va se comporter en casino, cherchant ainsi à réaliser des profits élevés. La spéculation est un des sous-produits des inégalités, mais aussi de la corruption généralisée. Sa relation avec la naissance et le maintien de la pauvreté et de la faim dans le monde est très important. On peut soutenir que les inégalités nourrissent la spéculation, puisque le résidu délaissé par les revenus, après la satisfaction des besoins considérés importants, est immense et permet de larges activités spéculatives. 1 Demande suivie par le pouvoir d’achat nécessaire pour sa satisfaction. 2 Il y a, par conséquent, une liquidité qui s’accumule et qui se nourrit constamment. Le gouverneur de la FED M. Bernanke, un peu après la prise en charge de ses fonctions, fut le premier à constater cette réalité, car jusqu’à ce moment prévalait l’opinion contraire, soit d’une pénurie d’épargne à l’échelle mondiale. Evidemment, les taux d’intérêt particulièrement bas, et pendant longtemps, constituent une preuve d’abondance et pas de pénurie. Les Cahiers du CEDIMES 23 Les spéculateurs sont à la recherche de rendements rapides et toujours plus élevés, qui ne proviennent pas d’un accroissement de revenu de l’économie réelle, mais de « jeux monétaires » situés dans les Bourses. Ils croient que les rendements peuvent augmenter indéfiniment, même quand ils ne proviennent pas d’une base solide mais de pur air qui remplit des ballons. Ce n’est donc guère étonnant que ces « jeux monétaires » se terminent en bulles, et que ces bulles deviennent de plus en plus fréquentes en reflétant la dissolution graduelle du néolibéralisme. D’ailleurs, les profits proviennent, à présent, de moins en moins de la suppression des salaires, vu l’ingéniosité des gouvernements contemporains, concernant les méthodes pour l’encouragement du travail flexible. Quoique toujours présente, elle subit cependant des rendements décroissants, en comparaison avec les décennies précédentes. C’est un peu pareil avec la délocalisation de parts d’entreprises, des économies avancées vers les économies émergentes, qui cherchent à minimiser les coûts et à maximiser les profits. En effet, le processus de délocalisation assure des marges de profit de moins en moins importantes, en comparaison avec celles de bulles spéculatives. C’est ainsi qu’au fur et à mesure que le gap entre la productivité et la rémunération du travail augmente et que le chômage se maintient à des niveaux élevés, les spéculateurs se retrouvent obligés de créer des bulles spéculatives afin de s’assurer des rendements élevés. L’économie se transforme de plus en plus en casino tandis que les activités de l’économie réelle reculent. Nous allons ici nous référer à deux catégories de spéculation, aussi aventureuses l’une que l’autre ; elles sont, en grande partie, responsables de la pénurie et des prix élevés des produits agricoles et s’ajoutent aux malheurs provoqués par les inégalités. Les premières victimes de ces spéculations sont, comme il est attendu, les habitants les plus pauvres de la terre, qui sont ainsi condamnés à mourir de faim ; mais les prochaines victimes se trouvent un peu partout sur la planète. La première forme de spéculation concerne la production d’éthanol, qui se substitue à la production de maïs ou à celle des cannes à sucre, de betteraves et de blé, entre autres, et qui vise, au moins officiellement, d’une part, à assurer de l’énergie plus avenante pour l’environnement et, d’autre part, à diminuer le degré de dépendance du monde du pétrole. La production de 25 gallons d’éthanol pur nécessite environ 450 kilos de maïs1 . Ce processus fut pourtant accueilli au début avec enthousiasme, étant largement subventionné par plusieurs Etats et adopté partout dans le monde2 . Néanmoins, les espoirs dans ce domaine ont été vite démentis, en raison des conclusions de deux études relativement récentes et parues dans la revue Science, qui ont pour la première fois pris en considération les conséquences de la transformation de l’usage du sol. Il ressort, alors, de ces deux études que, durant les 93 années à venir, il y aura une détérioration du climat, à cause justement de la consommation de 1 Avec 450 kilos de maïs, une personne peut vivre pendant un an. 2 Aux Etats-Unis, en Chine, en Inde, au Brésil etc. Institut CEDIMES 24 produits issus de l’énergie biologique et non une amélioration ; ceci parce que la disparition des forêts et des pâturages a pour conséquence la destruction des écosystèmes étendus, libérant ainsi plusieurs fois plus de dioxyde de carbone, en comparaison avec les sources traditionnelles d’énergie. On pouvait supposer qu’à la suite de la révélation des trouvailles ci-dessus, on assisterait à une réduction substantielle des activités de cette sorte. Cependant, ce n’est guère le cas, vu que la production d’éthanol assure des profits particulièrement élevés. A titre d’exemple, nous mentionnons une publication récente de la revue Week1 , qui conseille aux spéculateurs d’acheter des actions des produits biologiques, en les encourageant comme suit : « Nous aimons la société Royal Dutch Shell, parce qu’elle nous assure des profits élevés, mais aussi parce qu’elle a des bases solides sur la société canadienne Iogen qui promet, éventuellement, d’avoir accès à la technologie d’éthanol »2 . La seconde forme de spéculation à laquelle nous souhaitons nous référer est un « jeu monétaire » qui a lieu à la Bourse et qui concerne les prix futurs des produits agricoles de base. D’après certaines informations (Pfaff, 2008), le nombre de transactions concernant environ 25 produits agricoles de base s’est accru de 20% entre 2007 et 2008 et a atteint $1million par jour seulement à la Bourse de Chicago. Et, la somme que les spéculateurs ont joué sur les produits alimentaires est passée de $70 milliards au début de 20063 , à $235 milliards en 2008. A la suite de la bulle de l’immobilier, les spéculateurs se dirigent déjà vers des « produits mous », tels que le maïs, le blé, la viande bovine et aussi à l’eau potable, domaines qui promettent des rendements élevés, si l’on veut évidemment oublier qu’à la suite de chaque hausse du prix des produits agricoles de base, des millions de gens, dans les pays pauvres, meurent de faim ou de soif. Conclusion Il est vraiment naïf d’espérer que l’économie mondialisée, qui s’asphyxie sous le poids accablant de tant de corruption, de déséquilibres et d’inégalités puisse ainsi continuer, car il est évident qu’elle risque à chaque instant de se disloquer complètement au milieu des tempêtes provoquées par des crises systémiques, toujours plus fréquentes et toujours plus violentes. La science économique, contestée dès son apparition comme telle, s’est transformée pendant les dernières décennies, en un ensemble de prescriptions raffinées, qui enseignent à des vautours humains4 tout ce 1 Du 22.4.2008. 2 World Socialist Web Site-24.4.2008. 3 Lehman Brothers. 4 Spécimens provoqués par le trio néolibéralisme - mondialisation - surcapitalisme, soit des sousproduits des exagérations accumulées du système. Les Cahiers du CEDIMES 25 qu’ils doivent faire pour exploiter à fond leurs employés, comment ils pourront détruire leurs concurrents, quel est le processus pour profiter jusqu’au bout des bulles, comment ils pourront éviter de payer des impôts, enfin comment ils pourront s’assurer des profits astronomiques en s’adonnant à des activités louches mais qui, pourtant, sont tacitement tolérées par les Etats contemporains, dûment neutralisés préalablement. Il n’y a pas de doute que nous traversons une crise systémique, c’est à dire une crise que le système qui fut imposé au monde dans les années 80 a bien provoquée. Ce ne sont donc pas les banquiers les coupables principaux car, en dépit du fait qu’ils ont dramatiquement sous-estimé les dangers, en perdant finalement de vue le montant de leurs dettes, c’était en réalité la philosophie du néolibéralisme qui se trouvait derrière. Pour la même raison, les golden boys ne sont pas des coupables impardonnables, vu que c’est le néolibéralisme a su les persuader que le prix des actions peut monter indéfiniment, ainsi que leur rémunération. Les actionnaires ne sont pas coupables non plus car, en fonctionnant dans ce climat malsain, ils étaient persuadés qu’il leur était permis d’exiger toujours plus. Il serait encore injuste d’accuser les entrepreneurs quoique, pendant 30 ans, ils ont essayé de maximiser leurs profits aux dépens des salaires, vu que le néolibéralisme ignore, complètement, le principe marginaliste qui implique d’assurer à chacun une rémunération égale à sa productivité. En continuant dans cette voie, les riches ne sont pas non plus coupables, eux qui cachent leur fortune dans les paradis fiscaux et accélèrent ainsi le démantèlement de l’Etat Providence faute de ressources fiscales, puisqu’il est connu que l’ennemi numéro un des néolibéraux est l’Etat et, avant tout, l’Etat Providence. Quoiqu’un grand nombre de groupes socio-économiques et d’institutions ont pu profiter de cette débauche néolibérale, il est pourtant plus qu’évident que le coupable numéro un est ce système néolibéral, assisté de près par la mondialisation, telle qu’elle fut appliquée, ainsi que par le surcapitalisme. C’est, justement, cet ensemble systémique, qui a encouragé toutes sortes d’excès : la recherche de la maximisation du profit sous n’importe quelles conditions, la disparition du rôle socio-économique de l’Etat pour assurer ainsi le libre fonctionnement de l’autorégulation et des mains invisibles, l’encouragement à tout prix du processus vers un marché du travail aussi flexible que possible, quoique qu’il était certain, dès le début, que cette flexibilité allait tourner en exploitation des travailleurs. C’est, toujours, le néolibéralisme qui a su persuader tout intéressé que l’économie est à l’abri de la récession grâce à la nouvelle économie ; et, évidemment, c’est le néolibéralisme qui a encouragé le développement excessif des activités boursières aux dépens des activités de l’économie réelle. Inutile donc de désigner comme coupables ceux qui n’ont fait que suivre fidèlement, même fanatiquement, les instructions néolibérales. Mais si, vraiment, la crise actuelle a été provoquée par le régime néolibéral, par ses excès et par ceux de la mondialisation et du capitalisme, il s’ensuit que presque toute la gamme des mesures qui se mobilisent par les gouvernements nationaux, Institut CEDIMES 26 ainsi que celles prises au niveau international, sont tout simplement erronées. Ceci parce qu’il s’agit de mesures visant à faire face à une crise qui se définit comme financière, mais qui ne l’est guère ; ou encore parce que son aspect financier est loin d’être sa caractéristique la plus importante. C’est ainsi que la plupart des mesures, généralement appliquées dans le monde, sont carrément contraires à celles qu’on devrait choisir. Nous nous référons, entre autres, aux divers programmes visant à sauver, mais pas à nationaliser, les banques ayant des problèmes et qui, finalement, accentuent l’impasse au lieu de l’alléger. C’est parce que de telles mesures rendent la répartition encore plus inégale qu’auparavant en préparant ainsi la prochaine crise. Il est évident que les mesures à prendre ne doivent pas viser simplement à corriger les anomalies de court terme mais, au contraire, il est capital de choisir et d’appliquer des programmes promettant une correction graduelle des déséquilibres accumulés, qui se nichent dans les structures des économies contemporaines en les conduisant au péril. Pourtant, cette correction profonde et de long terme, concernant l’ensemble du fonctionnement économique, se heurte à des réactions souterraines, mais jusqu’à présent fort efficaces, de la part de tous ceux qui ont, depuis longtemps, investi des intérêts importants aux aspects les plus malsains du système. Finalement, la nécessité de prendre des mesures adéquates vis-à-vis de la crise actuelle est avant tout un problème politique. Ce sont les gouvernements des pays avancés, chacun en ce qui le concerne, mais aussi en collaboration entre eux, qu’ils devraient dessiner et appliquer sans interruption et pendant longtemps ces programmes de redressement, jusqu’au moment où les gros déséquilibres commencent à s’absorber de façon irréversible. Pourtant, la suprême difficulté réside dans ce que le néolibéralisme a désactivé le rôle le plus important des gouvernements contemporains. Et, c’est la raison pour laquelle, à ce stade d’évolution capitaliste, le monde a davantage besoin de gouvernants éclairés que d’économistes. Théoriquement, les solutions pour sortir de la crise semblent tout à fait simples. Il s’agit, d’une part, de la nécessité imminente d’abandonner ce néolibéralisme malfaisant et de l’exigence que l’Etat reprenne son rôle traditionnel. Il s’agit, d’autre part, du bt d’avoir recours à un vaste programme de redistribution des revenus et des richesses tant au niveau national que mondial. En ce qui concerne l’abandon du néolibéralisme, on pourrait soutenir qu’il est déjà en voie de se réaliser, et même à des rythmes beaucoup trop rapides. En effet, on a assisté récemment à un recours généralisé et précipité vers l’Etat, qui se présente comme sauveur mais qui, cependant, fait peur à cause de certaines tendances qui renvoient à un Etat absolutiste ou, encore à un capitalisme étatique. Ces tendances extrêmes soutiennent l’hypothèse que la tolérance d’un Etat interventionniste se fait uniquement sous l’influence de la panique, visant une normalisation superficielle des économies, afin de revenir ensuite et avec plus de fermeté au néolibéralisme. Cette impression se renforce par la nature des mesures en train de s’appliquer. Par exemple, tandis que, Les Cahiers du CEDIMES 27 d’une part, on a recours à des nationalisations de banques, soit à une des mesures les plus radicales contre le néolibéralisme, dans le même temps, et ceci surtout au sein de l’Union Européenne, on continue à paniquer devant les déficits publics, en exigeant au milieu de cette crise terrible la réalisation des équilibres à tout prix. Et, tandis que la crise est, depuis longtemps, passée dans l’économie réelle, la plupart des mesures continuent à viser la régularisation des banques, sans prendre aucunement soin des débiteurs qui ne peuvent pas payer leurs dettes. Tout de même, il est intéressant de suivre, dans ce domaine d’incertitude pour l’avenir, certaines évolutions significatives, qui concernent l’opinion publique américaine vis-à-vis de l’intervention étatique, qui montrent une modification considérable : tandis qu’en 1986, 41% des américains trouvaient que ce rôle de l’Etat était excessif et seulement 22% que celui-ci était insuffisant, la situation s’est complètement renversée en 2009, puisque 40% déclarent à présent qu’ils désirent plus d’intervention, tandis que seulement 28% trouvent que celle-ci est excessive1 . Nous citons, encore, dans ce cadre, l’attitude des peuples vis-à-vis de l’omnipotence des marchés, hypothèse qui également se trouve dans l’arsenal néolibéral. Il s’avère que les peuples des pays qui ont imposé le libre échange dans le monde, soit les EtatsUnis, l’Allemagne et la France, se montrent en 2007 moins enthousiastes vis-à-vis de cette ouverture qu’ils avaient en 2002. Par contre, les pays émergents tels que la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil sont davantage en faveur du libre échange en 2007 qu’en 20022 . Revenons, à présent, au grand problème de la redistribution de la richesse nationale et mondiale. Dans ce domaine obscur qu’il est très difficile d’aborder et, plus encore, dans lequel il est pénible de trouver des solutions efficaces, se concentre le cœur du problème de cette crise, des crises antérieures et de celles qui se préparent. C’est regrettable, mais c’est un fait que les mesures qui sont prises pendant la crise s’opposent, généralement, à celles qui seraient indiquées. Nous notons, à titre d’exemple, que tandis que les profits des bulles sont strictement privés et destinés aux actionnaires et aux managers, les pertes par contre sont collectives ; nous entendons qu’à présent ce sont les contribuables, qui se retrouvent obligés de payer la mauvaise gestion des banques, en accentuant ainsi les dangers encourus par la mauvaise distribution des revenus et des richesses. Le capitalisme et la mondialisation ne pourront survivre que si on élimine leurs excès. A contrario, la continuité de la dislocation du système sera longue et douloureuse. 1 Source: CBS. 2 Notons, cependant, qu’en ce qui concerne la Chine, son enthousiasme vis-à-vis de la liberté d’échanges est loin d’être sincère puisqu’elle s’adonne à du protectionnisme dans tous les cas où elle le considère nécessaire. Institut CEDIMES 28 La question angoissante est, justement, de savoir si le capitalisme peut éviter ses excès ou si ceux-ci font corps avec lui. 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Le néoliberalisme et la nature profonde de la crise actuelle Maria NEGREPONTI-DELIVANIS Ex-Recteur et Professeur à l’Université Macédonienne, Grèce delimar9@otenet.gr
Reviewed by Μαρία Νεγρεπόντη - Δελιβάνη
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Σεπτεμβρίου 07, 2023
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